Le cardinal Péter Erdö dévoile le visage de l’Eglise en Hongrie (I)

Entretien avec le nouveau président de la Conférence épiscopale hongroise

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ROME, Lundi 3 octobre 2005 (ZENIT.org) – A l’issue du mandat de président de Mgr Istvan Seregély, l’Assemblée ordinaire de la Conférence épiscopale hongroise s’est réunie du 6 au 8 septembre, et a élu son nouveau président, le cardinal Péter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest, primat de Hongrie.

A quelques jours de son élection le cardinal Erdö a répondu pour Zenit aux questions de Viktoria Somogyi. Dans cet entretien le cardinal décrit la situation actuelle de l’Eglise dans son pays et les différents défis auxquels elle est confrontée. Nous publions ici la première partie de cet entretien.

Q : Après les années difficiles du totalitarisme et le sacrifice silencieux de nombreux religieux et laïcs, l’Eglise catholique en Hongrie bénéficie d’une plus grande liberté d’expression et d’évangélisation. Quelles sont les difficultés actuelles et les espoirs pour l’avenir ?

Card. Erdö : Pour pouvoir affronter les difficultés actuelles il faut d’abord réfléchir un peu sur les années difficiles du totalitarisme. A la fin de l’époque socialiste les problèmes les plus graves ne venaient certainement pas d’une persécution ouverte et directe. Bien sûr il existait une certaine répression mais il y avait déjà à cette époque une « déformation » de la société et des mentalités : je pense surtout à ce que l’on a appelé le « communisme goulasch », célèbre durant les dernières années du régime de Janos Kadar. Il a eu pour effet une conversion, même excessive, des personnes à l’individualisme, avec une concentration de l’attention sur le bien-être personnel, quelques fois de manière futile, et l’habitude de raisonner à brève échéance sans penser à un « avenir plus grand », puisqu’il n’y avait plus de grands idéaux.

Cet égoïsme de petite bourgeoisie a beaucoup freiné l’enthousiasme et l’idéalisme de la société. Ce type de « transformation » ou de « déformation » est présent aujourd’hui encore dans la société. On ne se libère pas facilement d’un tel poids, comme des problèmes, par exemple, causés par les limitations juridiques. Dans notre société le nombre d’avortements est encore très élevé et la natalité est la plus basse de toute l’Europe. Nous perdons chaque année 40.000 habitants, ce qui est une perte importante, pour un pays de dix millions de personnes. Il manque donc une vision d’ensemble de l’avenir ; tous les types d’« idéaux » sont absents et c’est aussi la raison pour laquelle la sensibilité à la religion est assez faible.

C’est de ce contexte qu’a émergé notre « liberté institutionnelle », mais l’Etat, pour ce qui est de ses compétences, ne peut, en premier lieu, changer que les conditions institutionnelles. Il faudra peut-être attendre plusieurs décennies avant que ces changements sociaux n’entraînent un changement psychologique et moral : un changement de comportement dans la société. A la grande liberté, au grand changement, certes présents et importants, vient s’opposer le poids encore conséquent de la mentalité générale auquel s’ajoutent les problèmes typiques de l’Occident, caractérisés par un sécularisme profond. Le développement institutionnel a certes été spectaculaire au cours des quinze dernières années surtout en ce qui concerne les écoles, les maisons de retraites, les institutions sociales et de bienfaisances.

Q : Comment l’Eglise fait-elle pour maintenir vivante sa tradition philosophique et morale dans les institutions culturelles – écoles primaires et secondaires, universités, centres de formation – et dans les secteurs de la société plus sensibles à l’accueil et à l’écoute de l’enseignement religieux ?

Card. Erdö : La religion à l’école ne fait pas partie du cursus en Hongrie. Les leçons sont données à l’école mais avec une séparation très nette des autres matières. Cet enseignement touche entre 25 et 30 % des jeunes ; alors qu’en vérité, la présence à la messe du dimanche atteint 10 à 12% des catholiques. Il est clair que l’enseignement de la religion à l’école se trouve dans une « situation missionnaire ». Malheureusement les résultats ne sont pas encourageants : parmi les jeunes qui reçoivent cette éducation, très peu trouvent ensuite le chemin de l’Eglise, de la communauté paroissiale, de la messe du dimanche et des sacrements.

