ROME, Mardi 17 août (ZENIT.org) - Dans la matinée du dimanche 15 août 2010, fête de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie au ciel, le Pape Benoît XVI a célébré une messe dans l'église de la paroisse San Tommaso da Villanova, à Castel Gandolfo, au cours de laquelle il a prononcé l'homélie suivante :

Eminence, Excellence,

Mesdames et Messieurs les membres des Autorités,

chers frères et sœurs,

Aujourd'hui, l'Eglise célèbre l'une des plus importantes fêtes de l'année liturgique consacrées à la Très Sainte Vierge Marie : l'Assomption. Au terme de sa vie terrestre, Marie a été élevée corps et âme au Ciel, c'est-à-dire dans la gloire de la vie éternelle, dans la pleine et parfaite communion avec Dieu.

On fête cette année le soixantième anniversaire du moment où le vénérable Pape Pie XII, le 1er novembre 1950, définit solennellement ce dogme, et je voudrais lire - même si c'est un peu compliqué - la formule du dogme. Le Pape dit : « C'est pourquoi l'auguste Mère de Dieu, unie de toute éternité à Jésus Christ, d'une manière mystérieuse, par "un même et unique décret" de prédestination, Immaculée dans sa Conception, Vierge très pure dans sa divine Maternité, généreuse associée du Divin Rédempteur qui remporta un complet triomphe du péché et de ses suites, a enfin obtenu comme suprême couronnement de ses privilèges d'être gardée intacte de la corruption du sépulcre, en sorte que, comme son Fils, déjà auparavant, après sa victoire sur la mort, elle fut élevée dans son corps et dans son âme, à la gloire suprême du ciel où Reine, elle resplendirait à la droite de son fils, Roi immortel des siècles » (Const. ap. Munificentissimus Deus, AAS, 42 (1950), 768-769).

Cela est donc le noyau de notre foi dans l'Assomption : nous croyons que Marie, comme le Christ son Fils, a déjà vaincu la mort et triomphe déjà dans la gloire céleste dans la totalité de son être, « corps et âme ».

Saint Paul, dans la deuxième lecture d'aujourd'hui, nous aide à y voir plus clair sur ce mystère, en partant du fait central de l'histoire humaine et de notre foi : c'est-à-dire la résurrection du Christ, qui constitue « les prémisses de ceux qui sont morts ». Plongés dans son mystère pascal, nous participons de sa victoire sur le péché et sur la mort. C'est là que se trouve le secret surprenant et la réalité clef de toute l'histoire humaine. Saint Paul nous dit que nous sommes tous « incorporés » en Adam, le premier et vieil homme, que nous avons tous le même héritage humain auquel il appartient : la souffrance, la mort, le péché. Mais à cette réalité que nous pouvons tous voir et vivre chaque jour s'ajoute quelque chose de nouveau : nous nous trouvons non seulement dans cet héritage de l'unique être humain, commencé avec Adam, mais nous sommes également « incorporés » dans le nouvel homme, dans le Christ ressuscité, et ainsi la vie de la Résurrection est déjà présente en nous. Cette première « incorporation » biologique est donc une incorporation dans la mort, une incorporation qui engendre la mort. La deuxième, nouvelle, qui nous est donnée dans le baptême, est une « incorporation » qui donne la vie. Je cite encore la deuxième lecture d'aujourd'hui ; saint Paul dit : « Car la mort étant venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection. En effet, c'est en Adam que meurent tous les hommes ; c'est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu'il reviendra » (1 Co 15, 21-24).

A présent, ce que saint Paul affirme de tous les hommes, l'Eglise, dans son magistère infaillible, le dit à propos de Marie, d'une manière et dans un sens précis : la Mère de Dieu est insérée à tel point dans le Mystère du Christ qu'elle participe de la Résurrection de son Fils de tout son être, déjà au terme de sa vie terrestre ; elle vit ce que nous attendons à la fin des temps, lorsque sera anéanti « le dernier ennemi », la mort (cf. 1 Co 15, 26) ; elle vit déjà ce que nous proclamons dans le Credo « J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ».

Nous pouvons alors nous demander : quelles sont les racines de cette victoire sur la mort anticipée de manière prodigieuse en Marie ? Les racines se trouvent dans la foi de la Vierge de Nazareth, comme en témoigne le passage de l'Evangile que nous avons entendu (Lc 1, 39-56) : une foi qui est obéissance à la Parole de Dieu et abandon total à l'initiative et à l'action divine, selon ce que lui annonce l'Archange. La foi est donc la grandeur de Marie, comme le proclame joyeusement Elisabeth : Marie est « bénie entre toutes les femmes », « béni est le fruit de son sein » car elle est « la mère du Seigneur », car elle croit et elle vit de manière unique la « première » des béatitudes, la béatitude de la foi. Elisabeth le confesse dans sa joie et dans celle de l'enfant qui tressaille en son sein : « Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (v. 45). Chers amis ! Ne nous limitons pas à admirer Marie dans son destin de gloire, comme une personne très éloignée de nous : non ! Nous sommes appelés à regarder ce que le Seigneur, dans son amour, a également voulu pour nous, pour notre destin final : vivre à travers la foi dans une communion parfaite d'amour avec Lui, et vivre ainsi vraiment.

