Interventions au Synode des évêques mardi matin 4 octobre

ROME, Mardi 4 octobre 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous les résumés des interventions des pères du synode qui ont pris la parole mardi matin 4 octobre, lors de la troisième congrégation générale.

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– S. Exc. Mgr. Juan Abelardo MATA GUEVARA, S.D.B., Évêque d’Estelí (NICARAGUA)
– S. Exc. Mgr. Paul-André DUROCHER, Évêque d’Alexandrie-Cornwall (CANADA)
– S.Em. le Card. Javier LOZANO BARRAGÁN, Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé (CITÉ DU VATICAN)
– S. Exc. Mgr. Geraldo LYRIO ROCHA, Archevêque de Vitória da Conquista (BRÉSIL)
– S. Exc. Mgr. Pedro Ricardo BARRETO JIMENO, S.I., Archevêque de Huancayo (PÉROU)
– S.Em. Le Card. Jorge Arturo MEDINA ESTÉVEZ, Préfet émérite de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements (CITÉ DU VATICAN)
– S.Em. Le Card. Cormac MURPHY-O’CONNOR, Archevêque de Westminster, Président de la Conférence Épiscopale (GRANDE-BRETAGNE, ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES)
– S. Exc. Mgr. Gerald William WIESNER, O.M.I., Évêque de Prince George (CANADA)
– S.Em. Le Card. Justin Francis RIGALI, Archevêque de Philadelphie (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
– S. Exc. Mgr. Clément FECTEAU, Évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (CANADA)
– S.Em. le Card. Miguel OBANDO BRAVO, S.D.B., Archevêque émérite de Managua (NICARAGUA)
– S. Exc. Mgr. Peter KANG U-IL, Évêque de Cheju (CORÉE)
– S. Exc. Mgr. José Trinidad GONZÁLEZ RODRÍGUEZ, Évêque titulaire de Menefessi, Évêque auxiliaire de Guadalajara (MEXIQUE)
– S.Em. Le Card. Telesphore Placidus TOPPO, Archevêque de Ranchi (INDE)
– S.Em. le Card. James Francis STAFFORD, Pénitencier Majeur (CITÉ DU VATICAN)
– Très Rév. P. Mark R. FRANCIS, C.S.V., Supérieur Général des Clercs de Saint Viateur
– S. Exc. Mgr. Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kisangani, Président de la Conférence Épiscopale (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)

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– S. Exc. Mgr. Juan Abelardo MATA GUEVARA, S.D.B., Évêque d’Estelí (NICARAGUA)

1. UNE RÉALITÉ DOULOUREUSE:
LA SÉCULARISATION, UNE CULTURE QUI DÉSHUMANISE
a. Détérioration sociale:
La sécularisation en tant que processus culturel s’est infiltrée dans nos milieux. Elle est en train de désintégrer le patrimoine culturel de notre peuple. Certains signes se sont déjà manifestés dans la réalité que nous vivons: il existe une plaie sociale qui déshumanise le milieu ambiant et le rend immoral, en raison de l’éloignement de Dieu et du refus des principes chrétiens. D’une manière subtile, l’alcoolisme et le divorce s’y sont immiscés comme une chose tout à fait normale, et la toxicomanie, la pornographie, les meurtres, la violence, etc., sont des maux sociaux qui nous accablent.
b. La crise morale:
L’Église a été attaquée, il n’y a pas de respect pour ses représentants qui sont constamment soumis à une critique caustique et des caricatures sarcastiques.
Par ailleurs, la crise morale porte atteinte à la dignité de la personne humaine. De plus, nous sommes envahis par la propagande asphyxiante de la consommation qui est en contraste avec notre réalité obscurcie et qui nous impose l’idolâtrie de l’argent et du plaisir.
c. Attaques à notre culture.
Cette idéologie destructrice est en train de miner la famille et d’encourager le plaisir érotique, d’une manière effrénée, une culture égoïste qui petit à petit introduit des moeurs étrangères à notre tradition, comme la promotion de spectacles qui discréditent la dignité de la femme et incitent à une consommation démesurée d’alcool. Cette situation est d’autant plus douloureuse pour l’Église que ces manifestations, que l’on pourrait appeler des carnavals, révolutionnent les célébrations religieuses en les manipulant du point de vue idéologique, créant encore plus de confusion et d’absence de Dieu.
d. Engagement ecclésial:
Les dommages causés par la diffusion de la sécularisation de ces milieux soulignent l’urgence d’une évangélisation audacieuse dans tous les milieux sociaux qui puisse transformer et humaniser ces structures de manière à ce qu’elles retrouvent leur véritable unité en Christ (cf. Ep 1, 10; Église en Amérique 67).
2. UN TEMPS PROVIDENTIEL
LA CÉLÉBRATION DE CETTE ANNÉE EUCHARISTIQUE
a. L’Eucharistie: aliment qui donne la force pour le chemin
Dans l’Eucharistie, comme le définit le Concile Vatican II, nous les chrétiens trouvons la source et le sommet de tout ce que nous sommes. En ce temps providentiel, le Seigneur nous invite à contempler notre réalité et à lever nos yeux vers le haut, pour retrouver l’espérance et le courage de lutter contre tout ce qui nous éloigne de Dieu.
Le Seigneur nous exhorte comme le Prophète Élie: “Lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi” (1 R 19, 7). Dans le sacrement de l’Eucharistie nous trouvons l’aliment qui nous donne la force pour lutter contre le péché et le découragement, l’indifférence et le manque d’espérance.
Le chemin est encore trop long et sans cet aliment nous ne pourrions pas supporter les épreuves, les difficultés et la souffrance qui sont présentes dans la vie quotidienne.
b. Communion:
L’Année de l’Eucharistie nous a invités sans cesse à un renouvellement de l’esprit de communion, dans la réconciliation et dans l’amour fraternel, dans la solidarité et dans l’esprit missionnaire. Cela va bien au-delà d’un simple événement, d’une simple rencontre commémorative. Cela exige un approfondissement au plus profond de notre vie intérieure et ecclésiale. Aussi, la célébration de cette Année eucharistique est pour nous un fort rappel à l’unité et à la communion de toute l’Église au Nicaragua, à un retour aux racines de la foi chrétienne qui a rendu nos communautés fécondes.

