« Nous, chrétiens, comment nous vivons les valeurs de la vie sociale ? »

Le regard de pasteur du cardinal Vallini

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Angelo Zema

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, lundi 24 septembre 2012 (ZENIT.org) –  « Redonner de la vitalité » à la foi pour qu’elle devienne une « conviction personnelle profonde » : tel est l’un des grands défis pastoraux qui sont au cœur de la rencontre diocésaine du clergé à Rome, ce lundi 24 septembre, en la basilique Saint-Jean-du-Latran, comme chaque année au début d’année pastorale.

 A la veille de cette rencontre, le cardinal Agostino Vallini, vicaire du pape pour Rome, explique dans l’hebdomadaire du vicariat de Rome « Roma Sette », les thèmes qui y seront affrontés, à quelques semaines de l’ouverture de l’Année de la foi promulguée par Benoît XVI (11 octobre 2012- 24 novembre 2013).

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Eminence, à l’occasion du congrès diocésain, vous avez écrit une lettre aux prêtres et aux curés des paroisses de Rome dans laquelle vous parlez de la pastorale « post-baptismale » en terme de « vraie nouveauté ».  De quoi s’agit-il?

Card. Vallini – Le projet pastoral diocésain – dix ans après le Jubilé de l’An 2000 – est axé sur les efforts d’évangélisation : c’est l’urgence prioritaire de la mission de l’Eglise aujourd’hui. Le pape répète souvent que dans la culture de notre temps nous ne pouvons plus présupposer la foi, qu’elle doit être à nouveau annoncée et affermie. Ainsi, les communautés paroissiales sont appelées à nourrir cette foi en impliquant les parents qui demandent le baptême pour leurs enfants de façon à ce qu’ils deviennent les premiers responsables de l’éducation de ceux-ci. Nous accompagnons donc les jeunes familles avec des itinéraires de formation qui vont dans ce sens. J’ai confiance, avec détermination on peut entreprendre un chemin fructueux.

Ne croyez-vous pas que le parcours de la pastorale baptismale peut être une précieuse occasion pour impliquer les énergies des laïcs, en particulier celles des familles? Comme une « petite mission citadine » au service des familles de la ville?

J’en suis convaincu. Et comme moi, les curés. La difficulté est d’impliquer et de préparer un nombre suffisant de catéchistes, surtout des jeunes familles, dans cette merveilleuse aventure. J’aimerais retrouver ce « climat missionnaire » de la « Mission citadine » (de l’An 2000, ndlr), dont tout le monde se souvient comme une heureuse expérience d’Eglise, même si je me rends compte que donner un caractère permanent à  « une petite mission citadine au service des familles » est un objectif ambitieux.

Comment le programme pastoral diocésain s’insère-t-il dans l’Année de la foi promulguée par Benoît XVI?

Je dirais que toute l’action de l’Église pastorale de Rome, à partir du synode diocésain et ainsi de suite, vise une introduction « à la vie de communion avec Dieu et à l’entrée dans l’Eglise » avec l’annonce de la Parole, pour que « le cœur se laisse façonner par la grâce qui transforme ». Le projet pastoral de ces années a pour objectif de dire à tout le monde, baptisés ou non, que « la porte de la foi… est toujours ouverte pour nous » (Porta fidei, 1).

Parler de l’Année de la foi signifie aussi parler du Concile Vatican II, 50 ans après son ouverture : quel est aujourd’hui l’héritage à cultiver et mettre en valeur?

Le concile a été une grande grâce qui a marqué la vie de l’Eglise de ces dernières décennies, bien que tant de graines doivent encore se développer pleinement. Au plan pastoral, il me semble qu’il faudrait faire beaucoup plus pour que la Parole de Dieu nourrisse la vie des croyants, pour que la liturgie soit célébrée comme le « vrai mystère de salut », que la communion ecclésiale ait des racines plus profondes, que les laïcs aient plus de responsabilités dans l’Eglise mais surtout dans la société civile, que le droit à la liberté religieuse pénètre la culture et la conscience des peuples.

Le problème de la foi est une question centrale face à la sécularisation – chute de la pratique religieuse, subjectivisme de l’expérience religieuse aujourd’hui – : quels aspects critiques avez-vous relevés ces dernières années à Rome dans la manière de vivre la foi et quelles sont au contraire, les éléments qui vous permettent d’espérer » ?

L’aspect peut-être le plus évident, en observant les comportements de la vie quotidienne, et pas seulement à Rome, c’est que la foi doit être motivée et rendue plus forte. Le défi est de lui redonner une vitalité qui lui permette de devenir une profonde conviction personnelle et une vraie force qui anime la vie. Mais ce qui me console c’est de voir aux côtés de nos prêtres, dans les paroisses, mais pas seulement, des fidèles murs et engagés montrant une foi solide et courageuse, qui collaborent généreusement dans les divers secteurs de la pastorale, entreprennent des chemins spirituels sérieux, source d’une grande joie en eux.

