Anita Bourdin
ROME, mardi 13 mars 2012 (ZENIT.org) – « L’humilité est la clé de tout ministère fidèle », estime l’archevêque de Cantorbéry. Il recomande pour cela de cultiver une vie de prière.
L’archevêque de Cantorbéry et primat de la Communion anglicane, Rowan Williams, a en effet prononcé une homélie lors des vêpres présidées avec Benoît XVI, samedi 10 mars, dans l’église des Saints-André-et-Grégoire au Celius, à l’occasion du millénaire de la fondation de l’ordre des Camaldules.
L’archevêque anglican a commenté l’enseignement du pape Grégoire à propos des responsables de l’Eglise : « Saint Grégoire le Grand a beaucoup parlé des tentations et des combats propres à ceux qui sont appelés à remplir une fonction ministérielle dans l’Eglise de Dieu. Etre appelé à son service, c’est être appelé à souffrir de diverses manières – le tourment de la compassion, ainsi qu’il le nomme, la conscience quotidienne des besoins urgents des hommes, corporels et spirituels, et le tourment des éloges, de la flatterie et du statut ».
Il souligne l’importance de la connaissance de soi : « Cette dernière épreuve en est une parce que ceux qui sont appelés à ce ministère connaissent bien leurs faiblesses et leur instabilité. Mais cette connaissance est salutaire, puisqu’elle nous permet de pourvoir efficacement aux besoins des personnes en difficulté ; et cela nous rappelle que nous ne trouvons la stabilité, soliditas, que dans la vie du Corps du Christ, et non dans notre propre réussite ».
L’enseignement de saint Grégoire est marqué, fait-il observer, par son expérience de moine : « Ce sont des intuitions profondément enracinées dans la formation monastique de saint Grégoire. L’humilité est la clé de tout ministère fidèle, une humilité qui cherche sans cesse à être immergée, impliquée, dans la vie du Corps du Christ, sans chercher un héroïsme ou une sainteté individuels. Et c’est cette humilité que l’auteur de la première vie de saint Grégoire, écrite en Angleterre au début du huitième siècle, place en tête de la liste des vertus du saint ; il l’associe au don de « prophétie » qui lui permettait de voir ce dont le peuple anglais avait besoin et de répondre en envoyant, de Rome, la mission de saint Augustin. Saint Grégoire lui-même fait d’ailleurs la même association entre l’humilité et la prophétie dans les Dialogues. »
« Parce qu’il est pris dans l’éternelle offrande que Jésus-Christ fait de lui-même, à travers les mystères sacramentels de l’Eglise, le véritable pasteur et chef de l’Eglise est quelqu’un qui est libre de voir les besoins des autres tels qu’ils sont réellement. Cela peut être « un tourment », car ces besoins peuvent être extrêmement profonds et tragiques ; mais cela nous pousse aussi à agir pour répondre à ces besoins au nom et avec la force du Christ », ajoute l’archevêque.
Mais cette réalité doit être nourrie par la prière quotidienne, affirme l’archevêque anglican : « Etre immergé dans la vie sacramentelle du Corps du Christ requiert une immersion quotidienne dans la contemplation ; sans cela, nous ne pouvons pas nous voir clairement l’un l’autre ; sans elle, nous ne parviendrons pas à nous reconnaître et nous aimer les uns les autres, et à grandir ensemble dans son Corps unique, saint, catholique et apostolique ».
Il ajoute : « L’Eglise est appelée à montrer le même esprit prophétique que celui de saint Grégoire, la capacité de voir où est le véritable besoin et de répondre à l’appel de Dieu dans la personne de celui qui est dans le besoin ».
« Cela requiert, explique l’archevêque, une habitude du discernement, de la pénétration pour dépasser les préjugés et les clichés qui affectent aussi les croyants, dans une culture si souvent pressée et superficielle dans tant de ses jugements ; et à cette habitude du discernement appartient celle de nous reconnaître mutuellement comme des agents de la grâce, de la compassion et de la rédemption du Christ ».
Mais il donne la condition d’un tel discernement : « Une telle habitude se développera uniquement si nous apprenons chaque jour la discipline du silence et de la patience, dans l’attente que la vérité se manifeste à nous, au fur et à mesure que nous laissons de côté les déformations de notre vision, causées par l’égoïsme et la cupidité ».
Et cette attitude est à contre-courant, souligne l’archevêque : « Nous nous sommes familiarisés avec une culture fiévreuse de la publicité qui nous pousse à développer des désirs irréels et disproportionnés. Tous, chrétiens et pasteurs inclus, nous avons besoin d’une discipline qui purifie notre vision et restaure en nous un certain sens de la vérité de notre monde, même si cela doit produire le « tourment » de connaître plus clairement combien les hommes et les femmes souffrent et combien nous pouvons faire peu pour eux par nos efforts individuels. »
Il recommande aux pasteurs de donner de l’espace à la prière dans leurs journées : « Nous apprenons à laisser de côté nos emplois du temps remplis de nos propres intérêts et à permettre au Christ qui se donne de vivre en nous, d’ouvrir nos yeux et de nous rendre capables de servir ».
<p>Il conclut sur ce don de la contemplation nécessaire aux pasteurs : « Et nous prions pour tous ceux qui sont appelés à exercer un ministère public dans l’Eglise du Christ, pour que leur soit donnée, dans leur témoignage, la grâce de la discipline contemplative et de la clarté prophétique afin que la gloire de la croix du Christ illumine notre monde, même au milieu de nos faiblesses et de nos échecs ».