De passage à Hongkong, le P. Dionisy Pozdnyaev, prêtre orthodoxe russe du Service des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a qualifié la situation de l’Eglise orthodoxe en Chine de « très mauvaise ». Bien qu’il existe quatre églises orthodoxes dans le pays, a-t-il souligné, il n’y a aucun prêtre orthodoxe actuellement en Chine et certaines communautés de fidèles ne disposent pas de lieux de culte. Il a cependant précisé que des pourparlers étaient menés « depuis quelques années » entre Pékin et le patriarcat de Moscou (1) et que l’Eglise orthodoxe russe « espérait qu’ils pourraient aboutir avant les Jeux olympiques de Pékin, en 2008 ».
Le patriarcat de Moscou, a encore ajouté le prêtre orthodoxe, souhaite que le gouvernement chinois reconnaisse l’Eglise orthodoxe au même titre que les cinq religions disposant d’une reconnaissance officielle (bouddhisme, catholicisme, protestantisme, taoïsme et islam). Selon lui, cette étape est nécessaire afin « en premier lieu de recréer la hiérarchie de l’Eglise, qui a été totalement anéantie en 1966 », lors de la Révolution culturelle. L’Eglise orthodoxe russe espère que le gouvernement chinois permettra au patriarcat de Moscou d’apporter « tout type de soutien » aux orthodoxes en Chine « pour la formation de l’Eglise, les programmes sociaux et la publication de livres d’Eglise ».
A l’heure actuelle, les contacts entre Pékin et le patriarcat de Moscou n’ont pas permis d’aborder la question de la reconnaissance de la religion orthodoxe en Chine, mais le P. Pozdnyaev considère comme un signe positif le fait qu’il a été autorisé au mois de décembre dernier à venir célébrer à Pékin les obsèques de l’archiprêtre Alexandre Du Lifu. Ce dernier, mort le 16 décembre 2003 à l’âge de 80 ans, était le dernier prêtre orthodoxe vivant de Chine continentale ; ses obsèques ont eu lieu à la cathédrale catholique de l’Immaculée Conception (église de Nantang), la capitale chinoise ne comptant plus de lieu de culte orthodoxe, si l’on excepte une chapelle dans l’enceinte de l’ambassade de Russie, construite là où avait été établie en 1713 la première Mission orthodoxe (2).
Selon le P. Pozdnyaev, il existe aujourd’hui environ 13 000 fidèles orthodoxes en Chine, qui, souvent, comptent une ascendance russe dans leur famille. Ils se réunissent dans cinq lieux de culte : la paroisse du Voile protecteur de la Mère de Dieu à Harbin, dans le Heilongjiang (paroisse desservie par le P. Grégoire Zhu Shipu jusqu’à sa mort en septembre 2000, le P. Zhu étant l’unique autre prêtre orthodoxe, avec le P. Du, de Chine continentale) ; une paroisse à Labdarin (Ergun Youqi), en Mongolie intérieure, et trois paroisses dans le Xinjiang (à Chuguchak (Tacheng), à Kulj et à Urumchi).
A ce jour, le gouvernement chinois reconnaît seulement l’Eglise orthodoxe dans les régions autonomes du Xinjiang et de Mongolie intérieure où elle est désignée sous le vocable d’ »Eglise orthodoxe chinoise ». L’Eglise orthodoxe en Chine fait remonter son existence au XVIIe siècle, lorsque des missionnaires russes ont commencé à circuler à travers toute la Chine. En 1713, une Mission orthodoxe a été établie à Pékin, sur le site qui est devenu plus tard celui de l’ambassade russe en Chine. En 1900, lors de la révolte des Boxers, les églises orthodoxes ont été attaquées au même titre que les églises catholiques et protestantes (3). Un exarchat oriental a été fondé en 1946 avec deux diocèses, l’un à Pékin et l’autre à Harbin. Mais la politique antireligieuse du régime maoïste a forcé le patriarcat de Moscou à rompre les relations avec les orthodoxes chinois en 1957. La Révolution culturelle fut ensuite responsable de la mort ou de la disparition de la plupart des prêtres orthodoxes autonomes chinois et les réformes entreprises par Deng Xiaoping n’ont pas permis une renaissance de l’Eglise orthodoxe comparable à la renaissance des autres Eglises chrétiennes. Dans les années 1990, à Shanghai, une église orthodoxe avait été « reconvertie » en bourse des valeurs.
(1) Voir EDA 232, 319
(2) Voir EDA 388
(3) En août 2000, le patriarcat de Moscou a canonisé 222 orthodoxes martyrisés en Chine, dont une partie avait trouvé la mort lors de la révolte des Boxers. L’événement passa relativement inaperçu (voir EDA 319), comparativement à la canonisation le 1er octobre 2000 de 120 martyrs de l’Eglise catholique qui souleva l’ire des autorités chinoises.
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