[Texte original: espagnol]

– S. Exc. Mgr. Paul-André DUROCHER, Évêque d’Alexandrie-Cornwall (CANADA)

La croix du Christ, formée d’un tronc et d’une poutre, rappelle les deux dimensions de la mort salvifique du Christ : verticale, la glorification du Père; horizontale, le salut de l’humanité. La croix convoque la communauté chrétienne à s’unir au Christ selon ces deux dimensions – la louange du Père et la prière pour le monde – faisant de l’Eucharistie une action liturgique à la fois doxologique et missionnaire. Or dans notre monde contemporain, on est porté d’abord à chercher l’épanouissement personnel et les gratifications immédiates. Dans un tel contexte culturel, on risque de réduire l’Eucharistie à l’étroitesse de nos propres besoins et désirs. Il faut donc développer ces dimensions doxologique et missionaire en cultivant l’art de célébrer, en étant attentif aux possibilités de louange et d’ouverture sur le monde déjà présentes au cœur de la liturgie, quitte à développer de nouveaux formulaires de prière, de nouvelles préfaces, un nouveau rite d’envoi. Tout cela afin de réaliser dans la célébration ce que la croix de procession symbolise déjà.

[Texte original: français] <br> – S.Em. le Card. Javier LOZANO BARRAGÁN, Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé (CITÉ DU VATICAN)

L’Eucharistie reçue comme Viatique nous met dans la contemporanéité de l’événement salvifique au moment de la mort. Elle signifie donc vie, communion et éternité. En tant que vie, notre mort s’unit dans le Viatique à la mort et à la résurrection du Christ. Ainsi nous complétons dans notre corps ce qui manque à la passion du Christ et nous entrons dans sa glorieuse résurrection. Notre vie devient mérite pour les mérites du Christ, grâce à l’Esprit Saint qui confère mérite à la vertu et nous introduit à la joie éternelle. En tant que communion, avec le Viatique la mort cesse d’être solitude et devient la plus grande compagnie: elle nous transmet la transparence de nous-mêmes, nous unit au Christ centre de l’univers et ainsi avec tout l’univers nous ouvre à la compagnie de toute l’Église à travers la communion des saints; elle nous
unit à la Très Sainte Vierge Marie, à tous les saints, à tous les membres de l’Église. Par le Viatique nous parvenons au moment de la récapitulation de toutes les choses en Christ. Nous vainquons la solitude. La solitude de la mort est inversement proportionnelle à la foi dans le Viatique. En tant qu’éternité, avec le Viatique nous surmontons la mobilité du désir dans la plénitude de l’amour trinitaire auquel nous participons ayant en Christ la joie pérenne d’arriver à la plénitude de la vie divine.

[Texte original: espagnol]

– S. Exc. Mgr. Geraldo LYRIO ROCHA, Archevêque de Vitória da Conquista (BRÉSIL)
Certaines célébrations de la Sainte Messe diffusées par la télévision soulèvent, dans certaines de leurs parties, de sérieuses et graves préoccupations. Il serait de la plus haute importance de rappeler, à propos de ces questions, que, dans la liturgie, nous célébrons le Mystère pascal. Qu’il y ait, de la part de tous, respect et fidélité à l’égard de ce le Magistère de l’Église établit à propos de la célébration de la Sainte Messe et du Culte eucharistique, afin d’éviter les déviances et les abus, surtout dans le cadre de la télédiffusion. Ceux qui assistent à la Messe par le biais de la télévision doivent se sentir poussés à participer à la célébration au sein de l’assemblée liturgique. Que toute célébration ait un caractère priant afin que la dimension sacrée du mystère célébré se dégage. Que l’on donne aux symboles liturgiques leur juste valeur et que l’on soigne l’expression artistique de l’espace de la célébration, des objets et des habits liturgiques. Que le chant et la musique soient conformes au caractère propre de la célébration, au temps liturgique et aux différents moments de la célébration.

