Cette nouvelle et dernière étape nous conduit à Rome et à Jérusalem avec la famille spirituelle de l’Assomption.
De Lourdes, à Rome et Jérusalem
Lourdes n’est qu’une première étape dans l’expansion de l’aire géographique de l’Assomption. Le contact des foules, le cosmopolitisme des pèlerinages, l’expérience de la presse apprennent à voir large et loin. Certes l’Assomption a défait l’essai et l’épreuve de fondations missionnaires lointaines. En 1860, le P. d’Alzon a déjà autorisé quelques religieux à rejoindre Mgr James Quinn, premier évêque de Brisbane en Australie, mais l’expérience n’est guère concluante. En 1862, sur un désir du pape Pie IX, le fondateur a envoyé le P. Galabert ouvrir en Bulgarie un premier poste dans cet Orient orthodoxe qui le fascine et dont il souhaite le retour à l’unité catholique.
Depuis sa jeunesse, le P. d’Alzon s’est habitué à regarder vers Rome, centre universel de l’Église catholique, où il s’est formé pendant la crise mennaisienne. Le contexte politique, après 1870, n’est guère favorable à de grandes manifestations publiques de pèlerinages, mais Rome reste bien pour le P. d’Alzon et ses fils l’horizon aimé qui oriente le regard des catholiques ultramontains concentre le regard des catholiques sur la couleur blanche ou se confondent symboliquement en images superposées la soutane du pape, l’hostie du sacrifice eucharistique et le voile de la Vierge ? La tradition des pèlerinages français à Rome va reprendre, après la parenthèse des années 1870, pour fortifier l’amour filial des fidèles envers l’auguste ‘prisonnier’ du Vatican, assurer le Saint-Père des sentiments de communion de la ‘fille aînée de l’Église’ qui a traversé, elle aussi, l’épreuve de la défaite et de la désunion civile, et qui se retrouve, sous la République triomphante, en situation d’étrangère sur son propre sol.
Le même esprit de ‘reconquête’ chrétienne et de ‘témérité apostolique’ anime le lancement de pèlerinages de pénitence à Jérusalem. Dès 1882, le P. Picard et le P. Bailly, reprenant une suggestion de l’abbé Tardif de Moidrey, un passionné de la Bible, hôte au couvent rue François 1er à Paris après 1870, improvisent un premier jusqu’aux côtes de la Galilée et de la Judée. Le pèlerinage, conduit dans l’inconfort et un esprit pionnier d’aventure, prend des allures d’épopée ‘croisés’ enquête d’une véritable patrie que l’Occident, en processus de sécularisation, leur refuse. Ces derniers se présentent comme une croisade pacifique pour conquérir Jérusalem le chapelet à la main, face à l’invasion des lieux saints par les schismatiques grecs et russes. Archéologie, religion et politique se conjuguent sur cette terre, alors ottomane, où percent les rivalités confessionnelles et nationales de toute l’Europe.
La République française, volontiers anticléricale au niveau de sa politique intérieure dans l’hexagone, ne craint pas de prêter main-forte aux religieux nationaux qui cherchent à s’y implanter et à y faire reconnaître les droits historiques de la puissance catholique protectrice des Latins. L’Assomption obtient ainsi droit de cité. Dès 1884, les pèlerins sont sollicités pour participer aux frais de construction d’une hôtellerie française à Jérusalem, en face de la Porte Neuve, sous la direction du comte de Piellat, fondateur de l’hôpital français Saint-Louis. Le couvent peut-être ouvert en 1887, premier bâtiment de Jérusalem à posséder l’électricité. Le supérieur des lieux, baptisés Notre-Dame de France, n’est autre que le P. Joseph Germer Durand, chargé d’établir une maison d’études pour les jeunes religieux envoyés suivre des cours à la jeune École biblique des dominicains, toute proche. En 1890, un traité reconnaît la propriété de la maison au P. Vincent de Paul Bailly, transférée en 1907 à la Congrégation. L’essor des pèlerinages de pénitence à Jérusalem se poursuit d’année jusqu’en 1914, encouragés par les gouvernements français, recevant une impulsion vigoureuse à la suite du succès en 1893 à Jérusalem du VIIIème Congrès eucharistique international dont les Assomptionnistes et les Pères Blancs ont été les principaux initiateurs. Comme pour Lourdes, la guerre 1914-1918 marque une interruption, pour reprendre, mais plus modestement, ensuite.
Avec Rome et la Terre Sainte, Lourdes demeure bien l’une de leurs destinations principales, privilégiées et de référence. Comme leur fondateur et ses héritiers, les PP. Picard et Bailly, ils affirment que les pèlerinages sont un moyen toujours adéquat pour répondre à leur devise : ‘Que ton Règne vienne’. Les conditions de transport et de logement ont changé, les thèmes d’accompagnement et de réflexion n’ont plus le même accent, mais la dynamique profonde d’un pèlerinage reste identique, ses composantes essentielles invariables : démarche de conversion personnelle et collective, manifestation de foi et de charité, moment fort d’évangélisation, lieu d’ouverture à un moment plus fraternel et plus international, célébration festive de la foi, attention à tous les blessés de la vie et particulièrement aux malades.
Lourdes an 2004, cathédrale d’un peuple en prière, répond à l’appel du pape Jean Paul II qui souhaite mettre en marche les chrétiens, ses contemporains, sur les pas du Rédempteur. Les deux bras de son esplanade, comme la place de Saint-Pierre à Rome, figurent le monde aimé et sauvé qui y est accueilli dans l’unité de sa foi célébrée publiquement. L’Assomptionniste se sait de la condition commune du chrétien, cet homo en quête d’une terre plus fraternelle et plus solidaire, mais en quête aussi d’un au-delà de cette terre. Sa responsabilité propre, par égard à ses racines et à sa mission, est de continuer à guider sur les routes de la terre ses frères en chemin, appelés à partager le même pain de la Parole et de l’Eucharistie. A Lourdes, à Rome, à Jérusalem.
(Fin)