Lettre du délégué pontifical auprès de la Congrégation des Légionnaires du Christ

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L’archevêque et futur cardinal Velasio De Paolis

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 ROME, Lundi 25 octobre 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous la lettre que le délégué pontifical auprès des Légionnaires du Christ, Mgr Velasio De Paolis (qui sera créé cardinal au prochain consistoire) a adressée le 19 octobre à la Congrégation et aux membres consacrés du Regnum Christi (cf. Regnum Christi).

* * *

Rome, le 19 octobre 2010

Aux Légionnaires du Christ 

et aux membres consacrés du Regnum Christi

Chers frères et sœurs dans le Seigneur, Depuis la première lettre que je vous ai envoyée le 10 juillet dernier, au début de la charge que le Saint Père a voulu me confier auprès des Légionnaires du Christ et du Mouvement Regnum Christi, qui leur est uni, trois mois se sont écoulés. Ce fut le temps des vacances au cours duquel le travail est plus léger.

Cependant, ce fut un temps précieux pour le chemin entrepris. Beaucoup ont fait entendre leur avis, soit par écrit soit en parlant personnellement avec moi. Vous avez été nombreux. Malheureusement je n’ai pas pu recevoir tous ceux qui le désiraient. Mais j’espère que le chemin, qu’on peut prévoir encore long, le permettra sans tarder. De même, je n’ai pas pu répondre à tous ceux qui m’ont fait connaître leur avis par écrit. Nombreux sont ceux qui ont voulu m’envoyer leurs félicitations et leur salut. Il est évident que je ne peux pas répondre à chacun personnellement.

Il m’est agréable de profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui se sont manifestés : ceux qui ont simplement voulu me saluer et me féliciter, ceux qui ont aussi voulu me raconter l’histoire de leur vocation et exprimer leur volonté de rester fidèles à leur propre vocation religieuse et sacerdotale à la Légion, en fidélité à Dieu et à l’Eglise. Ceux aussi qui ont proposé leurs suggestions pour le chemin de rénovation que nous sommes appelés à suivre, soit pour avertir des dangers qui se présentent quand on est pris par le désir de changement, soit pour encourager à changer et à renouveler la congrégation. Je suis certain que tous sont animés par le désir d’agir en cherchant le bien ; tous soulignent des aspects qui doivent être présents sur notre chemin.

Je voudrais inviter à la réflexion. Chacun d’entre nous – même avec la meilleure bonne volonté – est normalement partiel dans sa vision et son estimation des faits et des exigences de rénovation ; donc, au lieu de créer des positions contradictoires pour faire triompher sa vision personnelle, il faut que chacun regarde aussi les autres et soit ouvert et disponible à la valorisation des autres. Partant de la valorisation et des contributions de tous, nous sommes appelés à un discernement qui nous conduira sur le chemin du changement dans la continuité de la vie même de la Congrégation. De fait, il est indéniable qu’il y a beaucoup de choses qui doivent être changées ou améliorées par toute une série de mesures ; d’autres, et ce sont les points fondamentaux, ceux de la vie religieuse et sacerdotale, doivent être conservés et promus.

L’important est surtout que chacun soit porté par le désir du bien et de la volonté de se convertir toujours plus au Seigneur, sous la conduite de l’Eglise, pour être disponible à sa volonté et progresser sur le chemin de la fidélité et de la sainteté, selon sa vocation propre. Si on agit unis les uns aux autres et se respectant mutuellement, le chemin sera libre et assuré ; si nous nous laissons porter par la volonté de faire prévaloir et imposer ses idées personnelles aux autres, le naufrage est assuré.

Donc, la responsabilité est grande et chacun doit l’éprouver devant sa propre conscience, devant Dieu, devant l’Eglise et la Congrégation. C’est dans cet esprit et avec cette intention que je vous envoie cette lettre dans laquelle je vous communique également quelques nouvelles réflexions au sujet du chemin déjà parcouru et de son évolution future.

I. Précision du cadre de l’accompagnement :  

1. Par la présentation de la lettre pontificale de nomination j’avais précisé que des ajustements seraient donnés avec la publication du décret du Secrétaire d’Etat, en date du 9 juillet 2010. Il s’agit d’un décret que je vous ai déjà communiqué et que vous connaissez. Par ce décret était précisé un point fondamental qui doit rester présent : par la nomination du Délégué Pontifical, la Légion n’est pas placée sous la conduite d’un commissaire, mais elle est accompagnée sur son chemin par le Délégué Pontifical. En fait, le Décret Pontifical reconnaît et confirme les supérieurs actuels. Cela signifie, d’une part, que les supérieurs gardent leurs responsabilités selon les constitutions et, d’autre part, que la première instance pour régler les problèmes de la Légion elle-même est celle des supérieurs auxquels les religieux sont invités à s’adresser en premier lieu.

