"Le relativisme peut pénétrer dans la théologie catholique"

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Entretien avec Mgr Giuseppe Lorizio, dix ans après la publication de « Veritatis splendor »

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ROME, lundi 10 novembre 2003 (ZENIT.org) – Il y a dix ans le pape Jean-Paul II publiait l’encyclique « Veritatis splendor » pour « montrer comment la splendeur de la Vérité doit atteindre les fibres mêmes de l’action morale de l’homme et la pénétrer », déclare Mgr Giuseppe Lorizio, prêtre du diocèse de Rome et professeur de théologie à l’Université Pontificale du Latran, dans un entretien accordé à Zenit.

Mgr Lorizio (1953), qui est également Président de l’Institut Supérieur des Sciences Religieuses « Ecclesia Mater » de l’Université du Latran, définit l’encyclique comme un document ayant un « fort caractère de proposition ».

L’encyclique « Veritatis splendor » est consacrée comme le précise l’évêque de Rome lui-même dans son introduction aux « questions concernant les fondements mêmes de la théologie morale ».

Zenit : « Veritatis splendor » est une expression qui fascinait Karol Wojtyla. Pourquoi pensez-vous que Jean-Paul II ait choisi ce titre ?

Mgr Lorizio : Je ne crois pas qu’il faille chercher la raison de ce choix de manière polémique et critique dans l’opposition au relativisme moral. Comme l’indique le titre lui-même, je crois que c’est avant tout une encyclique avec un fort caractère de proposition, c’est-à-dire qu’elle cherche à montrer comment la splendeur de la Vérité doit atteindre les fibres mêmes de l’action morale de l’homme et la pénétrer. Les thèmes du bon et du beau se situent dans cet horizon de vérité et de réalisme, dans un horizon de vérité qui se donne et qui resplendit dans la création et dans l’homme. Il s’agit d’une vision prismatique très intéressante, fascinée par la culture et par le christianisme d’aujourd’hui.

Zenit : Peut-on selon vous comprendre l’encyclique « Evangelium Vitae » consacrée à la « valeur et (au) caractère inviolable de la vie humaine » publiée deux ans plus tard, sans la « Veritatis splendor » ?

Mgr Lorizio : Absolument pas. Dans le domaine de l’enseignement moral, on peut dire que « Veritatis splendor » constitue un important document de théologie morale fondamentale, et que « Evangelium Vitae » se situe dans un contexte de morale spéciale, c’est-à-dire de morale appliquée à des problèmes spécifiques, mais qui de toute manière interpellent les fondements de la foi et de l’action du croyant.

En ce sens, et dans la continuité de la première réponse, on peut dire que les options de l’Eglise pour la vie, qui proviennent de sa fidélité à la Parole de Dieu, dont l’Eglise elle-même n’est pas propriétaire mais de laquelle elle est au service, sont fondamentalement des options positives. C’est dans ce contexte que se situent les « non » que le Magistère est appelé à exprimer. Ces « non » sont basés sur un « si » radical et fondamental à la vie et à l’Evangile.

Zenit : Que propose « Veritatis splendor » dans une culture relativiste et sceptique ?

Mgr Lorizio : Elle propose une vision objective de la vérité et de la morale : c’est le coeur de la tradition ecclésiale. Une subjectivité incapable d’accueillir la vérité objective s’expose à des dérives qui finissent par détruire l’homme lui-même et ce qu’il a de plus spécifique et particulier.

Je dirais qu’elle propose une orientation, celle de « Fides et Ratio » au numéro 15, dans laquelle la Révélation chrétienne est présentée de façon claire, à travers la belle image de l’étoile.

Je crois que le contexte de désorientation qui caractérise la culture et l’histoire d’aujourd’hui a besoin d’un message capable d’orienter l’homme sur son chemin et dans ses comportements.

Zenit : On dit que la grâce et la morale sont étroitement liées. Qu’est-ce que cela signifie ?

Mgr Lorizio : Cela signifie que la raison et la volonté humaine sont de fait, fragiles. Non seulement parce qu’elles sont créées et par conséquent limitées mais aussi parce qu’elles sont habitées par le péché et blessées par ce péché. La grâce vient au secours de la volonté et de la raison, en leur donnant le pouvoir et en les ouvrant pour mettre en œuvre la morale authentique. La grâce ne détruit pas la nature. Elle la perfectionne et assure sa rédemption.

Zenit : Le relativisme est-il entré dans l’Eglise ? Si oui, quels ont été les fruits de l’encyclique ?

Mgr Lorizio : Le risque est peut-être plus que la mentalité relativiste pénètre dans la théologie catholique que dans l’Eglise. Les indications du deuxième chapitre de l’encyclique qui précisent que le théologien catholique est appelé à accueillir les enseignements du Magistère et que s’il souhaite continuer à être un théologien catholique, il ne peut pas les reléguer parmi d’autres opinions plus ou moins plausibles, sont en ce sens, opportunes et précieuses.

La recherche se poursuit et elle est souhaitable mais elle doit trouver des voies pour avancer et parvenir à ses véritables objectifs.

Zenit : Comment peut-on matérialiser les contenus de l’encyclique « Veritatis splendor » dans la nouvelle évangélisation ?

Mgr Lorizio : On peut concrétiser le message de « Veritatis splendor » pour la nouvelle évangélisation en se basant sur l’horizon positif que présente l’encyclique. Je pense en particulier au premier chapitre, d’inspiration biblico-évangélique avec le recours à l’épisode du jeune homme riche et sa question : « Que dois-je faire ? » C’est une question à laquelle la nouvelle évangélisation doit répondre pour orienter les personnes et les groupes afin que le message évangélique ne soit perçu ni comme une clé idéologique ni comme une clé utopique, mais comme une authentique référence pour la quête du bien, du beau et du vrai que nourrit le cœur de l’être humain.

Zenit : L’encyclique « Veritatis splendor » dit-elle des choses « acceptables » pour un non-croyant ?

Mgr Lorizio : Le message de la vérité et du bien n’est pas le monopole des croyants : il remonte à la nature humaine. Les croyants et les non-croyants peuvent travailler ensemble dans ce sens et sur cette voie pour découvrir une éthique fondée de manière anthropologique c’est-à-dire sur une vision de l’homme qui montre son identité authentique, sa vraie origine et sa vraie finalité. L’homme et sa nature sont en jeu.

A une époque où les tendances post-humanistes abondent, nous croyons qu’il est intéressant pour les non-croyants de refonder leur morale de manière anthropologique. L’Eglise propose d’être la compagne de voyage de tous ceux qui cherchent le vrai, le beau et le bien d’un cœur sincère.

Mgr Giuseppe Lorizio a créé une page web personnelle avec ses articles, ses conférences et des documents de référence pour la théologie et la philosophie : www.lorizio.net.

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ZENIT Staff

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