ROME, Dimanche 3 avril 2011 (ZENIT.org) – Quand George Palliparampil, aujourd’hui évêque de Miao, a commencé son ministère dans l’extrême nord-est de l’Inde, son travail missionnaire était illégal et il a dû subir des interrogatoires de police.
Malgré les obstacles incessants, la terre missionnaire de Mgr Palliparampilis est l’endroit où l’Eglise catholique a le plus progressé au cours des 30 dernières années, avec plus de 10000 baptêmes d’adultes chaque année, en dépit d’une interdiction frappant les conversions. Aujourd’hui, plus de 40% des quelque 900.000 habitants de l’Arunachal Pradesh sont catholiques, et leur nombre augmente rapidement.
Le prélat, âgé de 56 ans, a été interviewé dans l’émission de télévision « Là où Dieu pleure ».
Q : Votre Excellence, nous parlons de l’extrême nord-est de l’Inde, une région très montagneuse habitée par des tribus qui, jusqu’à il y a encore 60 ans, étaient des chasseurs de têtes de culture païenne. Combien de tribus vivent encore dans cette zone ?
Mgr Palliparampil : Il existe 26 tribus principales, divisées en peut-être plus de 120 sous-tribus, chacune avec son propre dialecte et sa culture spécifique.
Ces tribus étaient païennes ?
Je voudrais clarifier que le mot « païen » s’entend dans le sens que ce sont des gens qui n’ont aucune religion organisée. Ils adorent les puissances de la nature. Le mot « animisme » serait plus approprié. Tout se ramène aux esprits, bons et mauvais. Si survient quelque chose de bon, cela est dû à la présence de bons esprits. Si, en revanche, survient quelque chose de mauvais, c’est à cause des esprits mauvais, et il faut se les concilier. Des sacrifices propitiatoires doivent être accomplis afin d’apaiser l’esprit mauvais.
Existe-t-il le concept d’un Dieu ?
Oui, par exemple les Tani croient en un ancêtre commun. J’ai effectué une étude de leur culture, et elle est très semblable à ce que nous lisons dans le Livre de la Genèse. Ils croient en un seul Dieu. Le soleil et la lune sont les deux yeux de Dieu à travers lesquels Dieu nous voit. Abotani, le premier père, avaient deux fils comme Caïn et Abel, et ainsi continue l’histoire.
Donc, quand est arrivé le christianisme, il y avait déjà une ouverture ?
Il y avait une ouverture, et elle existe encore. En fait, ils réalisent qu’ils trouvent leur épanouissement dans quelque chose qu’ils possédaient déjà en partie. Les groupes Tani croient qu’ils font partie d’une religion mondiale.
Les Tangsa y trouvent l’accomplissement de leurs récits. Ensuite nous avons la fameuse croix Mishmi. Certains groupes de Mishmi ont l’habitude de tatouer une croix sur leur corps, mais personne ne connaît l’origine de ce tatouage.
La nouvelle acceptation du christianisme dans cette zone s’est faite au prix de maintes difficultés. Il y a des obstacles imposés non seulement par la culture païenne, mais aussi par les restrictions décrétées par le gouvernement indien qui, jusqu’à très récemment, ne permettaient pas aux chrétiens d’exercer leur ministère dans la zone de l’Arunachal Pradesh. Quand êtes-vous allé pour la première fois dans l’Arunachal Pradesh ?
Ma première visite a été à un village appelé Pappu nala, dans lequel 400 personnes s’étaient rassemblées pour célébrer Noël. Au moment où nous avons atteint la zone, elle était encerclée par la police, et nous sommes repartis. Sur la route, nous avons été rattrapés et détenus jusqu’à 1h30 du matin. Ils nous ont interrogés mais, au lieu de m’effrayer, j’ai senti en moi une détermination qu’il fallait faire quelque chose en ces lieux, car j’avais trouvé les gens affamés de foi, et des services de l’Eglise, tout ce dont ils avaient été privés jusqu’ici.