2. En même temps, j’ai précisé que ma fonction ne pourrait être pleinement assumée que lorsque m’auraient été adjoints des conseillers qui me serviraient d’aide dans ma charge de Délégué Pontifical. La notification de ces conseillers a été communiquée ces jours-ci. Il s’agit de :

– S.E. Monseigneur Brian Farell, L.C., secrétaire du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens.

– P. Gianfranco Ghirlanda, S.I. ex recteur de l’Université Pontificale Grégorienne

– Monseigneur Mario Marchesi, vicaire général du diocèse de Crémone 

– P. Agostino Montan, C.S.I., Directeur de l’Office pour la vie consacrée du diocèse de Rome et vice-doyen de la Faculté de Théologie de l’Université Pontificale du Latran.

3. Il y a aussi une précision au sujet du Mouvement Regnum Christi, en particulier pour les personnes consacrées. S.E. Monseigneur Ricardo Blázquez, Archevêque de Valladolid, a été nommé visiteur auprès des Consacrés du mouvement Regnum Christi. Une telle visite sera réalisée sous la responsabilité du Délégué Pontifical et en coordination avec sa responsabilité sur toute la Légion du Christ et du mouvement Regnum Christi. Le mouvement Regnum Christi est un bien précieux indissociablement attaché à la Légion. Celle-ci doit sentir sa responsabilité vis-à-vis de lui et continuer à lui accorder son attention ; mais cette relation doit être l’objet d’une réflexion sereine et fait partie du chemin de rénovation qui touche la Légion elle-même et ses Constitutions, en référence également aux membres du Regum Christi. 

4. Début d’une nouvelle phase : Je précise encore que ma responsabilité de Délégué Pontifical n’est pas non plus celle du visiteur apostolique, qui a pour mission fondamentale de rencontrer les personnes, recueillir les informations pour poser le cadre de la situation réelle et offrir des suggestions et des propositions de solutions à l’Autorité compétente, pour résoudre les situations non conformes à l’idéal évangélique de la vie religieuse. La tâche de visiteur a été réalisée par cinq évêques chargés par le Saint Père de visiter toute la Congrégation. Cette mission a duré presque une année. Le résultat en a été présenté au Saint Père qui a indiqué, en nommant son Délégué, le chemin suivant qui, maintenant, ne consiste plus en celui d’un visiteur ou d’un commissaire, mais en celui d’accompagner le chemin de rénovation, particulièrement pour un Chapitre Extraordinaire chargé d’élaborer un texte constitutionnel qui sera soumis au Siège Apostolique. Il s’agit d’un chemin qui doit partir des indications récoltées par la visite apostolique et que le Saint Siège a faites siennes afin que, partant de cette base, nous avancions jusqu’à la rénovation nécessaire. 

C’est un tâche qui vous concerne tous et donc, vous devez tous être engagés et responsabilisés. Mais il est évident
qu’une telle mission correspond surtout aux supérieurs qui sont appelés à organiser, stimuler, susciter et engager tous les membres dans cette rénovation, activement et de façon ordonnée. Parvenus à cette étape du chemin de la Congrégation, il est extrêmement important que les Supérieurs remplissent convenablement leur tâche.

C’est aussi l’aide principale que le Délégué Pontifical est appelé à offrir. Le Saint Père, au début de cette nouvelle étape du chemin, a renouvelé sa confiance à la Congrégation ; une telle confiance ne pourra avoir un résultat positif que si, en retour, elle a celle des légionnaires qui sont chaleureusement invités à abandonner soupçons et méfiances et à agir concrètement et positivement pour le bien de la Légion, sans rester encore dans le passé et sans alimenter les divisions. Après la phase de la visite apostolique, arrive maintenant la nouvelle phase de reconstruction et de rénovation. C’est à cette étape que nous sommes appelés à nous insérer.

II. Nouvelles et évaluation 

1. Au cours des trois mois passés depuis ma nomination et celle de mes conseillers, j’ai eu différentes rencontres – y compris pendant l’été et, donc, en période de vacances – avec les supérieurs de l’institut, soit pour traiter quelques problèmes urgents survenus de temps en temps, soit aussi pour répondre à des attentes qui étaient dans l’air ou encore pour donner des précisions sur des questions que l’action demandait.