[Texte original: italien]

– S. Exc. Mgr. Pedro Ricardo BARRETO JIMENO, S.I., Archevêque de Huancayo (PÉROU)

Il existe une préoccupation et un mécontentement dans le monde contemporain face à l’échec des espérances de l’homme concernant l’environnement et la pauvreté extrême parce que “Dieu a été exclu de la vie publique”. C’est pourquoi, “la crise écologique ne constitue pas seulement un problème scientifique et technique mais, mais c’ est – également et principalement – un problème éthique et moral”. Telle est l’opinion de l’Église selon laquelle “la technologie qui pollue peut également décontaminer; la production qui accumule peut également distribuer de manière équitable, à condition que prévale l’éthique du respect pour la vie, pour la dignité de l’homme et pour les droits des générations humaines, présentes et à venir”.
Le changement climatique représente une sérieuse menace pour la paix dans le monde. Il s’agit d’un authentique “signe des temps” qui exige de notre part une conversion écologique. L’Église a une grande responsabilité dans ce domaine spirituel. En effet, “l’Eucharistie, étant le sommet auquel tend toute la création, elle est la réponse à la préoccupation du monde contemporain y compris en matière d’équilibre écologique”.
Comme “fruit de la terre”, le pain et le vin représentent la création qui nous a été confiée par le Créateur. C’est pourquoi, l’Eucharistie est en relation directe avec la vie et l’espérance de l’humanité et doit être la préoccupation constante de l’Église et un signe d’authenticité eucharistique. “Ce sont de nouveaux cieux et une terre nouvelle que nous attendons selon sa promesse, où la justice habitera (cf. 2P 3, 13) et ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres (cf. Ep 1, 10)”.
Comme fruit du travail de l’homme, dans de nombreuses parties du monde, comme cela est le cas sur le territoire de l’Archidiocèse de Huancayo (Pérou), l’air, la terre et le lit du fleuve Mantaro sont sérieusement compromis par la pollution. L’Eucharistie nous engage à faire en sorte que le pain et le vin soient le fruit “de la terre fertile, pure et non polluée”. C’est pourquoi, il est nécessaire de rendre toujours plus visible la “communion” au sein du Collège Épiscopal, uni sous le Vicaire du Christ et “la collégialité affective et effective, dont dérive la préoccupation de nous autres Évêques pour les autres Églises particulières et pour l’Église universelle …” en assurant la promotion de la participation des laïcs.
La foi dans le Christ ressuscité fait que l’Église soit “un projet de solidarité” afin de partager les biens avec les plus pauvres et de vivre dans l’Église la spiritualité eucharistique.

[Texte original: espagnol]

– S.Em. Le Card. Jorge Arturo MEDINA ESTÉVEZ, Préfet émérite de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements (CITÉ DU VATICAN)

Les trois aspects de l’Eucharistie, Sacrifice, présence réelle et Communion sacramentelle ne sont pas des réalités juxtaposées, elles s’articulent de manière à ce que la réalité première soit la réalité sacrificielle. La présence réelle donne sa pleine dimension au Sacrifice eucharistique et la Sainte Communion est participation au sacrifice. Aucune de ces réalités ne peut être séparée des deux autres et, ensemble, elles font en sorte que toute la vie chrétienne soit consacrée à la gloire de Dieu.
La dimension propitiatoire de la célébration eucharistique, tant en faveur des vivants que des morts, est intimement liée à la nature sacrificielle. La liturgie des obsèques visant surtout au repos de l’âme du défunt, c’est un abus que de transformer l’homélie des obsèques en un éloge de la personne décédée.

[Texte original: espagnol]

– S.Em. Le Card. Cormac MURPHY-O’CONNOR, Archevêque de Westminster, Président de la Conférence Épiscopale (GRANDE-BRETAGNE, ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES)

J’espère très sincèrement que notre débat se concentrera sur les implications de l’Eucharistie pour la communauté ecclésiale et pour sa mission dans le monde. Le Rapport final du Synode de 1985 a choisi comme titre: Ecclesia sub Verbo Dei celebrans mysteria Christi pro salute mundi. Ce titre rassemble les quatre constitutions fondamentales du Concile Vatican II.
À propos du Synode extraordinaire de 1985, j’indique de manière très explicite l’un de ses résultats les plus remarquables, à savoir la priorité qu’il a accordée à la koinonia/communion – Ecclesiologia communionis.
Je suis convaincu qu’un retour à la théologie et à l’ecclésiologie de koinonia, sous ses différents aspects, est vraiment un fruit de la présence de l’Esprit du Christ Ressuscité dans son Église et un thème dont l’importance oecuménique est immense.
Il est fondamental que la relation profonde entre communion/koinonia et Eucharistie devienne un aspect central de nos discussions et de tout document qui sera issu de cette assemblée. Nous ne pouvons pas limiter notre confrontation au sein de ce Synode à un simple débat sur les normes pratiques ou les directives catéchistiques, aussi importantes soient-elles.
Ce Synode sur l’Eucharistie nous mène au coeur de tout ce que le Concile Vatican II a essayé de dire sur l’Église, sur le monde et sur le destin de l’histoire de toute l’humanité dans le mystère de la Sainte Trinité.

