Les valeurs qui constituent le patrimoine le plus précieux de l'Europe

CITE DU VATICAN, Vendredi 14 novembre 2003 (ZENIT.org) – Lors de la rencontre promue par la Fondation Robert Schuman pour la coopération des démocrates chrétiens d’Europe, le pape Jean-Paul II a rappelé que « le christianisme est la force qui a promu, concilié et consolidé les valeurs qui constituent le patrimoine le plus précieux de l’Europe ».

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« Le futur Traité constitutionnel doit donc faire explicitement référence aux racines chrétiennes du continent », insistait le pape.

Dans la matinée du vendredi 7 novembre 2003, le Pape Jean-Paul II a reçu en audience, dans la Salle Clémentine, les participants à la rencontre organisée par la Fondation Robert Schuman pour la coopération des démocrates chrétiens d’Europe. Après l’adresse d’hommage du Président de la Fondation, M. Jacques Santer, le Saint-Père a prononcé le discours suivant, dans la traduction de L’Osservatore Romano en langue française du 11 novembre:

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

1. Je suis heureux de vous accueillir à l’occasion de ce Séminaire organisé par la Fondation Robert Schuman. Je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue et j’exprime ma gratitude particulière à M. Jacques Santer, qui a traduit vos sentiments de respect et d’estime.
En tant que chrétiens engagés dans la vie publique, vous vous êtes réunis pour réfléchir aux perspectives qui s’ouvrent à l’heure actuelle pour l’Europe. La « nouvelle » Europe en train de se construire souhaite à juste titre devenir un « édifice » solide et harmonieux.

Cela signifie qu’il faut trouver un juste équilibre entre le rôle de l’Union et celui des Etats-membres, ainsi qu’entre les défis inévitables que pose la mondialisation au continent et le respect de ses particularités historiques et culturelles, les identités nationales et religieuses de ses peuples, et les contributions spécifiques que peut apporter chacun des pays membres. Cela implique également de construire un « édifice » qui soit accueillant à l’égard des autres pays, à commencer par ses plus proches voisins, et une « maison » ouverte à des formes de coopération qui ne soient pas seulement économiques, mais aussi sociales et culturelles.

2. Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire que l’Europe reconnaisse et préserve son patrimoine le plus précieux, constitué par ces valeurs qui lui ont garanti, et continuent de le faire, une influence providentielle dans l’histoire de la civilisation. Ces valeurs concernent avant tout la dignité de la personne humaine, le caractère sacré de la vie humaine, le rôle central de la famille fondée sur le mariage, la solidarité, le principe de subsidiarité, l’autorité de la loi et une solide démocratie.

Diverses racines culturelles ont servi à affermir ces valeurs, mais il est indéniable que le christianisme a été la force qui a permis de les promouvoir, de les concilier et de les consolider. C’est pourquoi il paraît logique que le futur Traité constitutionnel européen, qui vise à parvenir à « l’unité dans la diversité » (cf. Préambule, 5), devrait faire explicitement mention des racines chrétiennes du continent. Une société qui oublie son passé s’expose au risque de ne pas être capable d’affronter le présent et – pire encore – de devenir la victime de son avenir!

A cet égard, je suis heureux de constater que beaucoup d’entre vous proviennent de pays qui se préparent à entrer dans l’Union, des pays où le christianisme a souvent accompagné de manière décisive la marche vers la liberté. De ce point de vue, vous pouvez également facilement percevoir combien il serait injuste que l’Europe d’aujourd’hui occulte la contribution décisive apportée par les chrétiens à la chute des régimes d’oppressions de toute nature et à l’édification de la démocratie authentique.

3. Dans ma récente Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, je ne pouvais manquer de souligner, avec douleur, combien ce continent semble tragiquement souffrir d’une profonde crise de valeurs (cf. n. 108), qui a récemment conduit à une crise d’identité.

Je souligne ici avec plaisir tout ce qui, de ce point de vue, peut être fait à travers une participation responsable et généreuse à la vie « politique » et par conséquent à travers les différentes activités économiques, sociales et culturelles, qui peuvent être accomplies pour la promotion du bien commun d’un point de vue organique et à l’échelle institutionnelle. Vous connaissez les paroles de mon vénéré Prédécesseur Paul VI sur ce sujet: « La politique est une manière exigeante […] de vivre l’engagement chrétien au service des autres » (Octogesima adveniens, n. 46; cf. ORLF n. 21 du 21 mai 1971).

Les critiques qui sont souvent faites à l’activité politique ne justifient pas une attitude de scepticisme désengagé de la part des catholiques, qui ont au contraire le devoir d’assumer leurs responsabilités au service du bien-être de la société. Il n’est pas suffisant de demander la construction d’une société juste et fraternelle. Il faut également oeuvrer de manière engagée et compétente au service de la promotion des valeurs humaines éternelles dans la vie publique, conformément aux justes méthodes propres à l’activité politique.

4. Le chrétien doit également s’assurer que le « sel » de son engagement chrétien ne perde pas de sa « saveur » et que la « lumière » de ses idéaux évangéliques ne soit pas occultée par le pragmatisme, ou pire, l’utilitarisme. C’est pourquoi, il a besoin d’approfondir sa connaissance de la doctrine sociale chrétienne, en cherchant à assimiler ses principes et à l’appliquer avec sagesse là où cela est nécessaire.

Cela suppose une formation spirituelle sérieuse, alimentée par la prière. Une personne qui serait superficielle, spirituellement peu sensible, voire indifférente, ou excessivement préoccupée par le succès et la popularité, ne pourra jamais exercer de manière adéquate sa responsabilité politique.

Votre Fondation peut trouver chez celui qui lui a donné son nom, Robert Schuman, un modèle important auquel s’inspirer. Sa vie politique fut entièrement consacrée au service des valeurs fondamentales de la liberté et de la solidarité, pleinement comprises à la lumière de l’Evangile.

5. Chers amis, en ces jours au cours desquels vous réfléchissez sur l’Europe, il est naturel de rappeler que parmi les principaux promoteurs de la réunification de ce continent, on trouve des hommes inspirés par une profonde foi chrétienne comme Adenauer, De Gasperi et Schuman. Comment pouvons-nous, par exemple, sous-évaluer le fait qu’en 1951, avant d’entreprendre les négociations délicates qui devaient conduire à l’adoption du Traité de Paris, ils aient souhaité se rencontrer dans un monastère bénédictin sur le Rhin pour méditer et prier?

Vous avez vous aussi la responsabilité non seulement de sauvegarder et de défendre, mais également de développer et de renforcer l’héritage spirituel et politique légué par ces grandes figures. Tout en formant ce voeu, je vous donne cordialement, ainsi qu’à vos familles, ma Bénédiction apostolique.

(©L’Osservatore Romano – 11 novembre 2003)

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ZENIT Staff

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