A cet égard, je voudrais m'arrêter sur un aspect de l'affirmation dogmatique, là où l'on parle d'assomption à la gloire céleste. Aujourd'hui, nous sommes tous bien conscients qu'avec le terme « ciel » nous ne nous référons pas à un lieu quelconque de l'univers, à une étoile ou à quelque chose de semblable : non. Nous nous référons à quelque chose de beaucoup plus grand et difficile à définir avec nos concepts humains limités. Par ce terme « ciel », nous voulons affirmer que Dieu, le Dieu qui s'est fait proche de nous, ne nous abandonne pas même dans la mort et au-delà de celle-ci, mais qu'il a une place pour nous et qu'il nous donne l'éternité ; nous voulons affirmer qu'en Dieu il y a une place pour nous. Pour comprendre un peu mieux cette réalité, considérons notre vie elle-même : nous faisons tous l'expérience qu'une personne, lorsqu'elle est morte, continue à subsister d'une certaine manière dans la mémoire et dans le cœur de ceux qui l'ont connue et aimée. Nous pourrions dire qu'en eux continue à vivre une partie de cette personne, mais elle est comme une « ombre » car cette survie dans le cœur des personnes qui lui sont proches est elle aussi destinée à finir. Dieu, en revanche, ne passe jamais et nous existons tous en vertu de son amour. Nous existons parce qu'il nous aime, parce qu'il a pensé à nous et nous a appelés à la vie. Nous existons dans les pensées et dans l'amour de Dieu. Nous existons dans toute notre réalité, pas seulement dans notre « ombre ». Notre sérénité, notre espérance, notre paix se fondent précisément sur cela : en Dieu, dans sa pensée et dans son amour, ne survit pas seulement une « ombre » de nous-mêmes, mais en Lui, dans son amour créateur, nous sommes gardés et introduits avec toute notre vie, avec tout notre être dans l'éternité.

C'est son Amour qui vainc la mort et nous donne l'éternité, et c'est cet amour que nous appelons « ciel » : Dieu est si grand qu'il a une place également pour nous. Et l'homme Jésus, qui est en même temps Dieu, est pour nous la garantie que l'être-homme et l'être-Dieu peuvent exister et vivre éternellement l'un dans l'autre. Cela veut dire que de chacun de nous ne continuera pas à exister seulement une partie qui nous est, pour ainsi dire, arrachée, alors que d'autres parties se pe rdent ; cela veut plutôt dire que Dieu connaît et aime tout l'homme, ce que nous sommes. Et Dieu accueille dans son éternité ce qui, à présent, dans notre vie, faite de souffrance et d'amour, d'espérance, de joie et de tristesse, croît et devient. Tout l'homme, toute sa vie est prise par Dieu et, purifiée en Lui, elle reçoit l'éternité. Chers amis ! Je pense qu'il s'agit d'une vérité qui doit nous remplir de joie profonde. Le christianisme n'annonce pas seulement un quelconque salut de l'âme dans un au-delà imprécis, dans lequel tout ce qui, en ce monde, a été précieux et cher pour nous serait effacé, mais il promet la vie éternelle, « la vie du monde à venir » : rien de ce qui est précieux et cher pour nous ne sera perdu, mais trouvera sa plénitude en Dieu. Tous les cheveux de notre tête sont comptés, dit un jour Jésus (cf. Mt 10, 30). Le monde définitif sera également l'accomplissement de cette terre, comme l'affirme saint Paul : la création sera elle-même « libérée de l'esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8, 21). On comprend alors que le christianisme donne une profonde espérance en un avenir lumineux et ouvre la voie à la réalisation de cet avenir. Nous sommes appelés, précisément en tant que chrétiens, à édifier ce monde nouveau, à travailler afin qu'il devienne un jour « le monde de Dieu », un monde qui dépassera tout ce que nous pourrons construire nous mêmes. Dans Marie élevée au ciel, participant pleinement à la Résurrection du Fils, nous contemplons la réalisation de la créature humaine selon le « monde Dieu ».

Prions le Seigneur afin qu'il nous fasse comprendre combien toute notre vie est précieuse à ses yeux ; qu'il renforce notre foi dans la vie éternelle ; qu'il fasse de nous des hommes d'espérance, qui œuvrent pour construire un monde ouvert à Dieu, des hommes pleins de joie, qui savent apercevoir la beauté du monde futur au milieu des difficultés de la vie quotidienne et qui vivent, croient et espèrent dans cette certitude.

Amen !