ROME, Mercredi 26 octobre 2005 (ZENIT.org) – « “Nostra Aetate”, surtout le chapitre IV sur les relations avec le judaïsme, est l’un des documents les plus « révolutionnaires » du Concile Vatican II », affirme le cardinal Kasper, expliquant que par rapport au judaïsme il continent un « non » et un « oui »
La déclaration conciliaire sur les relations de l’Eglise avec les religions non-chrétiennes, et spécialement le judaïsme, « Nostra Aetate », a 40 ans : une journée lui est dédiée demain, 27 octobre, avec la participation du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque émérite de Paris, et du rabbin David Rosen, directeur international pour les questions inter-religieuses de « l’American Jewish Committee ».
Cette commémoration aura lieu à 18 h au Palais de la Chancellerie et elle sera ouverte par le cardinal Kasper.
<br> Le rabbin David Rosen parlera de : « L’appréciation et les perspectives pour l’avenir au point de vue de Juifs et judaïsme. »
Le cardinal J.-M. Lustiger évoquera : « L’appréciation et les perspectives pour l’avenir au point de vue de l’Eglise catholique ».
Le cardinal Walter Kasper, président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens, et président de la Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme a évoqué la portée de l’événement aujourd’hui au micro de Radio Vatican.
Un « non » et un « oui »
« Le document “Nostra Aetate”, explique le cardinal Kasper, surtout le chapitre IV sur les relations avec le Judaïsme, est l’un des documents les plus « révolutionnaires » du concile Vatican II, parce que l’histoire de la relation avec le Judaïsme a toujours été très difficile, complexe, tourmentée, et douloureuse aussi. Ce document a donc représenté un vrai tournant dans ces relations, et il contient deux messages : un « non » décidé à l’antisémitisme, à l’anti-judaïsme sous quelque forme que ce soit, et un « oui » aux racines juives du christianisme. Jésus était juif, et sa mère Marie, une femme juive. Les apôtres étaient juifs, et ils ont prié et pensé selon la spiritualité des psaumes ! C’est pourquoi nous avons vraiment une base commune avec les juifs. Nous avons en commun le monothéisme, nous avons en commun les Dix commandements, et beaucoup d’autres choses, dont l’espérance eschatologique ».
Un rapport unique
« Voilà pourquoi, continue le cardinal Kasper, nous avons avec le judaïsme un rapport unique que nous n’avons avec aucune autre religion du monde. Ce document a porté beaucoup de fruits : de nombreuses amitiés sont nées et ont grandi. Nous avons des rencontres régulières au niveau mondial et depuis deux ans, une Commission avec le Grand rabbinat d’Israël et le Saint-Siège dans le cadre de laquelle se déroulent des discussions théologiques parce qu’évidemment, il y a des différences entre le judaïsme et le christianisme, surtout en ce qui concerne la personne de Jésus Christ ».
« Le » pape
« Mais il y a aussi ce grand sens d’avoir quelque chose en commun que nous avons redécouvert, et le pape Jean-Paul II a joué en cela un grand rôle. Les Juifs le considèrent comme « le » pape, celui qui a le plus fait pour les Juifs, dans toute l’histoire de la papauté. Sa visite à la synagogue de Rome, le message qu’il a laissé au Mur des lamentations de Jérusalem… tout cela est vivant dans la mémoire des juifs ».
En effet, dès son premier voyage dans sa patrie, la Pologne, en juin 1979, Jean-Paul II a voulu se rendre au camp d’extermination d’Auschwitz (Oswiecim) pour s’y recueillir.
C’est le 13 avril 1986, qu’il s’est rendu à la synagogue de Rome où il a été accueilli par le Grand rabbin Elio Toaff, une des rares personnes qu’il cite dans son Testament.
Le 16 mars 1998, la Commission du Vatican pour les relations avec le judaïsme a publié un document sur la Shoah intitulé : « Nous nous souvenons, réflexions sur la Shoah ».
Et lors de son pèlerinage jubilaire en Terre Sainte, en mars 2000, Jean Paul II est allé prier devant le « Mur Occidental », le « Kotel », connu sous le nom de « Mur des lamentations » : le soubassement du Temple d’Hérode. Il a inséré une prière dans une fente du Mur, comme les font les personnes qui viennent y prier : celle qu’il avait prononcée le 12 mars précédent, en la basilique Saint-Pierre, lors de la grande prière de repentance. Il demandait à Dieu de pardonner ceux qui ont fait souffrir les juifs au cours de l’histoire.
Collaboration pratique
« Nous avons maintenant commencé une coopération pratique dans le domaine politique et social, pour la défense des droits de l’homme, pour l’éducation des enfants, pour les valeurs de la famille, pour la justice et pour la paix : ce sont toutes des valeurs communes où nous pouvons vraiment collaborer et nous voulons avancer dans cette direction. Certes, nous ne sommes qu’au début du début : il y a encore beaucoup de chemin à faire dans la théologie, l’histoire, la coopération pratique et aussi dans la formation de la nouvelle génération. Parce que ces jeunes d’aujourd’hui n’ont pas vécu pendant la Shoah, ils ne la connaissent pas, ils n’ont pas été les témoins de ces événements atroces, terribles, ils n’étaient pas là au moment du Concile Vatican II. On ne peut pas surmonter l’antisémitisme une fois pour toutes : le parcours est celui d’une éducation-formation continue. Nous devons maintenir allumée la flamme de cette coopération, de cette amitié entre juifs et chrétiens, et la transmettre à une nouvelle génération, pour construire un monde de paix ».
Les 40 de la déclaration conciliaire sont donc marqués par un colloque, jeudi soir, 27 octobre : « Nostra Aetate » a été promulguée le 28 octobre 1965.
Benoît XVI s’est inscrit dans ce sillage, en allant à la synagogue de Cologne, le 19 août dernier (cf. ZF050819). Le lieu de la rencontre était hautement symbolique : la communauté juive de Cologne est la plus ancienne d’Allemagne. Elle remonte à l’époque romaine. Elle fut détruite par les nazis en 1938 et reconstruite en 1959.
« Au XXe siècle, au temps le plus sombre de l’histoire allemande et européenne, une folle idéologie raciste, de conception néo-païenne, fut à l’origine de la tentative, projetée et systématiquement mise en œuvre par le régime, d’exterminer le judaïsme européen: se déroula alors ce qui est passé à l’histoire sous le nom de Shoah », a expliqué Benoît XVI.
« La sainteté de Dieu ne se reconnaissait plus, et pour cela on foulait aussi aux pieds le caractère sacré de la vie humaine », a poursuivi le pape.
Il disait souhaiter un dialogue « sincère et confiant » entre juifs et chrétiens, et pour cela il proposait de tenter de « parvenir à une interprétation commune des questions historiques encore discutées et, surtout, de faire des pas en avant dans l’évaluation, du point de vue théologique, du rapport entre judaïsme et christianisme ».
« Ce dialogue, s’il veut être sincère, ne doit pas passer sous silence les différences existantes ou les minimiser: précisément dans ce qui nous distingue les uns des autres à cause de notre intime conviction de foi, et en raison même de cela, nous devons nous respecter mutuellement », a-t-il déclaré.
Pour terminer, le pape a proposé aux chrétiens et aux juifs de collaborer « sur le plan pratique pour la défense et la promotion des droits de l’homme et du caractère sacré de la vie humaine, pour les valeurs de la famille, pour la justice sociale et pour la paix dans le monde ».