2. J’ai eu ainsi différentes rencontres avec la direction générale et, il y a peu de temps, avec la direction et les supérieurs provinciaux qui étaient à Rome. Il ne s’agissait pas tellement de prendre des décisions, remises après la nomination des quatre conseillers du Délégué Pontifical, mais plutôt de réfléchir sur des aspects d’ordre général et de commencé à cerner quelques points qui doivent être affrontés, de parles des procédures à adopter, des sujets à éclaircir, etc. Quelques éléments issus de la réflexion des visiteurs de la Congrégation elle-même ont aussi été présentés – même si ce n’est que de façon très synthétique -. Il a été question de la relation entre la situation personnelle du Fondateur et la réalité charismatique et spirituelle de la Légion elle-même. Une tentative de première réflexion sur le problème de l’exercice de l’autorité au sein de la Légion a été faite ; sur le thème de la liberté de conscience, des confesseurs et des directeurs spirituels ; il y a eu également une réflexion sur le chemin à suivre pour la révision des constitutions avec une référence particulière à sa structure, sur la relation entre les normes constitutionnelles et autres ; on a aussi cherché à bien clarifier la relation entre les supérieurs : de la Légion et le Délégué Pontifical ; et autres arguments du gouvernement de la Congrégation. 

3. Certains autres problèmes ont également été identifiés pour lesquels il faut prévoir que la constitution d’une commission sera nécessaire : surtout et principalement la commission pour la révision des constitutions ; mais on étudie aussi la nécessité d’une commission d’approche de ceux qui, de différentes façons, ont des prétentions en relation avec la Légion ; on pense aussi à une commission pour les problèmes d´ordre économique.

4. On a aussi fait mention du temps nécessaire pour mener à terme ce chemin. Du côté des légionnaires, on découvre un désir d’accélérer le temps. Mais nous avons insisté sur la nécessité de prendre le temps qu’il faudra, que nous pensons être d’au moins deux ou trois ans, peut-être plus.

5. À la lecture des nombreuses lettres qui me sont parvenues, d’une façon générale, il s’agit de réactions positives. Le Saint Père est remercié de son intervention et de la nomination du Délégué Pontifical ; s’exprime aussi la disponibilité personnelle pour collaborer avec le Délégué Pontifical lui-même et l’assurance de la prière. Remerciements au Seigneur pour la vocation reçue et expression de la confiance dans la Congrégation des Légionnaires, au sein de laquelle on veut persévérer. Les séminaristes, en général, se sont limités à exprimer leur volonté de persévérer dans leur vocation. Certains prêtres ont aussi exprimé leurs suggestions, leur perplexité, leurs doutes et leurs difficultés, surtout par rapport à la réglementation et à la praxis sur le for interne, sur l’exercice de l’autorité et sur la nomination des supérieurs ou sur les changements ; sur la formation ; l’un ou l’autre a demandé un temps de réflexion comme extra domum, ou a exprimé aussi sa volonté de quitter la Congrégation. 

III. Quelques points particuliers de plus grande importance 

1. Les actes du Fondateur et la réaction des légionnaires

La majeure partie des légionnaires, face à la situation du Fondateur, a réagi positivement en réaffirmant sa gratitude envers Dieu pour la vocation et découvrant tout le bien que la Légion a réalisé et réalise encore maintenant. De plus, la Légion a été approuvée par l’Eglise et ne peut pas ne pas être considérée comme une œuvre de Dieu, au service de son Règne et de l’Eglise. Les responsabilités du Fondateur ne peuvent pas simplement être transférées sur la Légion du Christ elle-même.

2. Les supérieurs actuels et leur responsabilité :

Une difficulté persiste et elle est ressentie par certains pour qui les supérieurs actuels ne pouvaient pas ne pas connaître les fautes du Fondateur. En les taisant, ils auraient menti. Mais on sait que le problème n’est pas si simple. Les différentes dénonciations publiques dans les journaux, à partir des années 90, étaient bien connues, et aussi par les supérieurs de la Congrégation. Mais, avoir les preuves du fondement de telles accusations et en avoir la certitude, est une autre chose. Ceci est venu beaucoup plus tard et graduellement. Dans de tels cas, la communication n’est pas facile. L’exigence de retrouver la confiance s’impose pour une collaboration nécessaire.

3. Le charisme de la Légion:

Une autre question très délicate est celle du charisme de la Légion. Le manque de démarcation entre les normes constitutionnelles et les normes de droit a peut-être nui à la détermination du charisme lui-même. Mais il semble indéniable qu’il est suffisamment clair et précis et, d’ailleurs, il est en ce moment plus actuel que jamais. Une réflexion et un approfondissement s’imposent.

Je ne voudrais mentionner qu’un seul aspect. La culture actuelle est sécularisée, infectée d’immanentisme et de relativisme. Une telle mentalité caractérise la culture de notre temps ainsi que les personnes qui, aujourd’hui, créent l’opinion ou se considèrent détentrices de la culture. C’est une question de culture et donc, une question de position dominante, c’est-à-dire de personnes dans les mains desquelles repose la conduite de la société. Nous sommes dans une société où ne se trouvent plus de personnes d’épaisseur culturelle chrétienne et plus particulièrement catholique. En même temps, nous savons que la foi ne peut pas être uniquement transmise au niveau privé.

