Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, mardi 18 septembre 2012 (ZENIT.org) – Le regretté cardinal François-Xavier Van Thuan, président émérite du Conseil pontifical Justice et Paix, aimait montrer sa croix pectorale, qu’il avait fabriquée en prison, « en signe d’espérance », souligne le secrétaire du de ce dicastère.
Mgr Mario Toso a en effet célébré l’eucharistie en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, vendredi 14 septembre, jour anniversaire de la mort du cardinal vietnamien dont la cause de béatification est ouverte le 22 octobre 2010. Le monde a besoin de regarder la Croix du Christ pour être guéri, a-t-il dit en substance, la nouvelle évangélisation doit l’y aider.
Homélie de Mgr Toso:
Chers frères et sœurs,
Le dixième anniversaire de la mort du bien-aimé Serviteur de Dieu, le cardinal Van Thuan – nous gardons le souvenir vivant de son enterrement il y a quelques mois dans cette église Santa Maria della Scala – est célébré au cours de cette Eucharistie le jour de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix. Et nous approchons aussi désormais du Synode du mois d’octobre, consacré à la nouvelle évangélisation, et de l’ouverture de l’Année de la foi.
Nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que la mémoire du cardinal Van Thuan est marquée cette années par des références dont la signification ecclésiale et pastorale est particulièrement riche.
La fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, en particulier, nous permet d’évoquer le souvenir du cardinal Van Thuan, témoin héroïque de l’amour de Jésus-Christ, cet amour total et fidèle qui l’a conduit à subir le supplice réservé aux esclaves.
La Croix est le lieu où Jésus-Christ a montré la grandeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de son amour pour son Père et pour l’humanité.
Grâce à cet amour sans mesure, qui surpasse toute connaissance, il a réalisé la volonté du Père et a racheté l’humanité, en l’enrichissant de la capacité d’aimer de Dieu lui-même.
Le Serviteur de Dieu Van Thuan, pendant les dures années de prison, a puisé sa force dans l’amour du Christ crucifié. Il s’est immergé dans cet amour en célébrant l’Eucharistie dans ce qu’elle a de plus essentiel, animé par une foi ardente. Voulant se représenter cet amour souffrant, il a fabriqué, morceau par morceau, la croix pectorale qu’il portait autour du cou après sa libération, et qu’il montrait à tous, surtout à ses compatriotes réfugiés ou émigrés, en signe d’espérance.
Dans sa prédication, il citait souvent la prière liturgique : O Crux ave, spes unica : Salut, o Croix, notre unique espérance.
La Croix, ou mieux, l’amour suprême de Jésus-Christ manifesté en elle, est l’espérance du monde. Seul un tel amour rachète et transfigure les personnes, et donne aux peuples une réelle prospérité. Seul l’amour total du Christ pour le Père et pour l’humanité, accueilli et vécu, peut rendre capable de renaître d’un point de vue moral et de fonder la vie de la cité – polis – sur l’amour de l’autre, plutôt que sur la peur de son semblable.
Lorsqu’il travaillait au Conseil pontifical « Justice et Paix », le Serviteur de Dieu et cardinal Van Thuan a continué de regarder l’amour du Christ crucifié comme la source originelle d’un renouveau qui humanise et qui libère la culture, la politique, l’économie, la finance, la famille des peuples et des mass media.
Nous savons tous que la nouvelle évangélisation ne se réalise que grâce à des communautés et à des fidèles laïcs – christifideles –qui vivent une foi intense. Une telle foi parvient à devenir une nouvelle culture et une nouvelle pratique si elle est pleinement accueillie, entièrement pensée, fidèlement vécue, célébrée avec un amour passionné pour Jésus-Christ.
Une nouvelle évangélisation introduit et accompagne les croyants dans la vie d’amour nouvelle que Jésus-Christ montre et réalise de manière éminente sur la Croix, afin qu’ils en deviennent les annonciateurs et les témoins.
Il y a donc un lien étroit entre la nouvelle évangélisation et la croix du Christ. La nouvelle évangélisation vise à faire rencontrer Jésus-Christ, à vivre de lui, à vivre de son amour crucifié, un amour fidèle envers Dieu et envers l’homme.
Le monde d’aujourd’hui, surtout en Europe, montre des signes de déchristianisation et d’un affaiblissement de la foi ; il a besoin d’une nouvelle évangélisation, de regarder la croix du Christ pour être guéri, comme le firent les Israélites qui, ayant été mordus par des « serpents brûlants », furent guéris en tournant leur regard vers le serpent de bronze, placé sur l’étendard de Moïse (cf Nb 21, 4-9).
En puisant dans l’amour du Christ mort sur la croix, il est possible de vaincre le venin maléfique de ces « serpents brûlants » qui sont, sur le plan de la vie intérieure et spirituelle, le fait de se considérer comme le maître absolu de la vérité, la volonté de dominer les autres, le manque de fraternité, la haine ; et, sur le plan des nouvelles idéologies, le matérialisme consumériste, le mercantilisme et la technocratie.
Grâce à l’amour oblatif du Christ crucifié qui, comme l’enseigne Benoît XVI dans Caritas in veritate, est « amour plein de vérité », le christianisme montrera pleinement son génie, sa force capable d’inspirer un nouvel ethos et une nouvelle civilisation, et ne sera pas considéré simplement comme un réservoir de bons sentiments (cf. Caritas in veritate, n. 4).
En participant à l’Eucharistie de ce jour, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, laissons-nous attirer dans le dynamisme transcendant de l’amour du Christ qui se fait, d’une certaine manière, « l’esclave » de Dieu et de l’humanité par le don total de sa vie, pour que personne ne soit perdu. Regardons l’exemple du card. Van Thuan qui en est devenu le témoin insigne.
Que la Croix sur laquelle Jésus a étendu les bras, réunissant les juifs et les païens en un seul peuple, nous aide à être, comme le Serviteur de Dieu Van Thuan, des annonciateurs de l’unité et de la paix.
O Crux ave, spes unica !