Le terrorisme à visage humain (II)

Interview de Mgr Michel Schooyans

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ROME, Mercredi 18 avril 2007 (ZENIT.org) – « Adoption d’enfants par des couples ‘gay’, euthanasie même pour les enfants, libéralisation de l’avortement, même au Portugal… Qu’est-ce qui est en train d’arriver en Europe ? D’où dérive ce désir de mort et qui le promeut ? »

Dans cet entretien accordé à Zenit, Mgr Michel Schooyans, tente de répondre à ces questions, en analysant les racines de ce désir de mort, notamment à travers son ouvrage « Le terrorisme à visage humain ». Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien. Pour la première partie cf. Zenit, 17 avril.

Zenit – Dans votre dernier livre « Le Terrorisme à visage humain », vous dénoncez une nouvelle forme de terrorisme, le terrorisme en col blanc et en blouse blanche. En quoi ce nouveau terrorisme favorise-t-il la culture de la mort ?

Mgr Schooyans – A la différence du terrorisme classique, le nouveau terrorisme est d’autant plus efficace qu’il est discret. Il recourt à une panoplie où se côtoient les sciences biomédicales, la démographie, le droit, les techniques de communication. Ce terrorisme bénéficie de l’appui logistique et financier de quelques-unes des plus importantes organisations internationales. Ce terrorisme nouveau s’en prend d’abord à l’intégrité intellectuelle et morale des personnes. Il paraît avoir un visage humain ; il semble honorer la vérité ; il paraît flatter la liberté, alors qu’en réalité il essaye d’entraîner les hommes dans la culture de la mort. Le sens naturel des mots est détourné, retourné, pour habiller des entreprises homicides. Il n’y a plus de critère pour distinguer le vrai du faux ni le bien du mal. La justice est le produit d’un marchandage puis d’un consensus. Il s’ensuit que le droit, par exemple, doit être sauvé de l’indignité où il est tombé lorsqu’il est instrumentalisé pour justifier n’importe quoi.

Zenit – Ce terrorisme à visage humain est, soulignez-vous, un phénomène tout à fait nouveau. Mais que dire de la propagande et du lavage des cerveaux dans les grands systèmes totalitaires contemporains…

Mgr Schooyans – Effectivement, de tout temps les hommes ont eu tendance à accepter volontairement leur servitude. Ce mécanisme psychologique est exploité jusqu’aujourd’hui, avec des techniques raffinées. La nouveauté dramatique, c’est l’organisation, à l’échelle mondiale, d’un front commun contre la vie. Un front commun où travaillent en synergie des juristes, des hommes politiques, des médecins, des économistes, des éthiciens, des philosophes, dont on attendrait plutôt que tous protègent la vie sans ambiguïté. En fait nous sommes en présence d’une nouvelle révolution culturelle, de portée mondiale, totalement fermée à la transcendance et dominée par l’utopie d’une société interdite d’espérance.

Zenit – L’Église semble bien seule dans cette défense de la vie. Par leurs responsabilités dans la société, beaucoup de chrétiens sont confrontés à la question de l’objection de conscience. Dans plusieurs pays, apparaissent des signes avant-coureurs de persécution…