[Texte original: anglais]

– S. Exc. Mgr. Gerald William WIESNER, O.M.I., Évêque de Prince George (CANADA)
Dans la lettre apostolique Novo Millenio Ineunte, le Pape Jean-Paul II indique la célébration de l’Année Sainte de l’an 2000 comme une opportunité pour l’Église d’analyser à quel point elle s’est renouvelée à la lumière de l’enseignement du Concile Vatican II.
Le Concile demande, de manière claire et répétée, la participation pleine, consciente et active des fidèles à la célébration de la liturgie. Cette qualité de participation est tout à la fois récla
mée par la nature même de la liturgie et en vertu du baptême.
Le sacerdoce royal, conféré aux fidèles par le sacrement du baptême, requiert d’eux et les rend capables d’offrir la Victime divine au Père et de s’offrir eux-mêmes avec cette Victime divine.
Ainsi que l’indique l’Instrumentum Laboris, nombreux sont ceux à qui fait défaut une compréhension correcte de l’Eucharistie et, par suite, ne parviennent pas à y participer de manière adéquate. Ce court exposé se veut un effort afin de souligner et d’affronter cette question.

[Texte original: anglais]

– S.Em. Le Card. Justin Francis RIGALI, Archevêque de Philadelphie (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)

Parler de l’“l’Eucharistie Mystère de la Foi” (nº28) signifie également parler de l’“Eucharistie Mystère de l’Amour Trinitaire”. Ceci vaut également quand on parle du Sacrifice de Jésus (nº37). En évoquant le rapport de Jésus avec Son Père dans la communion de la Très Sainte Trinité, nous trouvons l’explication la plus profonde de l’Eucharistie, en particulier comme sacrifice, un sacrifice renouvelé dans l’Eucharistie.
L’amour du Christ pour nous et l’amour du Père qui a envoyé Son Fils dans le monde pour nous sauver expliquent en grande partie l’Eucharistie. Deux autres aspects de l’amour de Dieu sont, cependant, encore plus fondamentaux pour une compréhension de l’Eucharistie et de toute la souffrance que le Christ a supporté pour nous sur le Calvaire. L’Eucharistie provient directement de l’amour du Fils de Dieu pour le Père comme réponse à l’amour éternel avec lequel Il est aimé par le Père dans l’Esprit Saint. La plus grande proclamation de Jésus a été l’amour que le Père a pour Lui et l’amour qu’il nourrit pour le Père. Jésus dit: “Le Père aime le Fils” (Jn 3, 35; 5, 20). “Le Père m’aime” (Jn 10,17). “J’aime le Père” (Jn 14,31).
Le Sacrifice de Jésus est motivé par Son amour pour le Père et par Son obéissance au Père. Le Calvaire et l’Eucharistie; qui représente de nouveau et renouvelle le Calvaire, expriment l’échange d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. La Résurrection est la réponse d’amour du Père au Sacrifice du Christ et la plus grande proclamation de son amour éternel pour Son Fils. Comme mystère de la foi, l’Eucharistie est, surtout, le mystère de l’Amour Trinitaire.

[Texte original: anglais]

– S. Exc. Mgr. Clément FECTEAU, Évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (CANADA)

C’est à juste titre que le document soumis à l’étude de la présente assemblée du synode recommande d’affirmer avec insistance que le Christ Jésus est réellement présent dans le Sacrement de l’Eucharistie.
Au numéro 38, l’Instrumentum Laboris invite la présente assemblée synodale à affirmer de nouveau que “la présence permanente et substantielle du Seigneur dans le sacrement n’est pas simplement une typologie ou une métaphore”.
On a raison de demander à ce sujet “d’expliquer la théologie de la consécration” pour faciliter le dialogue oecuménique et pour faciliter la compréhension des catholiques eux-mêmes. Il y aurait lieu aussi de demander à des spécialistes de développer un langage plus approprié pour la catéchèse de ce grand mystère.
Il arrive souvent qu’on considère l’Eucharistie comme quelque chose de statique alors qu’il s’agit d’une réalité dynamique. L’Eucharistie n’est-elle pas la personne du Christ, non seulement présente, mais en action sacrificielle constante et permanente bien que sous forme de mémorial.
Il serait souhaitable que des spécialistes suggèrent un langage renouvelé sur cet aspect de manière à ce que pasteurs, catéchètes et fidèles en arrivent à une compréhension plus profonde et plus vraie de la présence du Seigneur dans l’Eucharistie.
L’acte d’adoration, l’attitude intérieure d’adoration, constitue le lieu où culmine l’expression de la foi en la présence du Seigneur dans le Très Saint Sacrement. Il faudrait éviter cependant d’interpréter cette affirmation comme si les célébrations d’adoration en dehors de la messe étaient, davantage que cette dernière, l’expression d’une telle foi.
Il est à souhaiter que cette assemblée synodale approfondisse davantage cette question de l’Adoration Eucharistique, car il y a un grand effort à faire pour renouveler cette pratique en explicitant le sens et en fournissant des textes de prières appropriés afin de soutenir celles des personnes qui n’ont pas encore l’habitude de la prière spontanée.

