L'incroyance dans le monde, par le cardinal Poupard

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Entretien avec le président du Conseil pontifical de la culture

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CITE DU VATICAN, dimanche 25 juillet 2004 (ZENIT.org) – « L’incroyance a cessé d’être un phénomène limité à quelques personnes pour devenir un phénomène de masse », constate le « ministre » de la culture du pape Jean-Paul II. Les trois pays où l’on trouve le plus de non-croyants sont la France, la Belgique, les Pays-Bas, constate-t-il.

Dans un entretien accordé à Zenit, Le cardinal Poupard dessine la carte de l’incroyance dans le monde. C’était le thème de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical de la Culture qui a eu lieu du 11 au 13 mars.

« Beaucoup parlent d’un retour du sacré sans préciser que cela est plutôt l’émergence d’une nouvelle religiosité faible, explique le cardinal, sans une référence à un Dieu personnel, une chose plus émotive que doctrinale. Nous assistons à la « dépersonalisation » de Dieu. Il y a des personnes qui se disent chrétiennes mais elles n’adhèrent pas au message transmis par l’Eglise catholique ».

« Cette nouvelle religiosité ne coïncide pas avec un retour à la foi et constitue un vrai défi au christianisme », estime le cardinal Poupard.

L’athéisme militant diminue dans le monde, explique le cardinal, mais il y a un phénomène de non croyance pratique qui se développe dans nos milieux culturels imprégnés de sécularisation.

Une forme culturelle que j’appellerais néo-paganisme dans laquelle la religion consiste à idolâtrer les biens matériels, un vague sentiment religieux plutôt panthéiste, qui s’accorde bien avec les théories cosmologiques de type New Age.

Il faut de toute évidence analyser ce phénomène qui est typique des cultures sécularisées de l’Occident.

Quels sont les résultats de votre étude ?

Card. Poupard : Les situations varient selon les pays et les continents. En Afrique, l’incroyance touche les populations d’origine européenne et a une influence dans les grandes villes. Dans un pays comme l’Afrique du sud, il y a plus de 6.000 Eglises différentes. Il est difficile de parler de non croyance.

En Amérique du Nord, aux Etats-Unis, il y a 1% de personnes qui se déclarent athées. Il y a 15% de « sans Eglise ». La plupart des Américains prient. Seul 1% déclare ne jamais prier.

En Amérique Latine, Cuba est le seul pays où un régime officiellement athée est encore au pouvoir. Le fait qu’après 30 ans d’éducation athée, 86% des Cubains se considèrent croyants, même si le taux des pratiquants n’est que de 15%, est significatif.

Un autre cas singulier : celui du Mexique qui a été gouverné pendant 70 ans par un régime contrôlé par des groupes francs-maçons anticléricaux. Et pourtant 90% des Mexicains sont catholiques et 100% d’entre eux ont une dévotion à la Vierge de Guadalupe. Cela montre la profondeur des racines de la religiosité populaire. En Amérique centrale la piété populaire résiste aux sirènes du modèle sécularisé.

Au Brésil, pays possédant le plus grand nombre de catholiques au monde, il y a un déplacement des croyants de l’Eglise catholique vers d’autres groupes chrétiens. Dans les années 50, 93,5% de la population était catholique. Aujourd’hui, 73,8%. Au cours de cette période, les chrétiens non catholiques sont passés de 0,5 à 15%.

En Argentine, 4% de la population se déclare athée et 12% agnostique.

En Asie, la situation est très différente: comme le disait un évêque asiatique, « il n’y a pas de phénomène de non croyance parce qu’il n’y a aucune croyance ».

Au Japon par exemple il y a un vrai supermarché des religions. Si on totalise les shintoïstes, les taoïstes, les bouddhistes et les chrétiens on arrive à 125% car beaucoup affirment appartenir à plusieurs religions.

Aux Philippines, le seul pays d’Asie possédant une très grande majorité de chrétiens, 82,9% sont catholiques, 4,57% musulmans. Seul 0,3% laissent la case religion sans réponse.

La Corée est un pays intéressant, avec le plus grand nombre de conversions au catholicisme.