Mgr Schooyans – Nous faisons le même constat. Et Jésus, le premier, a été confronté à l’hostilité de ceux qui estimaient que le salut procédait de leurs œuvres et non d’un don gratuit de Dieu. Jésus a été confronté à l’alliance diabolique du mensonge et de la violence. Sa passion commence dès les tentations où il est confronté à l’Adversaire. Il est vrai qu’à vue humaine, l’Église est aujourd’hui bien seule dans la lutte contre la culture de la mort. Effectivement nous nous trouvons dans une guerre d’un type nouveau, une guerre essentiellement religieuse. Le terrorisme à visage humain s’attaque à l’être humain parce que celui-ci est image de Dieu. Ne pouvant atteindre Dieu, les forces du mal se sont déchaînées contre la créature qui, par sa raison et sa volonté, reflète quelque chose de son divin visage. Face à ceux qui refusent de reconnaître qu’ils sont finis, et d’accueillir l’invitation à devenir enfants de Dieu pour toujours, l’Église doit offrir au monde le message de tendresse, qui ravivera la capacité d’aimer, somnolant dans les cœurs les plus endurcis.
Pour cela, les chrétiens doivent éviter deux écueils. La privatisation de la religion : la religion devrait être confinée dans les strictes limites de la sphère privée. Préconisée par le laïcisme, la privatisation de la religion vise à neutraliser l’action des chrétiens au plan social et à démobiliser ceux-ci. Le second écueil, c’est la « récupération », le fait, pour les chrétiens, de se laisser neutraliser ou même acheter. C’est ce qui se passe avec des chrétiens qui acceptent imprudemment des invitations à des réunions maçoniques. Tenu à s’engager à ne pas révéler le nom de personnalités présentes à la réunion, le visiteur chrétien a vendu une part significative de sa liberté. Il est devenu complice de la restriction mentale qui pousse le maçon à occulter une dimension essentielle de son identité : l’appartenance à la loge. Au terme de ce processus, il sera bien difficile au visiteur de critiquer publiquement, par exemple, tel projet moralement inadmissible provenant des « frères » qui l’ont accueilli.

Zenit – Un chapitre de votre livre est intitulé Quelle anthropologie ? Quelle morale ? Pourriez-vous expliquer le but de ce chapitre ?

Mgr Schooyans – Le terrorisme à visage humain ne peut s’installer que dans une société qui considère l’homme comme un simple individu. Nous avons signalé tout à l’heure les racines illuministes de cette conception de l’homme. Or nous ne sommes pas toujours assez attentifs à la persistance de cette vision strictement individualiste de l’homme. Dans la mesure où cette vision prédomine, la famille est tôt ou tard mise en question. La famille suppose en effet une vision personnaliste de l’homme, c’est-à-dire une vision au terme de laquelle l’homme est un être de relation, un être sociable, un être capable d’aimer et d’aider autrui à s’épanouir, un être qui a besoin d’autrui pour s’épanouir lui-même, un être qui dans la relation conjugale est capable de donner la vie. Or quand domine la vision individualiste de l’homme, l’individu incline à dissocier fin unitive et fin procréative dans la sexualité humaine ; le plaisir est un bien, l’enfant est un risque. Quand domine cette même vision, la sexualité est dissociée de l’amour ; elle est une fonction physiologique réduite à servir l’hédonisme individuel. Cet individualisme trouve son point d’aboutissement dans l’idéologie du « genre », selon laquelle les individus choisissent leur genre, quelles que soient par ailleurs leurs caractéristiques génitales. Les programmes de « santé reproductive » divulgués par diverses agences onusiennes sont au service de ce choix idéologique. Dès lors, des mots comme mariage, famille, maternité, mère, paternité, père, etc. n’ont plus de pertinence et disparaissent du vocabulaire. La magie du langage truqué aidant, l’idéologie du « genre » rêve ainsi de reconstruire un monde strictement utopique. Il y a des « négationnistes » qui nient la réalité de l’Holocauste. Il y a aussi des « négationnistes » aveugles face aux réalités naturelles les plus évidentes.

Michel SCHOOYANS, avec la collaboration d’Anne-Marie LIBERT, « Le terrorisme à visage humain », Paris, Éditions François-Xavier de Guibert, 2006.

Prêtre belge, Mgr Schooyans est professeur ordinaire émérite de philosophie politique et d’idéologies contemporaines à l’Université catholique de Louvain et membre de l’Académie pontificale pour la Vie, de l’Académie
pontificale pour les Sciences sociales et de l’Académie mexicaine de Bioéthique. Il est consulteur du Conseil pontifical pour la Famille
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ZENIT Staff

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