[Texte original: français]

– S.Em. le Card. Miguel OBANDO BRAVO, S.D.B., Archevêque émérite de Managua (NICARAGUA)

Jésus nous enseigne que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc, de la transformation du monde, est le nouveau commandement de l’amour.
Le comportement de la personne est pleinement humain quand il naît de l’amour et quand il lui est subordonné. Cette vérité vaut également dans le milieu social: il est nécessaire que les chrétiens soient des témoins profondément convaincus et qu’ils sachent témoigner, de par leur vie, que l’amour est la seule force capable de conduire à la perfection personnelle et sociale et de conduire l’histoire vers le bien.
Pour façonner une société plus humaine, plus digne de la personne, il est nécessaire de revaloriser l’amour au sein de la vie sociale – au niveau politique, économique, culturel – en en faisant la norme constante et suprême de l’action.
Seule la charité permet de changer complètement l’homme. Un tel changement ne signifie pas annuler la dimension terrestre pour en faire une spiritualité désincarnée. Qui pense s’en tenir aux vertus surnaturelles de l’amour sans tenir compte de sa fondation naturelle correspondante, qui comprend les devoirs de la justice, se trompe: la charité est le plus important commandement social. Elle respecte le prochain et ses droits.
La charité, cependant, ne peut se résoudre à la dimension terrestre des relations humaines et sociales, dans la mesure où toute son efficacité dérive justement de sa référence à Dieu.
On ne peut pas parler d’Eucharistie sans fraternité, sans au moins une attitude d’ouverture, une volonté d’union et de dévouement mutuel.
Lors de la célébration eucharistique, de nombreux éléments de fraternité s’accumulent (le Notre Père, le signe de paix, la fraction du pain). Il s’agit ici simplement souligner l’aspect “horizontal” de notre communion.

[Texte original: espagnol]

– S. Exc. Mgr. Peter KANG U-IL, Évêque de Cheju (CORÉE)

Le fait qu’aujourd’hui la beauté, la lumière et la valeur de l’Eucharistie soient oubliées ne dépend pas tant du non respect des règles, mais bien plutôt de la sécularisation de la culture moderne, matérialiste et hédoniste. Toute la société est placée sous l’influence de ces images et, avec le temps qui passe, l’ensemble de la population devient indifférente au “mystère”.
En ce qui concerne l’Église en Corée, la participation des enfants à l’Eucharistie décroît fortement avec l’âge. Les enfants qui ne viennent pas à la Messe disent ne pas s’y rendre parce que la Messe est trop ennuyeuse et peu intéressante. Les adultes affirment également que, la trouvant ennuyeuse, ils ne se sentent pas motivés pour y prendre part. Nous avons donc comme priorité de motiver et de faire monter dans le coeur des catholiques le désir et l’aspiration à participer à l’Eucharistie.
Jusqu’à présent, il y a eu très peu de rapports personnels profonds entre les catholiques au sein de la structure paroissiale. Mais, au cours de ces dernières années, les croyants asiatiques ont créé un sens de communion avec leurs frères et soeurs dans la foi par le biais de Petites Communautés Chrétiennes. Les personnes qui ont fait l’expérience de ce
sens de communion avec leur prochain sont mieux préparées à approfondir leur sens de communion dans le contexte de l’Eucharistie. De ce point de vue, l’animation des Petites Communautés Chrétiennes (SCC) représente un instrument excellent pour aider les fidèles à comprendre plus profondément la valeur de l’Eucharistie et à participer plus pleinement à sa célébration.
Pour transmettre au peuple moderne le mystère de l’Eucharistie, il n’est pas suffisant de renforcer d’une façon plus rigoureuse les règles et les règlements concernant la célébration du Sacrement. Pour notre part, en tant qu’Évêques, nous devons chercher plus activement des instruments permettant de rendre plus aisée, aux Catholiques d’aujourd’hui, l’expérience de l’authentique valeur de l’Eucharistie, la pleine participation à Celle-ci et l’expérience de la joie qu’elle insuffle.

[Texte original: anglais]

– S. Exc. Mgr. José Trinidad GONZÁLEZ RODRÍGUEZ, Évêque titulaire de Menefessi, Évêque auxiliaire de Guadalajara (MEXIQUE)