Au congrès diocésain de juin dernier, vous avez mis l’accent sur l’éducation, thème phare de toute l’Eglise italienne pour cette décennie. C’est une question qui  touche non seulement la famille mais aussi l’école, en plus bien entendu de la communauté ecclésiale : comment concrétiser cette alliance entre les divers sujets concernés par l’éducation?

Oui, c’est un thème récurrent, mais pas facile à traduire actes concrets. La Lettre du Saint-Père de 2008 « sur le devoir urgent de l’éducation » a eu un vaste écho. Moi aussi je suis revenu sur la question l’année suivante dans la lettre Eduquer avec espérance, dans laquelle je réitère l’invitation à agir ensemble, « en réseau », comme on dit aujourd’hui, car ce n’est qu’ensemble qu’on peut réaliser une action efficace d’éducation. Le problème est de trouver les formes de collaboration entre les parents, la paroisse et l’école.

Dans le rythme frénétique de la vie moderne, je me rends compte qu’il n’est possible de soutenir une interaction que lorsque l’on a des collaborateurs capables et particulièrement intéressés, choisis pourquoi pas parmi les parents eux-mêmes. Nous devrions leur faire prendre conscience que consacrer du temps à cette alliance éducative, vaut beaucoup mieux que garantir à ses enfants plus de confort. On trouve quelque expérience louable qui est de bon augure.

Parler de famille signifie aussi réfléchir à ses conditions de vie concrètes: manque de travail pour les jeunes mais pour les adultes. La crise réclame des réponses urgentes : qu’est-ce qui  inquiète le cardinal vicaire de Rome et que demande-t-il aux autorités compétentes?

Comme tout le monde, je suis moi aussi fortement préoccupé par ce manque de travail, surtout chez les jeunes. Là où il n’y a pas de travail, il n’y a pas d’avenir, et les conséquences personnelles et sociales nous les connaissons tous: elles s’appellent « déception », « découragement », voire souvent « dépression », « colère », ou pire. Personnellement je n’hésite jamais à demander aux responsables des institutions, de manière respectueuse et claire, de tout faire pour qu’il y ait plus de parité sociale.

Je comprends que la grave crise économique ait exigé des sacrifices  absolument extraordinaires de la part des familles, mais ce que je ne comprends pas c’est pourquoi il ne peut y avoir davantage de parité dans la distribution de ces sacrifices avec le soutien du pouvoir législatif. Nous continuons d’assister à des privilèges de corporations, à des scandales et abus d’argent public qui sont intolérables.

S’il n’y a pas une reprise du sens moral  individuel et collectif en
termes de justice et de solidarité, les lois de suffisent pas ou ne sont pas équilibrées.

Que fait le diocèse de Rome face aux nouvelles pauvretés?

La Caritas diocésaine, celles des paroisses et les autres associations engagées dans le social, font beaucoup et avec effort. Le vicariat aussi aide les familles et les individus sous forme d’intervention extraordinaire, en plus de la Fondation Salus populi romani pour les personnes menacées d’usure.

 Une initiative pour les familles est à l’étude. Elle touche le problème de la maison, espérons qu’on arrive à la mettre en pratique très vite.

Giuseppe De Rita, président du Censis (Centre d’études d’investissements sociaux), a qualifié la ville de Rome de « ville dortoir » et il souligne la nécessité de « récupérer la cohésion sociale en revenant aux lieux de rencontre » pour un nouvel élan collectif : êtes-vous de cet avis?

Je suis d’accord avec lui. Le manque d’identité et d’esprit communautaire peut trouver une solution dans les processus de micro socialisation, générateurs de communautés. Une mission guère facile, mais que les communautés ecclésiales, particulièrement les paroisses, réalisent déjà avec succès, même si en partie seulement.

Un dernier mot sur la violence qui marque la ville. Il y a quelques jours, une jeune prostituée de 22 ans a été agressée puis brûlée vive.  Et il y a eu d’autres épisodes de criminalité, qui, selon le préfet, sont le résultat d’une «tension vécue dans la société » : quel appel souhaitez-vous lancer aux institutions et aux citoyens?

J’assiste moi aussi avec effarement à ces graves épisodes qui, hélas, deviennent de plus en plus fréquents. Gare à s’y habituer ! Commençons pas nous interroger, nous chrétiens, sur comment nous vivons les valeurs fondamentales de la vie sociale: la justice, le respect, l’accueil, la charité, la solidarité. Envers quiconque mais surtout envers celui qui a plus de besoins. Puis en tant que citoyens demandons aux institutions plus de fermeté à garantir la légalité et la demande légitime de sécurité dans une métropole que des phénomènes nouveaux et complexes mettent à l’épreuve. Mais ensemble coopérons et dénonçons avec force l’exploitation, les abus, les spéculations en tout genre.

Rome, berceau du christianisme et patrie du droit, ne renie pas ton histoire et son visage humain, et engages-toi pour une culture où la dignité de l’homme, de chaque homme, serait garantie.

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ZENIT Staff

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