ROME, Vendredi 14 octobre 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche (Mt 22,15-21) que proposait cette semaine le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale, dans l’hebdomadaire catholique italien « Famiglia cristiana ».
XXIX dimanche du temps ordinaire (Année A) – 16 octobre 2005
A Dieu ce qui est à Dieu
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22,15-21.
Alors les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler.
Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens.
Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? »
Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’argent.
Il leur dit : « Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? —
De l’empereur César », répondirent-ils. Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
© AELF
L’Evangile de ce dimanche s’achève par une phrase lapidaire de Jésus : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Non pas, César ou Dieu, mais : l’un et l’autre, chacun à son niveau. C’est le début de la séparation entre religion et politique, jusqu’alors inséparables dans tous les peuples et tous les régimes. Les juifs étaient habitués à concevoir le futur règne de Dieu instauré par le Messie, comme une théocratie, c’est-à-dire comme un gouvernement direct de Dieu sur la terre à travers son peuple.
En revanche le Christ révèle un règne de Dieu qui est en ce monde, mais pas de ce monde, qui avance sur une longueur d’onde différente et qui peut par conséquent coexister avec n’importe quel régime, qu’il soit de type sacré ou « laïc ».
Deux types différents de souveraineté de Dieu sur le monde sont ainsi révélés : la souveraineté spirituelle, c’est-à-dire le règne de Dieu, qu’il exerce directement en Jésus Christ, et la souveraineté temporelle ou politique que Dieu exerce indirectement, en la confiant au libre choix des personnes et au jeu des causes secondaires. César et Dieu ne sont pas toutefois mis sur le même plan, car César aussi dépend de Dieu et doit lui rendre des comptes. « Rendez à César ce qui est à César », signifie donc : « Donnez à César ce que Dieu lui-même veut que soit donné à César ». C’est Dieu le souverain ultime de tous. Nous ne sommes pas divisés entre deux appartenances ; nous ne sommes pas contraints de servir « deux maîtres ».
Le chrétien est libre d’obéir à l’Etat, mais également de lui résister lorsque l’Etat se met contre Dieu et sa loi. Il n’est pas juste d’invoquer le principe de l’ordre reçu des supérieurs, comme ont l’habitude de le faire les responsables de crimes de guerre, dans les tribunaux. Avant d’obéir aux hommes, il faut obéir à Dieu et à sa conscience. On ne peut pas donner à César l’âme qui appartient à Dieu. C’est saint Paul qui, le premier, a tiré les conclusions pratiques de cet enseignement. Il écrit : « Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu (…) N’est-ce pas pour cela même que vous payez les impôts ? Car il s’agit de fonctionnaires qui s’appliquent de par Dieu à cet office » (Rm 13, 1ss). Payer honnêtement les impôts pour un chrétien (et pour toute personne honnête) est un devoir de justice, une obligation de conscience. En garantissant l’ordre, le commerce et tous les services, l’Etat donne au citoyen une chose pour laquelle il a droit à une contrepartie, précisément pour pouvoir continuer à rendre de tels services.
L’évasion fiscale, lorsqu’elle atteint certaines proportions, nous rappelle le Catéchisme de l’Eglise catholique, est un péché mortel. C’est un vol perpétré non contre « l’Etat », c’est-à-dire personne, mais contre la communauté, c’est-à-dire tout le monde. Ceci suppose naturellement que l’Etat aussi soit juste et équitable dans ses critères d’imposition.
La collaboration des chrétiens à la construction d’une société juste et pacifique ne se limite pas à payer des impôts ; elle doit également s’étendre à la promotion des valeurs communes comme la famille, la défense de la vie, la solidarité avec les plus pauvres, la paix. Il existe un autre domaine dans lequel les chrétiens devraient apporter une contribution plus efficace : le domaine de la politique. Pas tant sur le plan des contenus que des méthodes, du style. Il faudrait désenvenimer le climat de dispute perpétuel, ramener davantage de respect et de dignité dans les relations entre les partis. Respect du prochain, douceur, capacité d’autocritique, sont des éléments qu’un disciple du Christ doit apporter dans tous les domaines, y compris la politique. Se laisser aller aux insultes, au sarcasme, à la bagarre contre l’adversaire, est indigne d’un chrétien. Si, comme le dit Jésus, celui qui dit à son frère « stupide », sera condamné à la Géhenne, qu’en sera-t-il de nombreux hommes politiques ?
[Texte original en italien publié dans « Famiglia cristiana » – Traduction réalisée par Zenit]