La justice unie à la charité à laquelle l’Eucharistie nous exhorte, nous pousse à un amour actif, concret et efficace à l’égard de tout être humain, un amour qui ne doit pas manquer dans notre style ecclésial de vie chrétienne et dans nos programmes pastoraux. Parce que, si vraiment nous sommes partis de la contemplation du Christ eucharistique, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier: “ J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi (Mt 25,35-36). Cette page n’est pas une simple invitation à la charité; c’est une page de christologie qui projette un rayon de lumière sur le mystère du Christ. C’est sur cette page, tout autant que sur la question de son orthodoxie, que l’Église mesure sa fidélité d’Épouse du Christ”, a dit Sa Sainteté Jean-Paul II (Nuovo Millenio Ineunte 49).
Ce Synode est une occasion magnifique pour rendre effectif notre engagement eucharistique, avec la joie de proclamer que, surtout dans l’Eucharistie, “le Sauveur, incarné dans le sein de Marie il y a vingt siècles, continue à s‘offrir à l’humanité comme source de vie divine” (Tertio Millenio Adveniente 55), et pour nous rappeler que si nous voulons réellement offrir le sacrifice du Christ, nous devons poursuivre ce sacrifice par une vie de dévouement aux autres.
Ainsi Jésus, Pain de Vie, nous encourage à travailler pour que personne, et pour qu’aucune nation ne manque de ce pain qui fait encore défaut à beaucoup d’hommes:
– Le pain de la paix et de la justice, là où il y a la guerre, là où les droits de l’homme, de la famille et des peuples ne sont pas respectés .
– Le pain de la Parole de Dieu, là où le Christ, Pain de Vie, n’a pas encore été annoncé et où les hommes sont privés de l’aliment et de la boisson qui rassasie la faim et la soif de l’esprit.

[Texte original: espagnol]

– S.Em. Le Card. Telesphore Placidus TOPPO, Archevêque de Ranchi (INDE)

L’Église locale du territoire tribal de l’intérieur de l’Inde, qui compte aujourd’hui plus de deux millions de fidèles, représente incontestablement l’un des plus beaux succès de la mission de l’Église catholique. En l’espace de 130 ans seulement, l’Archidiocèse de Ranchi a donné naissance à 12 diocèses et a ordonné 23 évêques, des centaines de prêtres et des milliers de religieux. J’attribue entièrement ce dynamisme et cette expansion à notre dévotion spéciale pour l’Eucharistie. Elle forme notre propre “identité”. Depuis que les populations tribales ont accueilli l’Évangile, la “présence réelle” du Seigneur ressuscité dans l’Eucharistie les a rendues libres, en leur apportant le salut et en faisant d’elles une “nouvelle création” dans le Christ.
Je désire donc attirer l’attention de ce Synode sur l’aspect salvifique de l’Eucharistie, et partager avec vous ce que la foi chrétienne a fait pour nous. Il y a tout d’abord la réalité de l’amour de Dieu, figurée dans la tradition catholique par l’image du Sacré-Coeur, qui nous conduit directement au Mystère pascal et à l’Eucharistie (cf. Jn 19,34).
Il y a ensuite la réalité de l’”anamnèse”, selon laquelle la foi de l’Église rend spirituellement présent le Mystère pascal de notre Sauveur Jésus-Christ aux fidèles. C’est ce que nous avons appris de notre fondateur, le missionnaire Constant Lievens. Plus récemment, notre bien-aimé Pape Jean-Paul II, dont nous vénérons la mémoire, et la Bienheureuse Mère Teresa de Calcutta ont aussi souligné cette réalité de la participation à l’Eucharistie. Les chrétiens de nos zones tribales de l’intérieur croient fermement aujourd’hui que la mort salvifique et la résurrection de Jésus ont dépouillé les Principautés et les Puissances de l’univers et détruit leur pouvoir (cf. Col 2,14-15). Dans cette expérience de foi de notre peuple, l’Eucharistie a oeuvré un changement exemplaire en supprimant les anciens sacrifices sanglants, par lesquels on cherchait autrefois à apaiser ce qu’on appelait les “esprits mauvais”, en l’orientant vers l’alliance nouvelle et éternelle établie en Jésus-Christ.
Il y a en outre la réalité de l’”admirabile Commercium” par lequel “nous participons de la divinité du Christ, qui s’est humilié pour partager notre humanité”. Cette réalité n’apporte pas seulement le salut, mais aussi un “merveilleux changement”, à savoir une transformation en “héritiers de Dieu” et en “cohéritiers de Jésus-Christ”. Les fidèles ont vraiment été libérés de toutes les entraves et ils ont reçu la “liberté des enfants de Dieu”.
Ce Synode, qui est providentiel, doit amener tous les chrétiens à participer à l’Eucharistie avec une nouvelle intensité et une profondeur de foi. Que l’intercession de Marie, la “Femme de l’Eucharistie”, conduise au salut continuel du monde, à la véritable libération et à la plénitude de vie grâce à son Fil, Jésus-Christ, le Pain de vie!

[Texte original: anglais]

– S.Em. le Card. James Francis STAFFORD, Pénitencier Majeur (CITÉ DU VATICAN)