Nous devons donc voir comment améliorer cet enseignement, également au niveau humain, sans toutefois en oublier le contenu. Cette « dépression générale » ne caractérise pas seulement notre société mais l’Occident tout entier où l’absence de notions claires est évidente et où l’on ressent une « déliquescence culturelle » telle que même les croyants ne connaissent pas leur foi en profondeur.

Les jeunes adultes et les adolescents – je fais naturellement référence à ceux qui viennent à l’Eglise –, ont aussi souvent des « choses étranges » dans la tête. Il est donc important que l’enseignement de la religion possède des contenus clairs et puisse présenter toute la richesse de notre foi, pas seulement des points particuliers. L’on ne doit pas se contenter de transmettre les différents sentiments positifs d’humanité, de fraternité ou de religiosité de manière générale, mais il faut transmettre le contenu de la foi.

Q : Il y a en Hongrie une présence importante d’instituts religieux et séculiers ainsi que de congrégations engagées dans différents domaines pastoraux. De quels espaces bénéficient actuellement les nouveaux mouvements ecclésiaux et comment peut-on les approcher ?

Card. Erdö : Il existe – et il existait, naturellement – des mouvements de spiritualité provenant surtout de l’Occident, du monde latin, notamment de France, d’Italie et d’Espagne, relativement actifs. Ceux-ci n’ont toutefois pas le même succès que dans d’autres pays, comme les pays slaves autour de nous, peut-être parce que notre société est plus fatiguée, ou, parce que les gens hésitent plus à s’engager dans les mouvements. De nombreux jeunes ont peur de faire un choix de vie – le mariage au bon moment, un travail, une vocation sacerdotale ou religieuse – et ils ont également peur de l’engagement dans le cadre d’un mouvement. Les mouvements ont donc de nombreux sympathisants mais assez peu de personnes s’engagent vraiment.

Q : Au lendemain des joyeuses images des JMJ de Cologne, auxquelles ont pris part des milliers de jeunes du monde entier, quelle est la relation entre l’Eglise et les jeunes en Hongrie ? De quelle manière s’effectue leur approche de la pratique religieuse et de l’engagement ecclésial ?

Card. Erdö : J’ai déjà répondu en partie dans la question précédente, mais je pourrais ajouter qu’il existe bien sûr, dans chacun de nos diocèses, des sections spécialisées dans le travail avec les jeunes. Il ne s’agit pas d’un travail avant tout culturel mais pastoral : la catéchèse, la pastorale du mariage ou de la préparation au mariage ont un rôle très important. Il existe en outre des groupes de jeunes ainsi que des rencontres diocésaines, régionales et nationales. Je suis heureux de citer, par exemple, la rencontre de Nagymaros qui se distingue depuis des décennies dans le cadre hongrois. Il y a aussi les pèlerinages pour les jeunes qui commencent à devenir un peu à la « mode ».

Les écoles catholiques et, bien sûr, l’université catholique, offrent le cadre institutionnel adapté pour la rencontre et le dialogue avec les jeunes. Toutefois, là aussi, il est nécessaire de réfléchir plus en profondeur que ce que nous avons fait jusqu’à présent, pour accroître l’efficacité de ces rencontres. Combien, parmi nos étudiants, nos élèves trouvent le chemin de la vie religieuse ? Il y a b
ien sûr des chapelles où l’on célèbre la messe et où se déroulent des fonctions liturgiques et pastorales, dans les universités et les différentes écoles. Mais il n’est pas facile d’en mesurer l’efficacité.

Il faut être optimiste ! Nous devons rencontrer les familles des jeunes pour offrir un nouveau chemin à toute la famille. Il n’est pas facile de trouver les instruments adaptés mais l’on note un grand engagement. Au niveau de la conférence épiscopale, il y a un évêque responsable du travail avec les jeunes et des équipes bien formées à l’organisation de ce type de travail, qui se sont fortement engagées pour les JMJ de Cologne. Ceux qui sont rentrés de Cologne sont remplis d’enthousiasme malgré les difficultés et le manque de confort auxquels ils ont été confrontés. Tous ont été impressionnés par les catéchèses auxquelles ils ont assisté, par la rencontre avec le Saint-Père, la liturgie et également par la cordialité personnelle des Allemands. L’ouverture des croyants d’Allemagne à été une surprise pour nos jeunes.

[Fin de la première partie]

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ZENIT Staff

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