ROME, Vendredi 29 Janvier 2010 (ZENIT.org) – Marcel Van, jeune rédemptoriste vietnamien, est né en 1928 dans un village catholique du nord du Vietnam. Petit frère spirituel de sainte Thérèse de Lisieux, il découvre avec elle que la sainteté est à la portée de tous.
Thérèse lui révèle sa vocation : il ne sera pas prêtre. Il apprend à son école à être l’Apôtre caché de l’amour, avec ce grand désir de rendre Dieu présent là où il ne l’est pas. Il meurt à l’âge de 31 ans dans un camp communiste où il avait été condamné à 15 ans de travaux forcés.
Le père Gilles Berceville, dominicain français, auteur de Marcel Van ou l’infinie pauvreté de l’Amour (Ed. de l’Emmanuel/Les Amis de Van, 2009), évoque pour ZENIT la figure de ce jeune vietnamien, en qui se rencontrent l’Orient et l’Occident.
ZENIT – Peut-on séparer Marcel Van de la figure de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, que l’on considère aujourd’hui un peu comme sa grande sœur spirituelle ?
Gilles Berceville – Van est un petit garçon très croyant, qui a toujours eu une relation intime avec le Christ, une pratique eucharistique régulière, la conviction que Dieu est amour, un très grand attachement à la Sainte Vierge. A 14 ans, il découvre l’Histoire d’une âme de Sainte Thérèse et peu après, il entend Thérèse lui parler. Cet échange mystérieux va durer jusqu’à la fin de son noviciat.
ZENIT – Avec elle, que va-t-il découvrir ?
Gilles Berceville – Avec Thérèse, il découvre que son désir de sainteté peut s’accomplir, parce qu’il est aussi le désir de Dieu. Dieu est « accommodant » : il n’est pas un Dieu qui ne penserait qu’à nous punir avec rigueur en exigeant ce que nous ne pouvons absolument pas faire mais un Dieu qui ne pense qu’à nous aider et d’une certaine manière s’adapte à ce que nous sommes pour nous adapter à ce qu’il est. Quand Van lit l’Histoire d’une Ame, il se sent rejoint dans ce qu’il vit déjà. Il est libéré de sa crainte à l’égard de Dieu. A l’école de Thérèse, il apprend aussi une nouvelle manière de prier : comme un fils parle à son père. Tout ce que vit un enfant intéresse un père tel que Dieu.
Thérèse lui révèle aussi sa vocation : il ne sera pas prêtre. Il doit alors renoncer au projet qui l’a fait vivre jusque-là. Il apprend cet idéal d’être l’apôtre de l’Amour dans une vie cachée aux yeux du monde : une vie de prière, d’intercession pour les prêtres et les pécheurs, pour les enfants, pour l’Eglise. Il partage alors avec Dieu selon son expression, « l’infinie pauvreté de l’Amour ».
ZENIT – Marcel Van était Rédemptoriste. Qu’a-t-il à nous dire sur le mystère de la rédemption ?
Gilles Berceville – Marcel Van a un grand désir de rendre Dieu présent là où il ne l’est pas. C’est une intuition forte. Pendant son noviciat, ses frères lui demandent en plaisantant s’il aimerait vivre avec les communistes. Il acquiesce. Ses confrères s’en amusent. Mais il ne plaisante pas : il veut effectivement aimer Dieu chez les communistes pour qu’il y ait au moins une personne qui aime Dieu chez les « sans Dieu ». Il s’unit dans la foi à l’œuvre rédemptrice du Christ, éprouvant souvent une grande solitude. Durant ses années de postulat et de noviciat, il a connu une grande intimité avec le Christ, et il doit maintenant traverser les tentations, la sécheresse et la nuit. Van rejoint ainsi les pécheurs là où ils en sont. Il vit leurs nuits, mais il vit cette nuit dans l’amour. Il sent que cela va lui permettre de transmettre l’amour de Jésus à d’autres. C’est son entrée dans le cœur du Christ rédempteur. Il s’unit au Christ dans l’œuvre du salut qui s’accomplit encore aujourd’hui et participe à la communion des saints.
ZENIT – Durant sa vie, Van reçoit la mission de prier pour la France. Son pays vit une phase tourmentée (la fin de l’Indochine française). Quelle relation entretient-il avec la France et les Français ?
Gilles Berceville – Van a un rapport complexe avec la France. Solidaire de ses compatriotes humiliés par la colonisation, il est spontanément anti-français. Mais il n’oublie pas que son Eglise est née et s’est développée grâce aux missionnaires français (il y eut aussi au Nord l’action des Espagnols). La France est le pays de Thérèse. Et il reçoit la mission – que l’on retrouve dans ses écrits – de prier pour que la France se mette au service de l’amour de Jésus. Mais je pense que cela dépasse le seul destin de la France. Il s’agit de l’avenir de toutes les nations : chaque peuple a du prix aux yeux de Dieu. Il y a quelque chose de symbolique dans ce que Van dit des rapports du Vietnam et de la France. Cela est vrai du rapport entre tous les peuples, toutes les nations, toutes les cultures. C’est un message de paix.
ZENIT – Et un message universel ?
Gilles Berceville – L’universalité n’est pas un idéal abstrait. Dans l’amour, il y a un enrichissement concret de tous par tous. C’est un peu ce que Van nous permet de vivre. Il nous fait découvrir, grâce à l’Evangile, ce que devrait être la rencontre de l’Orient et de l’Occident. C’est une grande actualité de son message. Pour la première fois, on découvre un chrétien d’Extrême Orient qui vit intensément sa foi, dont le message soit original et d’une telle ampleur, au point qu’un théologien français comme moi se mette à étudier le vietnamien pour apprendre quelque chose de l’Evangile.
Au 17e siècle, le pape Innocent XI, béatifié par Pie XII, disait : « L’Orient nous a donné l’Evangile. Aujourd’hui, l’Occident doit le lui rendre ». Avec Van, l’Orient dit à nouveau quelque chose de l’Evangile à l’Occident. C’est un magnifique exemple d’échange entre deux Eglises.
Propos recueillis par Marine Soreau