Mes réflexions se basent sur le mystère pascal célébré dans l’Eucharistie. En particulier, de par mon service au sein de l’Église en qualité de Pénitencier Majeur, et donc, sur la base de mon expérience dans l’activité de la Pénitencerie Apostolique, je voudrais souligner l’importance actuelle du lien existant entre Eucharistie et Pénitence.
1. Toute la vie et la mission de l’Église tire sa raison d’être et sa vigueur de l’Eucharistie et est tout entière orientée à rendre présent dans l’histoire de l’humanité l’efficacité salvifique du mystère de la mort et de la résurrection du Christ. En accomplissant le mandat que lui a confié le Christ (“Faites cela en mémoire de moi” [Lc 22,19]), l’Église se reconnaît comme le peuple des sauvés, des réconciliés avec le Père dans le sang du Fils. Dans le même temps, l’Église se reconnaît comme le nouveau peuple de Dieu, pèlerin qui expérimentent les tentations et les embûches du chemin, ainsi que l’infidélité de ses membres. Il en découle une exigence constante de conversion et un besoin permanent de réconciliation.
2. Donc, la vie chrétienne est authentique lorsqu’elle est vécue dans une attitude de permanente conversion personnelle et communautaire, qui a son expression la plus élevée dans le signe de la réconciliation sacramentelle. Renouveler l’alliance d’amitié avec Dieu n’est pas seulement une décision intime du chrétien pénitent, mais cela requiert un signe reconnu dans et par la com
munauté ecclésiale, dans la personne du ministre, parce que le péché a brisé le lien d’amitié avec le Seigneur et avec son Église. La participation au banquet eucharistique avec les frères comporte, comme condition inéluctable, un signe public de réconciliation.
3. Je conclue mon intervention par une recommandation. Il est souhaitable que, dans chaque diocèse, soit présent un chanoine pénitencier ou, au moins, un prêtre qui exerce la même mission, tel que cela est prévu par le canon 508 du Codex Juris Canonici. Ce sont eux qui peuvent aider les confesseurs dans leur délicat ministère et les instruire sur les éventuels recours à la Pénitencerie Apostolique. Il s’agit d’un service précieux pour la sérénité de la conscience de nombreux fidèles, comme en témoigne le travail quotidien de la Pénitencerie Apostolique elle-même.

[Texte original: italien]

– Très Rév. P. Mark R. FRANCIS, C.S.V., Supérieur Général des Clercs de Saint Viateur

Je souhaiterais commenter le paragraphe 8 de l’Instrumentum Laboris car il reflète l’une des faiblesses que je perçois dans l’approche de l’ensemble du document, des faiblesses qui sont à la fois théologiques et pastorales. Parce qu’il souhaite souligner l’importance de l’adoration du Christ sous les espèces eucharistiques, le document semble attribuer la même importance à la célébration liturgique en elle-même et aux expressions populaires de piété envers les espèces eucharistiques. Cela paraît conduire à certaines positions réductrices. Par exemple, dans l’article 8, on lit que la “présence du Christ est le résultat fondamental du sacrement”. Il s’agit d’une compréhension incomplète et appauvrie du “résultat” de l’Eucharistie. L’on traite ici de la res sacramenti ou res tantum de la théologie sacramentelle scolastique que le Concile de Trente, en tant que source faisant autorité, décrivit d’une manière bien plus complète comme une communion du croyant avec le Christ et un gage de la gloire future. Le Christ est réellement et véritablement présent dans l’Eucharistie: il n’est pas seulement présent, il a aussi pour effet de transformer le croyant. Cela est souligné dans de nombreuses prières du Missel Romain que l’on récite après l’Eucharistie. Cela constitue également une part importante de la redécouverte du fondement pneumatologique de l’Eucharistie dans le Rite Latin exprimé dans l’épiclèse de la communion des “nouvelles” prières eucharistiques, la IIIe prière par exemple: “Spiritu eius Sancto repléti, unum corpus et unus spiritus inveniamur in Christo”.
Je crois que le document devrait insister davantage sur l’enseignement eucharistique traditionnel de l’Église: le culte du Très Saint Sacrement en dehors du contexte liturgique découle de la Messe elle-même et y reconduit. Les paroles placées en ouverture des praenotanda des Rites de la Sainte Communion et Adoration de l’Eucharistie en dehors de la Messe (Eucharistiae Sacramentum) auraient pu ici être rappelées avec profit: “L’administration du viatique est la finalité primaire et originaire de la conservation de l’eucharistie hors de la messe. La distribution de la communion et l’adoration de notre seigneur Jésus Christ, présent dans le sacrement, représentent d’autres finalités” (ES 5). Cela est également cohérent avec la manière dont le Concile de Trente traite du culte de l’Eucharistie en dehors de la Messe: l’Eucharistie a été instituée par le Christ… “ut sumatur” afin qu’elle soit reçue; et en second lieu, de façon juste et opportune, adorée dans le sacrement réservé (cf. Sessio XIII, Caput V).
Il est impossible de nier la valeur de l’exposition eucharistique ou d’autres pratiques eucharistiques populaires de l’Eglise latine. Simplement, je crois qu’il y aurait besoin d’apprécier de manière plus précise l’action de l’Eucharistie qui est, ainsi que l’affirme Sacrosanctum Concilium, “Attamen Liturgia est culmen ad quod actio Ecclesiae tendit et simul fons unde omnis eius virtus emanat” (SC 14).
En mettant davantage l’accent sur le moment de la célébration de l’Eucharistie, à la fois dans la Liturgie de la Parole et dans la Liturgie de l’Eucharistie, je crois que l’on pourrait également remédier à une autre faiblesse de ce document, à savoir l’absence d’une réelle attention aux moyens concrets d’améliorer ce que l’IL appelle l’ars celebrandi (52). Pour que le synode ait un effet concret sur la vie eucharistique des croyants, tous les moyens pratiques pour former et encourager les prêtres à mieux comprendre les Saintes Écritures, à préparer des homélies qui proclament véritablement la Bonne Nouvelle, et à cultiver un style de célébration qui soit efficace, doivent trouver une plus grande place dans la formation des séminaristes et dans les programmes de formation continue pour les prêtres et les diacres. Par exemple, combien de nos séminaires consacrent-ils du temps à la formation pratique à la prédication ou à la manière de présider la liturgie? En tant que Supérieur général, si j’examine la formation dans les séminaires de mes candidats à la prêtrise dans les 14 pays où ma communauté est présente, j’ai l’impression qu’il leur est offert trop peu d’aide pratique en matière d’homélitique et sur la manière de présider la liturgie. Indubitablement, certains facteurs, entre autres sociologiques, nuisent à la fréquentation de la Messe par les fidèles chrétiens. Mais plutôt que de blâmer nos fidèles catholiques de leur manque de foi et la sécularisation de la société pour expliquer le faible pourcentage de personnes assistant à la Messe dans de nombreux pays, il nous faut également prendre conscience avec tristesse que la mauvaise qualité des homélies ainsi que la faiblesse de la préparation et de la célébration des liturgies eucharistiques éloignent quelquefois de très bons chrétiens de l’Église.

