Hommage au P. Bertrand de Margerie, s.j., "ambassadeur du Christ"

CITE DU VATICAN, Lundi 28 juillet 2003 (ZENIT.org) – Cet hommage au R. P. Bertrand de Margerie, s. j., décédé le 4 juillet dernier, et dû à la plume du P. Jean-François Thomas, s. j., actuellement missionnaire aux Philippines est publié par la revue France catholique (www.France-catholique.fr), dans son édition n°2893 du 1er août 2003.

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« Le P. Bertrand de Margerie, s.j., ambassadeur du Christ »

A la suite de St Jean de la Croix, le P. de Margerie aurait pu s’écrier :
« Vivo sin vivir en mi
Y de tal manera espero,
Que muero porque no muero »

« Je vis, sans plus vivre en moi-même
Et j’espère d’un tel désir
Que je meure de ne pas mourir »

Il a désormais terminé son parcours de diplomate du Christ, ayant été un ambassadeur infatigable de sa Parole et un défenseur ardent et fidèle de la doctrine de l’Eglise. Originaire d’une famille traditionnellement aux plus hauts postes des Affaires Etrangères, le P. de Margerie ne choisit cependant pas la carrière mais la Compagnie de Jésus, pourtant peu porté par l’agnosticisme qui l’entourait. Alors, il décida de consacrer vraiment toute sa vie au Christ, non pas par des mots, mais par des actes et des écrits. Cet écrivain prolixe qui toucha à presque tous les domaines de la Théologie ne cessa point, avec une patience désarmante, et sans souci des blessures et des critiques, de combattre pour la Vérité. Sa pensée claire et rigoureuse, nourrie des Saintes Ecritures, de Saint Augustain et des Pères de l’Eglise, de Saint Thomas d’Aquin – son maître bien-aimé -, des mystiques, de Newman, et des textes du Magistère, ne se fatigua jamais d’exposer, dans le détail objectif et la finesse de multiples références historiques, Celui en qui il croyait de tout son être : Jésus Christ.

Car, spécialisé surtout en théologie dogmatique, il choisit, comme terrain de prédilection, la christologie. Deux de ses ouvrages essentiels, « Le Christ pour le monde » (1971) et « Les Perfections de Dieu en Jésus Christ » (1981) ont pour thème la personne du Christ. Cet attachement unique, digne d’un vrai fils de St Ignace de Loyola, le conduisit à rédiger, dans les dernières années, ses deux volumes sur « L’Histoire doctrinale du Culte envers le Cœur de Jésus ». Une vie et une œuvre toutes au Christ. Il écrivait par exemple dans le tome 2 de cette étude : « Le culte envers le Cœur eucharistique de Jésus aide le chrétien à l’éternelle offrande de soi-même, dans le pur amour indéfectible qui accompagnera la vision face à face, au Père, au Fils et à l’Esprit qui sont et seront toujours un seul Amour ».

Le P. de Margerie a vécu dans sa chair cette offrande, pas seulement et d’abord dans l’épreuve physique qu’il accueillit avec courage et foi pendant de longues années, mais surtout par le fait qu’il ne fut pas toujours compris et apprécié au sein même de l’Eglise qu’il aimait et de l’Ordre religieux dans lequel il s’était donné. Cette mise à l’écart, les critiques ironiques dont il était l’objet le gardèrent toujours souriant et serein, et pourtant intérieurement crucifié. Il appliqua à la lettre le présupposé favorable auquel tout jésuite est invité, se refusant à voir, même chez ses pires ennemis, la moindre graine de malice. Il souffrit dans le silence de son cœur, victime, comme le Cardinal de Lubac avant lui, de l’ostracisme qui frappa souvent les plus étonnants serviteurs de l’Eglise, en une période de crise et de trouble. Parfois, de son petit rire inimitable et le regard tout pétillant, il soulignait brièvement les difficultés rencontrées pour la parution d’un ouvrage, puisqu’il demandait toujours avec obéissance l’autorisation de publier, ou bien le rejet qui pouvait l’atteindre. Cette sérénité dans l’épreuve, son choix indéracinable de toujours sauver chez l’adversaire la moindre parcelle de bonté et de vérité, sont certainement des traits caractérisitques de la sainteté ordinaire vécue au quotidien.

Sa défense du Christ l’amenait aussi à défendre ceux qu’il jugeait être injustement victimes d’incompréhension ou de persécution. Combien d’âmes et d’esprits aura-t-il ainsi aidés alors qu’ils se débattaient dans les ténèbres contemporaines ! Mais pour ce faire, il ne s’engageait jamais dans des joutes idéologiques. Il revenait sans cesse au Cœur du Christ, ramenant la personne dans la contemplation même de l’Agneau eucharistique. Il restait persuadé que le désir profond de tout homme livré au Christ était « d’accueillir, embrasser, reconstruire, unifier, récapituler toutes les réalités comme toutes les vérités révélées dans le Cœur transpercé du Christ crucifié afin d’achever ainsi le mystère de l’universelle rédemption ». (Le Christ pour le monde, p. 342). Etranger aux luttes partisanes et amoureux du Christ transpercé, il ne redoutait donc aucun jugement humain et acceptait les humiliations, sans broncher. Dans son livre sur «Le mystère des Indulgences» (1999) publié à l’occasion du Jubilé et de la concession par le Saint Père Jean Paul II d’indulgences plénières, il livra quelques phrases de son journal de retraite en 1933 : « Esprit de Vérité, mon Confirmateur, je vous remercie de m’avoir confirmé et fortifié pour défendre devant les hommes les doctrines de l’Eglise, y compris celle sur les indulgences, fruit du Sang du Christ, teintées de ce Sang infiniment précieux » (p. 11). Ces mots résument admirablement toute sa ligne de conduite, celle dont les lecteurs de France Catholique purent être les témoins en lisant ses colonnes : il avait accepté d’être un ambassadeur du Christ à la tâche ingrate en notre temps, celle de défendre les trésors de l’Eglise méprisés ou dilapidés par les membres mêmes de cette Eglise. Les plus grands théologiens de la seconde moitié du XXème siècle ont tous suivi un chemin de Croix identique: Henri. de Lubac, Hans Urs von Balthasar, Louis le Guillou, Charles Journet, Paul Toinet, Louis Bouyer… Bertrand de Margerie mérite une place à leurs côtés.

Il devait donner, en juillet 2003, un nouveau cours aux Etats Unis, sur Saint Augustin cette fois, « effort moins techique qu’un cours sur St Thomas ! » ajoutait-il avec humour en s’adressant à un ami. Il préparait la publication de deux nouveaux ouvrages, dont un, sur le rôle de la Bienheureuse Vierge Marie dans la Rédemption, qui faisait surgir des oppositions tenaces. Mais l’ambassadeur a dû laisser sur sa table de travail ses projets et ses ébauches. Il se soucia, durant les deux semaines où il fut soudain diminué, de préparer la suite, sans lui. Et puis ce fut le plongeon vers le Haut de cet amoureux du Christ : « A se plonger dans le Cœur Miséricordieux du Christ Jésus, Cœur qui est notre victime, notre Réconciliation, notre Satisfaction et la source de toute notre consolation ». (« S’ouvrir à la Miséricorde » 1982, p. 212). Il vit enfin. Il a fini de mourir.

Jean-François Thomas S.J.
7 juillet 2003

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ZENIT Staff

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