La société d’aujourd’hui, pour être christianisée, a besoin de personnes qui puissent assumer la responsabilité de la société de demain, qui se forment dans les écoles et dans les universités, de prêtres et de personnes consacrées, de laïcs engagés, bien formés, d’apôtres de la nouvelle évangélisation.

Le passé doit nous servir de guide pour nous insérer dans le présent. L’Eglise a façonné le passé, elle a participé à une vision chrétienne de la vie grâce aux monastères, aux universités, aux études et à la culture. L’Eglise le réaffirme quand elle parle de nouvelle évangélisation et lance un nouveau dicastère pour la nouvelle évangélisation. Je pense que la Congrégation des Légionnaires du Christ trouve pr
écisément dans ce domaine, sa place de service envers l’Eglise. Et ceci laisse espérer le meilleur pour le futur.

IV. Réflexion de conclusion 

Il me semble qu’on peut et qu’on doit espérer un chemin positif pour la rénovation. Il y a tant de signes qui font penser à un but positif à la fin du chemin. Le choc provoqué par les actions du Fondateur a eu un impact terrible, capable de détruire la Congrégation elle-même, ce que, d’ailleurs, beaucoup avaient annoncé. Et pourtant, celle-ci non seulement survit mais sa vitalité demeure quasi intacte. La grande majorité des Légionnaire a su lire l’histoire de sa propre vocation, non pas tellement par rapport au Fondateur, mais surtout en relation avec le mystère du Christ et de l’Eglise, et renouveler sa fidélité personnelle au Christ dans l’Eglise et dans la Légion.

La capacité de lire leur situation en une dimension surnaturelle leur a permis de ne pas s’égarer et de ne pas se perdre. L’étoile polaire de la fidélité à l’Eglise et de l’obéissance au Pape les a préservés de découragements faciles et d’abandons. Un grand nombre a raconté sa réaction devant les évènements. La grande majorité affirme n’avoir eu aucune hésitation pour confirmer leur propre fidélité et leur engagement personnel devant Dieu et devant l’Eglise. Plusieurs ont dit avoir eu une première réaction de colère et presque de rage, avec la sensation d’avoir été trahis ; mais, ensuite, ils se sont repris. Certains ont préféré quitter la Légion et appartenir à un diocèse. Mais en définitive, il ne s’agit que d’un petit nombre à avoir choisi cette voie.

Il y a eu une diminution de la promotion vocationnelle. En de tels cas, la difficulté vient en particulier des parents qui, au milieu du grand tourbillon des moyens de communication, n’ont pas su assez discerner entre la vérité et la falsification. Malheureusement, dans ce tourbillon de l’opinion publique, des légionnaires se sont laissés emporter et ils ont renoncé à la promotion vocationnelle.

Le chemin que nous devons suivre peut, peut-être, cacher un danger qu’il faut mentionner et qui est typique de ce genre de situations : dans le cas des Légionnaires du Christ on vit une espèce de paradoxe. Pour les instituts religieux en général on se lamente parce qu’au nom de la rénovation postconciliaire demandée par le Concile, la discipline et le sens de l’autorité se sont perdus, suivis par un certain relâchement dans la pratique des conseils évangéliques et d’une crise vocationnelle importante, malgré la richesse de la théologie sur la vie religieuse qui se développe en cette période. Pour les légionnaires, par contre, il s’agit de s’ouvrir davantage à cette rénovation postconciliaire de la discipline et de l’exercice de l’autorité. Le danger d’aller trop loin et de déclencher un mécanisme de manque d’engagement dans la discipline et dans la vie spirituelle est réel; il serpente particulièrement entre quelques prêtres et religieux. Ce danger est redouté y compris par le Supérieur Général qui, exprimant son engagement d’obéissance et de fidélité au Pape, a demandé, cependant, que l’institut, tout au long de ce chemin de rénovation, soit préservé de ce péril, c´est-à-dire, du danger que l’engagement pour la rénovation se transforme en indiscipline et relâchement.

Je vous renouvelle mon invitation à intensifier votre prière, pendant cette période de rénovation. L’Ange du Seigneur a dit au Prophète Elie : « Lève-toi et mange, parce que le chemin est trop long pour toi » (1R 19, 7). Ainsi, approchons-nous, nous aussi, avec confiance de la source intarissable de l’Eucharistie où le Christ lui-même est notre Soutien et notre Compagnon de voyage.

Que Dieu vous bénisse tous.

Bien à vous, + Velasio De Paolis. 

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ZENIT Staff

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