ROME, Mercredi 21 juillet 2010 (ZENIT.org) – Comme livre à lire cet été j’ai choisi « Ratzinger professeur » de Gianni Valente (San Paolo 2008, 208pp.). Un texte vraiment intéressant pour connaître Joseph Ratzinger dans ses années de jeunesse et donc pour mieux le comprendre aujourd’hui comme pape Benoît XVI. Le sous-titre du livre est : « Années d’études et d’enseignements en souvenir d’élèves et collègues (1946-1977) ».
Il est impossible de résumer en une page de blog la richesse de cette reconstruction de la jeunesse et de la période de maturité de l’homme que le Seigneur Jésus a choisi pour être son Vicaire sur terre à une époque comme la nôtre. Je ne relève que deux points révélateurs de la continuité de Joseph Ratzinger, de jeune étudiant et prêtre à pape de l’Église universelle.
Le premier, la « lectio magistralis » qu’il a tenue le 24 juin 1959 au début de sa carrière de professeur à l’université de Bonn porte le titre : « Le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes » [1]. La « question urgente » à laquelle le jeune professeur (32 ans) se mesure est le divorce moderne entre foi et religion, entre une religion reléguée au domaine personnel et privé, intimiste et sentimental, et une recherche rationnelle qui, depuis Kant, se refuse toute possibilité de connaitre et d’accéder à Dieu.
En citant saint Thomas, Joseph Ratzinger affirme qu’il est possible de dépasser toute opposition nuisible entre le langage de la foi et le langage de la raison. Le Dieu qui se manifeste progressivement dans l’Ancien et le Nouveau Testament coïncide au moins en partie avec le « Dieu des philosophes », autrement dit avec la recherche que les hommes font de Dieu. Le problème est un problème de langage. Les Pères de l’Église ont fait une admirable synthèse entre la foi biblique et l‘esprit hellénique. De la même manière, écrit le jeune Ratzinger, « si (aujourd’hui) il est essentiel, pour le message chrétien, d’être non pas une doctrine secrète ésotérique pour un cercle restreint d’initiés, mais le message de Dieu adressé à tous, alors il est essentiel, pour celui-ci, de le traduire vers l’extérieur dans le langage commun de la raison humaine ».
Le jeune prêtre (depuis 1951) et professeur allemand ne se faisait cependant pas d’illusions. Dans un article publié en 1958, Joseph Ratzinger, alors âgé de 31 ans, écrit que considérer l’Europe un continent « presque entièrement chrétien » est une « tromperie statistique »[2]: « Cette Europe, ajoute-t-il, que l’on appelle Europe chrétienne, est désormais depuis 400 ans le berceau d’un nouveau paganisme qui ne cesse de grandir dans le cœur même de l’Église, au risque de finir par la détruire de l’intérieur ». L’Église catholique de l’après-guerre devient pour lui de plus en plus, et de façon tout à fait inédite, une Église de païens qui se disent encore chrétiens, mais qui en fait sont devenus païens » .
Le second point est cette profondeur de pensée unie à la clarté de Joseph Ratzinger dans l’enseignement de la théologie, qui attire de nombreux étudiants. Tant de nos contemporains en témoignent. A une époque où « les barons des chaires » s’exprimaient souvent dans un langage difficile et ne se préoccupaient pas d’être compris par leurs étudiants, le professeur Ratzinger introduit un nouveau type de leçon : « Il lisait ses cours dans la cuisine à sa sœur Marie, une personne intelligente mais qui n’avait jamais fait de théologie. Si sa sœur manifestait son approbation, c’était pour lui le signe que la leçon était compréhensible ». Ainsi le biographe (pag. 64-65).
Et un étudiant de l’époque ajoute : « La salle était toujours bondée, les étudiants l’adoraient. Il avait un langage simple et beau. Le langage d’un croyant ». Le professeur n’étalait pas son savoir académique et n’utilisait pas ce ton d’orateur que l’on connaissait à l’époque. Ils dispensait ses cours de manière tranquille, utilisant un langage de franche simplicité même dans les questions les plus complexes.
De nombreuses années plus tard, le même Joseph Ratzinger explique le secret du succès de ses cours [3] : « Je n’ai jamais cherché à créer mon propre système, une théologie qui me serait personnelle. Si on veut vraiment parler de spécificité, il s’agit simplement du fait que je me propose de penser avec l’Église et cela signifie surtout avec les grands penseurs de la foi ». A travers ses leçons, les étudiants recevaient non seulement des notions de science académique, mais ils entraient en contact avec quelque chose de grand, avec le cœur de la foi chrétienne. Voilà le secret du jeune professeur de théologie, qui attirait les étudiants.
[1] J. Ratzinger, « Der Gott des Glaubens und der Gott der Philosophen », « Le Dieu de la foi et le Dieu des philosophes », Marcianum Press, Venise 2007.
[2] J. Ratzinger, « Die neuen Heiden und die Kirche » (Les nouveaux païens et l’Église) dans la revue « Hochland ».
[3] J. Ratzinger, « Le sel de la terre – Christianisme et Église catholique au tournant du millénaire – Un colloque avec Peter Seewald », San Paolo 1997, pag. 74.
* Le Père Piero Gheddo (www.gheddopiero.it), ancien directeur de Monde et Mission et d’Italie Missionnaire, a été l’un des fondateurs de l’Emi (1955), de Mani Tese (1973) et Asia News (1986). Il a été missionnaire dans chaque continent et il est l’auteur de plus de 80 ouvrages. Il a dirigé à Rome le Bureau historique du Pime et a été postulateur de causes de canonisation. Aujourd’hui il vit à Milan