Les dirigeants politiques ne voulaient pas que les chrétiens viennent, ils ne voulaient pas que les chrétiens évangélisent, et ils vous arrêtaient et vous déportaient. Mais quelle a été la réaction des gens ?
Les gens veulent quelqu’un qui les aime. C’est mon expérience. J’ai rencontré un excellent accueil ; et pour vous donner une idée, quand les gens du village de Pappu nala ont appris que nous avions été arrêtés, 300 d’entre eux se sont rendus au commissariat de police avec des poignards, des épées et des torches et l’ont encerclé, décidés à ne pas bouger tant que nous ne serions pas relâchés. Vers 23h30, le policier nous a demandé : « Je vous prie, faites partir ces gens. Vous passerez la nuit ici et demain nous vous ramènerons chez vous ». J’ai insisté : « Non, ce ne sont pas nous qui les avons appelés ». Le chef de village a ajouté : « Nous ne bougerons pas d’ici ». Pour finir, vers minuit et demi, ils ont pris un camion de l’armée pour nous ramener à Assam, mais les gens ont insisté : « Nous ne partirons pas, car nous n’avons pas confiance dans le gouvernement ». Ils se sont entassés au maximum dans le camion et tous nous ont escortés jusqu’à la mission. Seulement alors ils sont repartis. C’est la réaction des gens. Je suis resté là toutes ces années. Au début je ne faisais que passer. A partir de 1992, je me suis installé, et je dirais que je suis devenu l’un d’entre eux.
Effectivement, le gouvernement perçoit de plus en plus que l’Eglise protège la culture locale. Comment se fait-il que vous protégiez la culture locale et comment y parvenez-vous face à la globalisation et la sécularisation ?
C’est effectivement la première chose qu’il faut garder présente à l’esprit : la compréhension erronée que certaines personnes ont de la culture. Certains pensent que la culture est quelque chose de très statique – une façon traditionnelle de s’habiller et de vivre, peut-être dans des huttes. Cela seul n’est pas la culture. La culture est ce qui façonne un homme ; ce qui lui confère son identité, son mode de pensée, son système des valeurs. En devenant chrétien ou en vivant chrétiennement dans la société moderne mondialisée, un membre d’une tribu ne devient pas pour autant moins tribal.
Dans votre diocèse, il n’y a que 70 000 catholiques et ce chiffre est en rapide augmentation. Quel a été, selon vous, le plus grand outil d’évangélisation, qui a encouragé la diffusion de la foi dans l’Arunachal Pradesh ?
Je crois que le plus grand succès, si on peut dire ainsi, est que les gens ont senti que, dans l’Eglise, ils trouvent quelqu’un qui chemine avec eux. Non pas quelqu’un qui vient pour leur donner des plans et des projets, en leur disant : « Faites ceci et vous progresserez » ou, « nous vous donnons des fonds pour que vous en disposiez comme bon vous semble » ou encore « Priez comme ceci et vous serez sauvés » … . »Non, ce qu’ils ont vu, c’est quelqu’un qui s’implique dans chaque aspect de leur vie et ils l’acceptent.
Je peux citer le policier qui nous a arrêtés en 1980. Il a dit très clairement : « Il n’y a pas de village où ces missionnaires chrétiens ne sont pas allés. Ils ont dormi dans les maisons tribales. Ils ont mangé avec les membres des tribus. Et ceux-ci peuvent entrer à tout moment dans leurs maisons. Leurs enfants vont à leurs écoles dans toute l’Inde, et ils accueillent les malades pour les soigner, pas seulement dans les hôpitaux du nord-est, mais jusqu’à Chennai, Apollo et Velur, et pas pour les convertir mais seulement pour des raisons humanitaires. Quand ces personnes [les missionnaires chrétiens] arrivent, je dois l’admettre, les membres des tribus désirent faire partie du christianisme ». Et c’est ce qui se passe en réalité. Il ne s’agit pas d’une sorte de conversion imposée comme certains le prétendent. C’est tout simplement l’acceptation.
Propos recueillis par Mark Riedermann pour l’émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en co
llaboration avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED).
Sur le Net :
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