ROME, Vendredi 28 octobre 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche (Mt 23, 1-12) que proposait cette semaine le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale, dans l’hebdomadaire catholique italien « Famiglia cristiana ».
XXXI Dimanche du temps ordinaire (Année A) – 30 octobre 2005
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 23, 1-12.
Alors Jésus déclara à la foule et à ses disciples :
« Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse.
Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas.
Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt.
Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ;
ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues,
les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.
Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul enseignant, et vous êtes tous frères.
Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ.
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.
Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.
© AELF
Dans l’Evangile, les titres du Christ sont comme les facettes d’un même prisme, chacune reflétant une « couleur » particulière, c’est-à-dire un aspect de sa réalité profonde. Ce dimanche nous retrouvons le titre important de Maître : « vous n’avez qu’un seul maître, le Christ ». Chez les artistes et dans certaines professions ce dont on est le plus fier c’est d’indiquer avant ses propres titres le nom du maître à l’école duquel on a été formé. Mais le rapport maître-disciple était encore plus important à l’époque de Jésus, lorsque les livres n’existaient pas et que toute la sagesse se transmettait oralement.
Jésus se différencie toutefois sur un point de ce qui se passait à son époque entre le maître et ses disciples. Ceux-ci payaient d’une certaine manière leurs études, en servant le maître, en faisant pour lui de petites courses et en lui rendant les services qu’un jeune peut rendre à une personne âgée, et parmi ces services figurait le lavement des pieds. Avec Jésus, c’est l’inverse : c’est lui qui sert les disciples et qui leur lave les pieds. Jésus ne fait vraiment pas partie de la catégorie des maîtres qui « disent et ne font pas ». Il n’a pas dit à ses disciples de faire autre chose que ce qu’il avait fait lui-même. C’est le contraire des maîtres réprimandés dans le passage de l’Evangile d’aujourd’hui, qui « lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt ». Il n’est pas comme un panneau de signalisation routière qui indique la direction qu’il faut prendre sans se déplacer d’un centimètre. Jésus peut donc dire en toute vérité : « Mettez-vous à mon école ».
Mais que signifie le fait que Jésus soit le seul maître ? Cela ne veut pas dire que ce titre à partir de maintenant ne doit plus être utilisé pour personne d’autre, que personne n’a le droit de se faire appelé maître. Cela veut dire que personne n’a le droit de se faire appeler Maître avec une majuscule, comme s’il était le détenteur ultime de la vérité et enseignait en son propre nom la vérité sur Dieu. Jésus est la révélation suprême et définitive de Dieu aux hommes, qui contient toutes les révélations partielles qui ont eu lieu avant ou après lui. Il ne s’est pas limité à nous révéler qui est Dieu. Il nous a également dit ce que Dieu veut, quelle est sa volonté sur nous. Il faut rappeler cela à l’homme d’aujourd’hui tenté par le relativisme éthique. Jean-Paul II l’a fait avec l’encyclique « Veritatis splendor » et son successeur Benoît XVI ne se lasse pas d’y insister. Il ne s’agit pas d’exclure un sain pluralisme de points de vue sur des questions encore ouvertes ou sur les problèmes nouveaux qui se présentent à l’humanité, mais de combattre cette forme de relativisme absolu qui nie la possibilité de vérités certaines et définitives.
Pour répondre à ce relativisme le magistère de l’Eglise réaffirme qu’il existe une vérité absolue car Dieu, qui est celui qui mesure la vérité, existe. Cette vérité essentielle, qui est certes à déterminer avec toujours plus de précision, est imprimée dans la conscience. Mais puisque la conscience s’est laissée troubler par le péché, par les habitudes et les exemples contraires, le Christ, est venu révéler de façon claire cette vérité de Dieu ; et l’Eglise et le magistère ont le rôle d’expliquer cette vérité du Christ et de l’appliquer aux situations changeantes de la vie.
Un fruit personnel de la réflexion d’aujourd’hui sur l’Evangile serait de redécouvrir l’honneur, le privilège inédit, le « titre de recommandation » que constitue, auprès de Dieu, le fait d’être disciples de Jésus de Nazareth ; de placer nous aussi cela avant tous nos « titres » ; que l’on puisse dire de nous en nous voyant ou en nous entendant, ce que la femme dit à Pierre dans l’atrium du sanhédrin : « Toi aussi tu étais avec Jésus (…) Et d’ailleurs ton langage [mieux encore si l’on peut ajouter : tes actes] te trahit ». (Mt 26, 69 ss.)