[Texte original: anglais]

– S. Exc. Mgr. Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kisangani, Président de la Conférence Épiscopale (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)

Je parle au nom de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).
Mon intervention porte sur les effets spirituels et les implications sociales de l’Eucharistie (Instrumentum Laboris, n. 11 et 79).
Dans un pays comme le nôtre, la République démocratique du Congo, où depuis neuf ans, le peuple paupérisé vit les affres d’une guerre injuste et inutile, l’Eucharistie, toujours célébrée aussi bien dans une atmosphère de fête et de joie que dans un souci d’inculturation, constitue pour les fidèles:
– un foyer ardent de charité, où l’on apprend la valeur incomparable de la vie et le prix inestimable de l’amour de Celui qui aime tellement la vie, qu’il opte librement pour la mort, afin de donner la vie en abondance (cf. Jn 10,10);
– un lieu, où s’édifie continuellement l’Église-famille de Dieu, sacrement d’unité et de fraternité, de pardon, de réconciliation et de paix (cf. SCEAM, Lettre pastorale “Le Christ est notre Paix (Ep 2,14)”, Accra, 2001) ;
– une source intarissable de consolation, de réconfort et d’endurance dans les épreuves et les souffrances associées à la Croix et à la Résurrection du Christ (cf. 2 Tm 2,11-12a) ;
– une école d’humilité collective, où en tant que peuple, on expérimente le mystère pascal de purification à travers l’abaissement et l’humiliation, voie royale vers la résurrection et le relèvement tant spirituel que matériel.
Pour ce qui est de l’Eucharistie, la théologie enseigne que les effets spirituels de l’Eucharistie dans la vie des fidèles sont l’incorporation au Christ et la concorporation entre les membres de son corps, autrement dit la koinonia : “La coupe de bénédiction que nous bénissons,n’est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion
au corps du Christ? Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique” (1 Co 10, 16-17; cf. Ecclesia de Eucharistia, n. 22-24, Instr. Laboris n. 11). Telle est la grâce sacramentelle propre de l’Eucharistie.
Par ailleurs, dans la célébration eucharistique, nous disons: “Bénis sois-tu, Seigneur, Dieu de l’Univers, Toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail de l’homme” … “Toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail de l’homme”. (Offertoire). C’est dire que l’Eucharistie récapitule la richesse et la pauvreté du monde, pauvreté que souligne fortement la pauvreté des matières eucharistiques. L’Eucharistie “récapitule sous un seul Chef, le Christ (Ep 1, 10), l’humanité entière dans sa productivité et dans sa pauvreté, c’est-à-dire le monde des riches et celui des pauvres. Ainsi donc, la récapitulation (anakephalaiôsis) de l’économie du salut implique celle de l’humanité-famille dans sa vie quotidienne et sociale. C’est le salut intégral et la vraie libération en Christ, centre et sommet de l’Histoire, Alpha et Omega.
Voilà pourquoi l’Eucharistie quotidienne doit devenir pour les disciples du Christ en général une incitation pressante à bâtir un monde plus fraternel et uni, plus juste et solidaire. En particulier, tirant les conséquences de l’Eucharistie quotidienne, l’Eglise doit inviter les professionnels de l’économie et des finances ainsi que les décideurs géopolitiques chrétiens, à travailler sans relâche à l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial, dans lequel la solidarité et le partage doivent dépasser l’humanitaire, souvent lié à des intérêts politiques, pour devenir une dimension inhérente au système lui-même. Ainsi l’annulation fort appréciée de la dette extérieure des pays les plus pauvres, initiative des plus heureuses, appelle à son tour un examen plus approfondi de nouveaux mécanismes susceptibles d’éviter désormais à ces mêmes pays des endettements de même nature.

[Texte original: français]

[Traductions distribuées par le secrétariat général du synode des évêques]

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ZENIT Staff

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