ROME, Vendredi 9 juillet 2010 (ZENIT.org) – L’Eglise est régulièrement mise au pilori pour son refus d’approuver l’usage du préservatif dans la lutte contre la propagation du VIH et du Sida. Cette position n’est pas seulement le résultat d’un enseignement moral plein de sagesse, mais est étayée par des preuves scientifiques solides.
C’est la thèse d’un livre récemment publié par le Centre national de bioéthique catholique (National Catholic Bioethics Center – NCBH) à Philadelphie. Dans l’ouvrage, intitulé Affirming Love, Avoiding AIDS : What Africa Can Teach the West (Affirmer l’amour, éviter le Sida : ce que l’Afrique peut enseigner à l’Occident), les auteurs Matthew Hanley et Jokin de Irala expliquent pourquoi la tentative de stopper la propagation du VIH en Afrique, reposant essentiellement sur l’usage du préservatif, a rencontré si peu de succès.
Hanley a été conseiller technique pour le VIH/Sida des Catholic Relief Services jusqu’en 2008 et est spécialisé dans la prévention de la contagion au VIH. De Irala est directeur adjoint du Département de médecine préventive et de santé publique à l’Université de Navarre, en Espagne.
Le livre commence par une constatation : quasiment toutes les institutions occidentales qui travaillent sur la question s’accordent à dire que les politiques visant à réduire le risque, comme la promotion de l’usage du préservatif, doivent être prioritaires. Ces sujets, que les auteurs définissent comme l’ « Aids establishment », sont axés sur des solutions techniques plutôt que sur des changements de comportement.
Seuls les Etats-Unis font exception, ayant changé de politique en adoptant la « Stratégie ABC », suite au succès que celle-ci a rencontré en Ouganda. « A » pour abstinence, « B » pour « be faithful » (être fidèle) et « C » pour « condom use » (usage du préservatif).
Selon le livre, ce sont les deux premiers éléments de cette stratégie qui sont essentiels. En effet, partout où, en Afrique, on a observé une diminution des taux de contamination au VIH, il y avait eu des changements radicaux dans le comportement sexuel.
Prévention
Chercher à modifier le comportement des gens n’est pas seulement plus efficace mais, soulignent les auteurs, représente un retour au bon sens du principe médical élémentaire de la prévention. Prévenir la transmission du VIH constitue une urgence dans certaines parties du monde comme l’Afrique, où existent de grandes difficultés à fournir des soins médicaux adéquats.
Hanley et de Irala utilisent la comparaison avec la consommation de tabac. Peut-être qu’un jour il a pu paraître utopique de vouloir modifier une situation dans laquelle 75% des gens fumaient, mais les autorités sanitaires ont pris des mesures qui ont conduit avec succès à modifier ce comportement.
Pourquoi alors, s’interrogent-ils, quand il s’agit de tabagisme, cholestérol, vie sédentaire, consommation excessive d’alcool, les autorités estiment-elles nécessaire et opportun de modifier les comportements correspondants, et pas dans le cas des maladies associées au comportement sexuel ?
Un des problèmes liés aux politiques de réduction des risques axées davantage sur les solutions techniques, jugées plus fiables, que sur les changements de comportement, est ce que l’on appelle « la compensation du risque » ; autrement dit, lorsque quelqu’un utilise une « technique » de réduction de risques, il en perd souvent le bénéfice en « compensant », en prenant plus de risques (que s’il n’avait pas utilisé cette technique).
Les auteurs prennent l’exemple de la ceinture de sécurité, dont l’efficacité peut être annulée si quelqu’un pense qu’il peut conduire moins prudemment parce qu’il est mieux protégé. De même, l’usage du préservatif pourrait conduire les gens à estimer qu’ils peuvent avoir une activité sexuelle avec plus de sécurité.
Ceci est particulièrement vrai en Afrique, où les études montrent que lorsqu’un nombre significatif de personnes ont des rapports sexuels multiples, les risques d’infection sont beaucoup plus élevés que dans des communautés où les personnes réduisent le nombre de partenaires simultanés.
Réduire les rapports sexuels multiples est essentiel pour faire baisser les taux d’infection au VIH, affirment les auteurs.
Le meilleur exemple vient de l’Ouganda, où le taux d’infection au VIH est passé de 15% en 1991 à 5% en 2001. Cette chute est due au changement sensible des comportements sexuels, observent-ils.
« Cette décision d’empêcher la propagation d’une maladie mortelle et traumatisante par un changement de comportement a en définitive sauvé la vie de millions de gens », affirment les auteurs.
