La BBC prépare-t-elle une couverture « équilibrée » de la visite du pape ?

Réflexion du journaliste britannique Edward Pentin

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ROME, Jeudi 29 juillet 2010 (ZENIT.org) – A quelques semaines de la visite du pape au Royaume Uni, le journaliste britannique Edward Pentin a tenté de comprendre comment les médias du pays, plus spécialement la BBC, envisagent cette visite et si l’on peut s’attendre à une couverture vraiment équilibrée du voyage de Benoît XVI.

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Lorsque Mark Thompson, l’actuel directeur général de la British Broadcasting Corporation, la société de radio-télévision britannique, est venu à Rome pour mettre au point la couverture de la prochaine visite papale en Grande-Bretagne, il a nié que la BBC ferait preuve d’un parti-pris viscéral contre l’Eglise catholique.

Il estime, avec d’autres membres de la direction de la BBC, que la couverture médiatique de cette visite, comme une grande partie de sa programmation, est respectueuse et équilibrée, et que les programmes consacrés à l’Eglise sont de grande qualité.

Mais à l’approche de la visite papale, qu’en est-il vraiment ?
A en juger par les programmes déjà diffusés et les rumeurs circulant sur ceux à venir, la vérité est hélas tout autre. Selon plusieurs sources d’informations, la BBC devrait offusquer de nombreux catholiques en diffusant un programme prévu pour coïncider avec la visite du pape du 16 au 19 septembre. Le contenu de ce programme est tenu secret mais, selon certaines sources, il s’agirait d’un drame d’une durée de 90 minutes, dans lequel le pape est traduit en justice, accusé de couvrir les abus sexuels perpétrés par des prêtres.

La BBC se montre très évasive à propos de la rumeur. Le 21 juillet, une porte-parole de la société m’a dit que les programmes étaient prévus pour coïncider avec la visite d’Etat, mais qu’elle ne pouvait pas donner de détails – même concernant un possible contenu – pour des « raisons de programmation ». Elle a été également incapable de fournir des informations sur aucun des programmes déjà diffusés, en rapport avec la visite papale.

Le programme le plus important en lien avec la visite, déjà diffusé par la société, a été un drame sur BBC Radio 4 sur le cardinal John Henry Newman, que le Saint-Père béatifiera à Birmingham, le 19 septembre.

Sous le nom de « Gerontius », Newman était interprété par le respecté acteur Sir Derek Jacobi. Mais la pièce n’a rien à voir avec le voyage de l’âme vers le purgatoire, ne met pas non plus en évidence l’importance pour la vie des gens des grandes œuvres théologiques de Newman. Au lieu de cela, elle s’est focalisée sur son intimité et son amitié avec Fra Ambrose St. John – amitié que des militants des droits des gays qualifient comme étant de nature homosexuelle. Les disciples de Newman montrent en revanche qu’il ne s’agissait que d’une profonde affection fraternelle.

Faisant la critique de la pièce dans The Catholic Herald, Francis Phillips, a écrit : « A la moitié d’un dialogue dépourvu de souffle, mélodramatique, entre Newman et son ange gardien, se fait entendre une voix masculine et jeune, qui déclare : ‘L’Eglise catholique est homophobe !’ On en conclut plus loin que la devise de Newman, ‘Des ombres vers la vérité,’ pourrait être un code secret pour dire son désir de ‘sortir du placard’, de révéler son homosexualité ». Phillips propose la lecture, à la place, du plus important expert de Newman, le père Ian Ker.

En dehors des programmes directement liés à la visite papale, la BBC a réalisé quelques productions dignes d’éloges. En mars, Radio 4 a diffusé « Coeur et âme », excellent documentaire sur la souffrance et comment elle peut conduire à une compréhension personnelle de la résurrection du Christ. Le même mois, BBC News Online transmettait un article très équilibré d’un correspondent du Vatican, Gerry O’Connell, sur le traitement par les services de communication vaticane de la crise des abus sexuels.

A peine voilé

Mais la plupart des programmes continuent de laisser transparaître les tendances laïques dominantes de la BBC. Malgré un effort pour faire figurer quelques catholiques orthodoxes dans ses émissions d’actualité, la majorité tendent encore à être des catholiques contestataires. Les croyants fidèles qui interviennent sont généralement tarabustés, comme cela a été le cas le 5 avril quand un philosophe et politique catholique italien, Rocco Buttiglione, est intervenu au programme Radio 4’s Today pour débattre de la crise des abus sexuels. La défense de Buttiglione a été courageuse et équilibrée, mais il a été constamment interrompu par le présentateur John Humphrys.

Le prêtre anglais et blogueur, père Tim Finigan, a résumé le problème quand, en mai, il a écrit à propos d’un courrier électronique interne à la BBC qui lui avait été envoyé. « La BBC anime un débat interne sur le christianisme », écrit-il sur son blog, The Hermeneutic of Continuity (L’hérméneutique de continuité). « Et qui vont-ils chercher ? Un professeur d’histoire et militant des droits des homosexuels, qui dépeint sa position religieuse actuelle comme celle d’un agnostique ou d’un athée avec une formation d’anglicanisme, et un universitaire musulman […] Et mon correspondant de commenter : ‘Typique de la BBC !’ »

Et s’il était besoin de preuves que la BBC est incapable de considérer la foi avec le sérieux qu’elle mérite, Cristina Odone, une ancienne rédactrice en chef de The Catholic Herald, a écrit le 29 avril dans le Telegraph pour dire sa colère quand la BBC a envoyé un comédien pour l’interviewer sur le scandale des abus sexuels perpétrés par des prêtres – qui passé la plus grande partie de son temps à tourner la foi en dérision. « La BBC ferait-elle cela à un musulman ? un juif ? un hindou ? » s’interrogeait-t-elle. « Bien sûr que non. Ils n’en ont pas le courage. Mais quand il s’agit de catholiques, ils envoient les clowns ».

