La Slovaquie « Au coeur de l'Europe », réflexions du card. Tomko

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A propos du 102e voyage apostolique de Jean-Paul II

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CITE DU VATICAN, Mercredi 17 septembre 2003 (ZENIT.org) – Voici une réflexion sur le 102e voyage apostolique de Jean-Paul II en Slovaquie par le cardinal Toomko, publiée par L’Osservatore Romano en langue française du 16 février (cf. http://www.vatican.va).
« Au coeur de l’Europe »
L’évangélisation de la culture est un programme urgent pour l’Eglise en Slovaquie
Jozef Card. TOMKO

Le 102 voyage apostolique a conduit Jean-Paul II dans un petit pays situé au coeur de l’Europe: la Slovaquie s’étend sur à peine 49.034 km et sa population s’élève à 5.400.000 habitants.

Délimitée à l’ouest et au nord par la chaîne des Carpates, qui, dans la partie qui touche la Pologne, forment le massif majestueux des Monts Tatras, le paysage descend à travers collines et vallées vers les plaines du sud, dont la frontière est en en partie constituée par le « Danube bleu ». Les forêts profondes, les quelques grandes villes, les villages tranquilles donnent le sentiment d’une paix et d’une beauté encore peu touchées par le tourisme international.

En dépit de quarante ans de persécution religieuse et d’endoctrinement athée, 74% de la population se déclare catholique (4% de rite byzantin), avec 12% environ d’autres chrétiens (orthodoxes, luthériens, et calvinistes). L’Eglise catholique est aujourd’hui organisée en huit diocèses et deux Provinces ecclésiastiques (Bratislava-Trnava et Kosice), avec dix-sept Evêques et deux Evêques émérites.

Jean-Paul II a déjà visité deux fois la Slovaquie. La première fois, le 22 avril 1990 (Bratislava). La deuxième fois du 30 juin au 3 juillet 1995 (Sastín, Nitra, Kosice, Presov, Levoca, Monts Tatras). Cette fois, il complète son pèlerinage par une brève halte à Trnava et dans les deux diocèses qu’il n’a encore jamais visités: Banská Bystrica et Roznava.

Le pèlerin apostolique connaît bien, et cela ne date pas d’aujourd’hui, la réalité et l’histoire du pays de ses « voisins » méridionaux. Après les premières tentatives d’évangélisation de la part des missionnaires occidentaux – dont demeure la mémoire de la consécration de la première église à Nitra en 829 – les saints Cyrille et Méthode connurent un grand succès à travers leur oeuvre de christianisation bien inculturée.

Le pays

En l’an 880 fut fondé le diocèse de Nitra, le premier de toute l’Europe centrale. Après l’invasion des magyars, la Slovaquie est demeurée jusqu’en 1918 sous leur domination. Après la première Guerre mondiale, les Slovaques formèrent un Etat commun avec les Tchèques, avec un gouvernement centralisé à Prague en dépit des tendances fédératives.
En 1939, Hitler occupa la Bohême et la Moravie, tandis que la Slovaquie se déclara indépendante, demeurant toutefois sous la sphère d’influence de l’Allemagne. Après la Deuxième Guerre mondiale, les Accords de Yalta remirent la Tchécoslovaquie, alors restaurée, au « bloc soviétique ».

Lors du coup d’Etat de février 1948, les communistes prirent le pouvoir et commencèrent à persécuter l’Eglise et à mettre en oeuvre une « athéisation » programmée de l’éducation, de la culture et de la société. La Slovaquie en fut la principale victime. Les quarante ans de régime – interrompus uniquement par une brève ouverture lors du « socialisme à visage humain » du Slovaque Alexander Dubcek en 1968 – ont profondément blessé une ou peut-être deux générations, mais n’ont pas déraciné la foi des Slovaques.

Le long régime communiste a laissé de profondes traces dans le système économique et social du pays, mais encore plus dans la culture de la génération qui exerce aujourd’hui son influence dans les diverses activités de la société. De grandes difficultés économiques sont apparues suite à la difficile restructuration de l’industrie lourde et de l’agriculture, à la privatisation parfois sans discernement, au manque ou à la lenteur des investissements extérieurs, à la « fuite des cerveaux », au taux élevé de chômage, en particulier dans l’est de la Slovaquie, à la corruption, etc. Comme voie de conséquence, la situation sociale de la population, en particulier des classes les plus pauvres, s’est détériorée.