Usage du préservatif
Alors que le taux d’utilisation du préservatif en Ouganda était pratiquement le même qu’en Zambie, au Kenya et au Malawi, le nombre de partenaires « non réguliers » a brusquement diminué en Ouganda. Et si, dans ce pays, le taux de prévalence du VIH a diminué, il n’en a pas été de même dans les trois autres pays.
Un des facteurs du succès du changement de comportement en Ouganda, soulignent les auteurs, est l’œuvre de religieuses et de médecins catholiques. Les premiers présidents de la Commission pour le Sida dans le pays ont été, d’ailleurs, un évêque catholique et un anglican.
Malheureusement, ces dernières années l’ « Aids establishment » a gagné du terrain en Ouganda et les politiques sont davantage axées sur la promotion de l’usage du préservatif. Ce qui s’est traduit par une augmentation des taux de transmission du VIH.
Les auteurs citent également les données provenant d’autres pays comme le Kenya, la Thaïlande et Haïti, qui montrent comment les changements de comportement ont entraîné une baisse des taux de transmission du VIH.
En revanche, en Afrique du Sud, où on s’est axé surtout sur la promotion du préservatif, la persistance de taux élevés chez des couples ayant des rapports multiples a contribué à maintenir les taux d’infection à un niveau qualifié par les auteurs d’ « incidence alarmante ».
L’idée de continence ne trouve pas facilement place dans la culture contemporaine, mais comme le soulignent Hanley et de Irala, même si la fidélité a constitué le facteur le plus important du succès africain, la continence n’en est pas moins importante.
La continence influe sur le comportement futur – selon les auteurs -, et plus une personne commence tôt les rapports sexuels, plus elle aura de partenaires dans sa vie sexuelle, et plus grand sera le risque de contamination au VIH.
Le livre cite une étude conduite par l’Agence américaine pour le développement international ( United States Agency for International Development), qui a examiné les variables liées à l’incidence du VIH au Bénin, Cameroun, Kenya et en Zambie.
L’étude démontre que les seuls facteurs associés à une plus faible incidence du VIH sont une réduction du nombre de partenaires (fidélité), retarder l’âge des premières relations sexuelles (continence) et la circoncision masculine. En revanche, ne figurent pas parmi les facteurs liés à une moindre incidence du VIH la situation socio-économique et l’usage de préservatif.
Malgré ces faits et d’autres éléments de preuve fournis dans le livre, les auteurs soulignent que les documents des Nations Unies sur le sida continuent à considérer l’usage du préservatif comme la technique la plus efficace pour la prévention de la maladie.
Le préservatif est peut-être la « technique » la plus efficace pour réduire les risques d’infection, admettent les auteurs, mais elle n’est certainement pas la mesure de prévention la plus efficace.
Sexualité humaine
Même si le débat sur la façon d’éradiquer le VIH a recours souvent à un langage scientifique, selon Hanley et de Irala, la question est plutôt l’expression de l’opposition entre deux approches philosophiques et morales différentes de la sexualité humaine. D’un côté, il y a la tradition judéo-chrétienne, qui considère la sexualité à l’intérieur de l’institution du mariage. Selon cette tradition, l’adoption de frontières morales et la maîtrise de soi sont nécessaires pour atteindre la plénitude humaine.
D’un autre côté, il y a la culture occidentale qui exalte la liberté absolue dans la recherche du plaisir. Ce qui explique pourquoi cette approche conceptuelle recherche des solutions techniques aux conséquences indésirables de l’activité sexuelle.
Le 9 juin, l’archevêque Celestino Migliore, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU, a évoqué à l’Assemblée générale la question du VIH/Sida.
« Si le Sida doit être combattu en affrontant avec réalisme ses causes les plus profondes et si les malades doivent recevoir les soins affectueux dont ils ont besoin, nous devons offrir aux gens davantage de connaissance, de capacité, de compétence et de moyens », a-t-il affirmé.
Une attention accrue et davantage de ressources doivent être consacrées pour soutenir une approche fondée sur des valeurs et sur la dimension humaine de la sexualité, a souligné le prélat.
Nous devons reconnaître, a-t-il poursuivi, la nécessité d’une « honnête évaluation des modalités utilisées par le passé, qui ont pu être fondées davantage sur l’idéologie que sur la science et ses valeurs, et d’une action déterminée respectant la dignité humaine et promouvant le développement intégral de toutes et de chacune des personnes de la société ».
Un appel à tous pour mettre de côté les préjugés et idées préconçues afin d’affronter au mieux ce problème gravissime.
Père John Flynn, LC