ROME, mercredi 30 novembre 2011 (ZENIT.org) – « Sortir de la dialectique du fort et du faible » face aux personnes « vulnérables » : c’est l’attitude évangélique illustrée par le 10e colloque de bioéthique organisé par la communauté de l’Emmanuel, en France, à Paray-le-Monial, les 11-13 novembre 2011. Parmi les intervenants, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, chargé de la bioéthique au sein de la Conférence des évêques de France, Pierre-Yves Gomez, économiste, Catherine Perrotin, maître de conférence en philosophie, et le P. Christophe Liony, médecin. Dans cet entretien, le Dr Nathalie de Soultrait, médecin, de la commission Bioéthique & Vie humaine, de la Communauté de l’Emmanuel, offre un écho de cette rencontre. Zenit - Quels sont les enjeux éthiques face à la personne vulnérable ? Dr Nathalie de Soultrait - On apprécie le degré d’humanité d’une société à la façon dont elle prend en charge le plus faible. Cela nous invite à protéger la personne vulnérable comme l’embryon, la personne en fin de vie, la personne handicapée... Mgr d’Ornellas nous a incités à aller plus loin : « La théorie du care, c’est très bien, mais cela revient à considérer qu’il y a des gens vulnérables et d’autres non. » Pour sortir de la dialectique du fort et du faible, il nous a rappelé le caractère transcendant de la personne humaine : « Dans la révélation chrétienne, l’homme se découvre enfant de Dieu, aimé quelles que soient ses faiblesses, et capable de s’aimer  lui-même pour ce qu’il est et non pour ses talents. Ainsi il peut assumer sa vulnérabilité ». Sans doute, l’enjeu éthique est de réaliser que « l’humanité est un peuple de vulnérables et que c’est sa force ! » Ce colloque a-t-il changé le regard des participants sur la personne vulnérable ? Notre première réaction face à la vulnérabilité est souvent la peur. Au cours de ce colloque, chaque intervenant nous a révélé que cette vulnérabilité présente chez tout homme, peut être convertie en richesse. Nous sommes appelés à nous émerveiller, à écouter l’Autre. Pierre-Yves Gomez, spécialiste en économie politique, a éclairé les dérives d’une médecine qui se technicise jusqu’à faire la promesse intenable d’une santé absolue et d’une vie sans souffrance. Pour lui, on retrouve appliqués à la santé les grands principes d’une économie libérale où l’homme, rationnel, est libre de choisir ce qui lui semble bon pour lui, et régule ses intérêts personnels censés conduire à l’intérêt général, sans aucune référence à un bien commun. Or la vocation du médecin, du soignant, n’est elle pas d’être au service de la vie ? Ce conférencier a donné un exemple très parlant en évoquant l’euthanasie : « Si les médecins jugent en fonction du sens de leur métier, alors on comprend qu’ils disent non à l’euthanasie, mais s’ils ne sont là que pour répondre aux demandes des gens, alors ils diront oui… » Quel sens chrétien peut-on donner à la vulnérabilité ? Face à la personne vulnérable, on est conduit à l’expérience de la compassion : se laisser émouvoir par la souffrance et comme le bon samaritain, prendre soin de la personne blessée. Pour le Père Christophe Liony, c’est alors que « placée au centre des soins et des attentions, la personne vulnérable devient celle qui unit et apaise, à l’image du bébé choyé par sa famille. » C’est en fait la victime qui « sauve » son protecteur, en un renversement qui fait écho au scandale de la Croix évoqué par Saint Paul : « Car ce qui serait folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, ce qui serait faiblesse de Dieu est plus fort que la force des hommes » (I CoI, 25). Accueillir la personne vulnérable représente un enjeu pour l’humanité car elle est chemin de vie et de réconciliation. Propos recueillis par Séverine Jahan -