La situation générale et religieuse

D’autre part, l’invasion du « modèle occidental », dont il a été fait une ample propagande avec l’aide des capitaux étrangers, pousse vers une plus grande consommation et comporte également divers aspects moralement négatifs. Certains médias puissants conduisent depuis quelques temps une attaque quotidienne contre l’Eglise, considérée responsable de ne pas accepter l’avortement, les unions homosexuelles, l’euthanasie et d’autres « libertés » semblables. A travers des slogans bien connus en Occident, on fait pression sur l’opinion publique et sur les hommes politiques pour les « rééduquer ». Les vieux communistes, sortis indemnes de la révolution, relèvent à présent la tête et deviennent les meilleurs alliés de la droite à connotation nihiliste, qui dispose de moyens financiers pour atteindre ses objectifs.

Grâce à Dieu, après 1990, la situation religieuse s’est sensiblement améliorée. Jean-Paul II a rapidement pourvu à la nomination des Evêques pour les nombreux Sièges restés vacants à la suite de la persécution du régime. Au cours de sa brève visite à Bratislava, le 22 avril 1990, lorsque, de façon significative, il a embrassé la terre slovaque immédiatement après son atterrissage dans le vieil aéroport de Vajnory, le Pape a béni plus de deux cents « premières pierres » pour de nouvelles églises, qui ont été construites en peu de temps.

Cinq nouveaux séminaires se sont ajoutés à l’unique séminaire laissé ouvert par le régime, qui avait fermé tous les autres. Le Seigneur a accordé à la Slovaquie de nouvelles vocations. Aujourd’hui, presque toutes les paroisses ont de nouveau leur pasteur et l’âge moyen du clergé est jeune. La croissance des vocations, toutefois, ralentit.

Après quelques difficultés a été érigée une Université catholique, encore limitée pour l’instant. Les mouvements et groupes apostoliques et missionnaires se multiplient.

La vie religieuse de la population est animée par la foi traditionnelle et par l’activité pastorale conduite par un clergé zélé. Mais certains préjugés contre l’Eglise, répétés dans les divers programmes et dans la presse, tentent de reléguer la religion « à la sacristie » et à la sphère privée, comme si la société devait être agnostique, sinon athée. La culture catholique voit sa liberté d’expression dans la vie publique niée. Il manque encore, à peu d’exceptions près, des laïcs bien formés et courageux, surtout dans la Doctrine sociale de l’Eglise. Et les moyens adaptés de communication sociale manquent également pour faire entendre la voix des catholiques dans l’opinion publique. Dans le domaine de la vie publique, on ressent encore le poids négatif de l’éducation passée. L’évangélisation de la culture est un programme urgent pour l’Eglise.

La signification et les étapes de la visite

Quelques évocations de la délicate situation en Slovaquie suffisent à comprendre l’importance de cette visite très appréciée du Pape, un Pape que nous aimons de manière particulière, notamment en raison de sa proximité, de sa connaissance personnelle de l’histoire, des lieux et des hommes, ainsi que de l’amour qu’il a manifesté à plusieurs reprises pour le peuple slovaque.

Jean-Paul II, par sa présence même, a apporté aux croyants le courage de la foi et de l’espérance, si nécessaire en ce moment actuel d’épreuves, placé sous le signe du « confirma fratres » et du « duc in altum ». Le Pape, visiblement souffrant, a redonné à notre peuple la confiance dans les ressources de la foi dans le Christ, cette foi qui a conduit les deux bienheureux – l’Evêque Vasil’ Hopko et la frêle religieuse Zdenka-Ceci
lia Schelingová – jusqu’au martyre.

Ce n’est pas un hasard si la Madone des Douleurs – vénérée au Sanctuaire de Sastín, que le Pape a visité en 1995 – est la Patronne nationale de la Slovaquie. La béatification elle-même des deux martyrs à Bratislava, outre à conserver la mémoire de tant de personnes qui, au cours de l’histoire récente, ont souffert pour la foi, indique la source de la force intérieure et de l’espérance.

L’Eglise catholique qui est en Slovaquie possède les qualités de base pour une vigoureuse reprise. Il faut simplement le courage et l’esprit d’entreprise nécessaires pour coordonner les nombreuses énergies, jeunes et moins jeunes, dans le clergé et au sein des laïcs. Il faut approcher la génération d’âge moyen, qui a de la bonne volonté, mais peu de formation religieuse à cause du précédent régime. L’Eglise s’efforce avec un grand mérite de rendre plus concrète la foi de la population. Dans le même temps, elle doit lutter contre les tentatives des anciennes et des nouvelles idéologies, qui visent à la marginaliser, en l’empêchant d’avoir une influence au sein de la société.