Mais où observe-t-on le phénomène massif de non croyance ?

Card. Poupard : Les notes douloureuses arrivent d’Europe avec des différences importantes entre les régions de la Méditerranée, le centre, et le nord de l’Europe. En Italie, 4% se déclarent athées, 14% indifférents, la plupart croyants même s’ils participent à la vie de l’Eglise de façon irrégulière.

En Espagne, un processus de pulvérisation culturelle et religieuse soutenu par les gouvernements de culture socialiste, est en cours.

C’est en Europe centrale que l’on trouve les trois pays ayant le plus grand nombre d’habitants se déclarant sans religion: la Belgique avec 37%, la France avec 43% et les Pays-Bas avec 54%.

La France reste l’un des pays ayant le plus grand nombre de personnes qui se déclarent athées: 14%. Je suis tenté ici de faire le lien avec la fin de l’empire romain.

Au Royaume Uni, 77% se déclarent chrétiens, les anglicans étant majoritaires mais si l’on considère les pratiquants, les catholiques sont plus nombreux.

En Grande-Bretagne 14% prétendent n’avoir aucune religion.

Dans les pays scandinaves, en Islande, au Danemark, en Suède, en Norvège, les catholiques sont une minorité mais celle-ci grandit avec l’arrivée des immigrés des Philippines et de Corée.

Au Danemark, 11% se déclarent sans religion, 11,6 en Norvège, 12,7 en Finlande. Dans ces pays il y a d’une part la sécularisation et de l’autre un culte de la nature ayant des motivations païennes dans lesquelles la nature est sacrée.

En Allemagne, il faut distinguer entre l’est et l’ouest. Dans l’ancienne République de l’est, 60% se déclarent sans religion. A l’ouest, seulement 15%, surtout dans les grandes villes.

En Pologne il y a très peu de non-croyants mais le matérialisme de la société de consommation est en train de remplacer le matérialisme marxiste et cela est la plus grande préoccupation.

En Hongrie, sur 10 millions d’habitants 887 personnes se déclarent athées mais la plupart vivent la religion à leur manière. En République tchèque, la moitié de la population se déclare athée ou sans religion (Bohême) mais la Slovaquie est catholique.

Dans les pays à majorité musulmane il n’y a pas de statistiques fiables car même si quelqu’un est non-croyant, il ne peut pas le dire. Tous les chiffres sont donc faux.

Quelle est la conclusion de cette étude ?

Card. Poupard : L’athéisme militant diminue mais l’appartenance active aussi. La non croyance n’augmente pas dans le monde, sauf dans les pays ayant un modèle culturel sécularisé.

L’indifférence religieuse sous forme d’athéisme pratique grandit. Du point de vue pastoral, ce qui inquiète le plus c’est que l’athéisme et la non croyance se développent aussi parmi les femmes. Pendant des millénaires la foi a été transmise en famille par la mère mais maintenant il y a une fracture. Et puis, fait nouveau, l’homme indifférent apparaît. On peut croire sans appartenir et appartenir sans pratiquer.

Ceux qui disent être religieux mais ne fréquentent pas l’Eglise et croient à toute une série de pratiques à la limite de la magie, augmentent.

Y a-t-il des signes d’espérance dans l’Eglise catholique ?

Card. Poupard : Absolument. Je pense surtout aux nouveaux mouvements religieux comme le chemin Néo-catéchuménal, les Focolari, Communion et Libération, le Renouveau charismatique, etc. Depuis un quart de siècle nous les voyons grandir en nombre et se répandre dans le monde. Il sont dans le monde entier et ont grandi également en intensité et en profondeur spirituelle.

Il s’agit d’une réaction de vie suscitée par l’Esprit Saint pour contrecarrer la culture sécularisée. A un moment où il semble y avoir une dissolution, ils font preuve d’un fort sens du groupe et
de l’appartenance, et témoignent d’une religiosité forte enracinée dans la rencontre ecclésiale et personnelle avec le Christ : dans les sacrements de la foi comme dans la prière, dans la liturgie, dans la célébration des messes qui deviennent participation au mystère du Dieu vivant.

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ZENIT Staff

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