Lorsque j’ai écrit ici à propos de la partialité de la BBC en février, j’ai conclu que, au sein de l’équipe de direction de la BBC, il n’y avait pas tant un esprit anti-catholique dominant – encore qu’il existe sans aucun doute dans certains domaines – qu’une incapacité de son personnel, majoritairement laïc, à prendre la foi au sérieux.

L’Eglise d’Angleterre a tendance à accepter. Au début de cette année, elle a critiqué la couverture par la BBC de la religion en général comme n’étant « pas assez bonne » et a exprimé sa préoccupation de voir que les émissions religieuses restent marginales. Même l’un des anciens présentateurs de la BBC pour les émissions religieuses, Roger Bolton, dans un discours prononcé en mars, a déploré qu’une perspective religieuse sur l’actualité soit « étonnamment absente aussi bien à l’antenne que dans les coulisses lors des discussions internes de la rédaction ».

Mais il est facile de critiquer la BBC, et on le fait souvent. Un ami qui travaille pour la société déplorait récemment que dénigrer la « Beeb » c’est comme « tirer sur un poisson dans un tonneau, bien que tirer sur un poisson dans un tonneau ne soit pas un sport très populaire ». En vérité, les chaînes publiques de par le monde font l’objet de semblables accusations de partialité.

Dans son discours à Rome en février, Thompson a repris quelques quolibets typiques : « Pourquoi, au juste, payer une redevance ? Il faut l’abolir. Pourquoi ne pas les faire sauter », a-t-il dit, ajoutant : « Ce n’est pas la presse britannique qui le dit. Mais Bild, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le journal flamand De Standaard, Il Giornale et der Spiegel. Et ils ne parlent pas de la BBC, mais de ARD/ZDF, VRT et RAI ».

Culture de mort

Mais on pourrait faire valoir que la partialité de la BBC vis-à-vis de l’Eglise catholique a une connotation plus grave et sinistre
que simplement les défauts ordinaires d’un groupe de radio-diffusion publique, qui n’est pas liée seulement à un malaise au sein de la corporation, mais plus généralement, parmi les élites des médias du pays et peut-être au sein de la culture britannique dans son ensemble. La BBC, après tout, n’est pas le seul radio-diffuseur britannique à dénigrer l’Eglise : avec un incroyable aplomb, Channel 4 a demandé à Peter Tatchell, militant de la cause des gays, de présenter un documentaire sur Benoît XVI.

La BBC, dit-on, souffre particulièrement d’une mentalité laïque largement répandue, qui épouse, ou est favorable, à la culture de mort, que ce soit l’avortement, le féminisme radical, l’agenda homosexuel, l’euthanasie, ou la science contraire à l’éthique, par exemple la recherche sur les cellules souches embryonnaires. On dit aussi que la consommation de drogue est largement répandue parmi ses employés.

De récents faits tragiques impliquant des employés de la BBC semblent corroborer ce point de vue. Ray Gosling, présentateur chevronné et éminent militant des droits des homosexuels, a reconnu en février qu’il y a un certain nombre d’années, il avait asphyxié son ancien amant qui se mourait du sida. Il avait, dit-il, fait un pacte avec l’homme pour mettre fin à sa vie. Peu après ses aveux en direct à l’antenne, il a été arrêté, soupçonné de meurtre et libéré sous caution, tandis que l’enquête se poursuit.

Et au cours des deux dernières années, trois jeunes présentateurs de la BBC sont morts dans des circonstances insolites, le plus récent étant Kristian Digby, un présentateur de télévision ouvertement homosexuel, qui est mort mystérieusement en février à l’âge de 33 ans.

En 2006, Benoît XVI soulignait l’importance de refuser la culture de mort largement dominante. Une « anti-culture » qui se manifeste, par exemple dans la drogue, dans la « fuite de la réalité au profit de l’illusion », dans un faux bonheur qui s’exprime dans le mensonge, la tromperie, l’injustice, le mépris de l’autre ».

Une culture de mort, ajoutait-il, qui « s’exprime dans une sexualité qui devient un pur divertissement sans responsabilité, qui devient une ‘chosification’ – pour ainsi dire – de l’homme, lequel n’est plus considéré comme une personne, digne d’un amour personnel qui exige fidélité, mais devient une marchandise, un simple objet ».

Comme antidote, il prône le « oui » à la culture de la vie : fidélité aux dix commandements qui, dit-il, « ne sont pas un ensemble d’interdits, de ‘non’, mais représentent en réalité une grande vision de vie ».

Peut-être peut-on espérer que la BBC et les autres médias britanniques prendront conscience de la sagesse et de la pertinence des paroles du Saint-Père lors de sa visite en Grande-Bretagne.

Au sein de la corporation et dans d’autres parties du pays, ils en ont sûrement besoin.

Edward Pentin

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne

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ZENIT Staff

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