Dans ce sens, un rôle privilégié revient aux laïcs, qui doivent avoir toutefois une bonne formation, en particulier en ce qui concerne la vision chrétienne de l’homme, de la famille, de la culture et de la politique La méthode missionnaire des Apôtres des Slaves, les saints Cyrille et Méthode, pour lesquels nous avons une profonde vénération, et dont la tradition est particulièrement vivante, peut guider cette nouvelle évangélisation de la société slovaque. La visite du Pape re-propose enfin toute la richesse de son enseignement en matière de Doctrine sociale.

La figure du Saint-Père suscite au sein de la population un profond respect et un grand amour. Sa présence est éloquente, ses paroles diffusent la force de la foi et le courage de l’espérance. Au cours de cette visite, il a partagé son action apostolique dans trois régions et deux diocèses qui n’ont pas été visités au cours des pèlerinages de 1990 et de 1995. Dans la partie occidentale, outre la capitale Bratislava, où a eu lieu la béatification, il a visité le siège de l’archidiocèse à Trnava, appelé la « Rome slovaque ». Au centre du pays, il a célébré l’Eucharistie sur la pittoresque place de Banská Bystrica. Plus à l’est, il s’est rendu dans le petit diocèse de Roznava.

La ville historique de Trnava est le siège effectif de l’archidiocèse de Bratislava-Trnava, qui compte plus de 2 millions d’habitants, dont 1.440.000 catholiques. La ville fut pendant long-temps la résidence des Archevêques d’Esztergom (Strigonie), siège de la célèbre Université fondée par le Cardinal Pázmány et de diverses institutions culturelles et religieuses qui ont repris vie. Dans l’après-midi du 11 septembre, le Pape s’est rendu dans la concathédrale de Saint-Jean-Baptiste à Trnava. Jusqu’à il y a peu de temps, l’Archevêque était également l’unique Archevêque-Métropolitain de la Province ecclésiastique slovaque; à présent s’y est ajouté l’archidiocèse métropolitain de Kosice.

Le deuxième jour, le Saint-Père est arrivé, après un bref vol en avion, à Banská Bystrica, où, sur la suggestive place principale, il a célébré la Liturgie en l’honneur du nom de Marie, vénérée dans le proche Sanctuaire de Staré Hory. Cette Eglise particulière compte 355.000 fidèles sur les quelques 600.000 habitants, parmi lesquels de nombreux évangélistes. Le nouveau séminaire construit dans la plaine de Badín, à quelques kilomètres de la ville, a offert au Pape une brève halte avant son retour à Bratislava.

Samedi 13 octobre, Jean-Paul II est arrivé en avion à Kosice, et de là, s’est rendu en automobile à la périphérie de Roznava, siège du plus petit des diocèses visités avec à peine 200.000 fidèles sur les 350.000 habitants, avec une nombreuse minorité hongroise et un nombre important de réformés. C’est dans ce cadre harmonieux qu’il a célébré la Messe en mémoire de saint Jean Chrysostome. Ce sont surtout les fidèles de l’est de la Slovaquie qui ont assisté à la Messe, y compris ceux des deux diocèses de rite byzantin-slave.

Le dimanche 14 septembre, fête de l’Exaltation de la Croix, a eu lieu au coeur de la banlieue très peuplée de Bratislava, à Petrzalka, la célébration principale et la béatification de deux martyrs, l’Evêque Vasil’ Hopko et soeur Zdenka Schelingová, dont de nombreuses personnes gardent encore le souvenir. La fête et leur souvenir rappellent à l’Eglise slovaque le mystère de la Croix, qui accompagne toujours sa route, mais qui finit avec la lumière de la résurrection et de la gloire.

Jean-Paul II complète ainsi le « triptyque » de ses visites pastorales en Slovaquie. Après la seconde visite, au cours de l’Audience générale du 5 juillet 1995, il a dit: « La visite de l’Eglise en République de Slovaquie s’inscrit dans la vaste histoire du salut de notre siècle. Et, dans le même temps, elle s’inscrit dans l’histoire de la nation slovaque et de sa place en Europe. Voici, et dans une large mesure grâce à la mission de l’Eglise, que la nation slovaque a obtenu son indépendance et en tant que nation, dont les citoyens sont en grande majorité catholiques, elle est entrée dans la grande communauté des peuples du monde entier, et en particulier de l’Europe » (cf.
ORLF n. 28 du 11 juillet 1995).

L’histoire saura apprécier cette vision et cette évaluation qui est à présent complétée et confirmée par la troisième visite de Jean-Paul II en Slovaquie.

(©L’Osservatore Romano – 16 septembre 2003)

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ZENIT Staff

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