CITE DU VATICAN, Mardi 3 juin 2003 (ZENIT.org) – Le Congrès International pour la Nouvelle Évangélisation s’est tenu à Vienne du 23 mai au 1er juin 2003 à l’initiative de quatre cardinaux : Christoph Schönborn de Vienne, Jean-Marie Lustiger de Paris, José da Cruz Policarpo de Lisbonne et Godfried Danneels de Bruxelles. Près de 2500 personnes y ont participé. Parmi eux quelque 400 français dont 5 évêques : Mgr Jean-Pierre Catenoz d’Avignon, Mgr Dominique Rey de Toulon, Mgr Pierre d’Ornellas, évêque auxiliaire de Paris, Mgr Guy Gaucher, évêque auxiliaire de Bayeux-Lisieux, Mgr Thierry Brac de la Perrière, évêque auxiliaire de Lyon, indique le communiqué final du congrès qui fait le bilan ci-dessous.
Il est difficile de résumer 10 journées de congrès très riches, les échanges entre les participants, les carrefours, les rencontres… On constate cependant que quatre lignes de force émergent des travaux du Congrès.
1. Pour évangéliser notre monde, il faut connaître notre monde
De nombreux intervenants ont insisté sur ce point.
Maria do Rosario Carneiro (Lisbonne) et Eva Maria Idokogi-Frisch ont esquissé la situation de la famille dans notre société. Mgr Peter Erdö, primat de Hongrie et archevêque de Budapest, s’est attaché à présenter la situation des pays de l’ancien bloc communiste, près de 15 ans après la chute du mur de Berlin.
Le professeur Paul Zulehner a expliquer que le besoin de spiritualité de l’homme d’aujourd’hui repose, selon lui, sur quatre raisons objectives :
– lutter contre la superficialité de la société moderne
– redécouvrir sa propre identité face à la perte du sens de la dignité de l´homme
– le désir d´une guérison intérieure alors que la médecine actuelle ne guérit que le corps
– retrouver une éthique de l´amour qui relève l´homme et ne l´abaisse pas.
De son côté, Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz, titulaire de la chaire de philosophie de la religion à Dresde, a décrit la situation de l’homme moderne dans un exposé magistral.
Elle nous a expliqué que nous sommes entrés dans une période « post » : post-moderne, post-athée, post-sexuelle (avec le remplacement du sexe par le genre), post-sécularisé. Selon elle, le monde est marqué par l’absence : l’absence de Dieu qui est passé mais apparaît comme de plus en plus inconnaissable.
Pour le professeur Gerl-Falkovitz, connaître le monde, c’est aussi discerner en lui des signes d’espérance pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Elle en a cité trois chez des philosophes et écrivains contemporains :
– le philosophe incroyant Abermass a dit que devant la gravité des événements du 11 novembre, il faudrait quelque chose comme la religion pour trouver une réponse ;
– Jacques Dérida, parlant du pardon, a affirmé que le seul pardon de l’impossible est un vrai pardon. Il faut l’Absolu pour donner l’absolution !
– L’écrivain contemporain Botho Strauss, protestant qui a quitté son Église, déclare qu’il est devenu impossible de faire de la poésie car les mots ont perdu leur relation avec la réalité. Selon lui, c’est seulement dans l’eucharistie que la parole retrouve son lien avec la réalité, car ce qui est dit devient réalité.
« Face à un monde qui vit dans l’absence, a conclu le professeur Gerl-Falkovitz, l’eucharistie proclame la présence ! Le travail du missionnaire est de proclamer la présence ! »
2. Pour évangéliser notre monde, il faut aimer notre monde
Cet amour du monde et des hommes va se concrétiser de différentes manières.
Pour le chancelier Wolfang Schüssel, ce sera à travers l’engagement politique. Il a rappelé que ce n´est pas seulement un droit mais un devoir pour les Chrétiens de participer à la vie politique. Selon lui, les Chrétiens ont une vision qui va bien au-delà d´une vision terrestre et c´est cette vision dont a besoin l´Europe plus que jamais.
L’amour des hommes passe par un point obligé : le choix préférentiel pour les pauvres. C’est ce qu’ont manifesté avec force le professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, et sœur Elvira Petrozzi, relieuse italienne, fondatrice de la Communauté Cenacolo, spécialisée dans l’accueil de jeunes toxicomanes. « Tout chrétien doit se reconnaître par son amitié pour les pauvres, a affirmé Riccardi. Où fait-on l´expérience de Dieu ? demande-t-il. Non loin des pauvres, répond-il, le plus près possible. L´amitié avec les pauvres nous évangélise en profondeur. »
Le cardinal Schönborn a affirmé, de son côté, que le message de l’Évangile n’est pas de prêcher la morale, mais la miséricorde de Dieu. On peut dire qu’évangéliser, c’est aimer, c’est être témoin de miséricorde, c’est humaniser, comme nous l’a dit le frère Marc de Tibériade (Belgique) dans son témoignage.
Notre amour doit nous porter vers tous les hommes, pas seulement les personnes déjà converties. C’est ce qu’a prôné le professeur Zulehner qui nous a engagés à commencer mission offensive vers ceux qui appellent à l´aide et ceux qui n´appellent pas à l´aide…
3. Pour évangéliser notre monde, il faut des saints !
Dès le début du Congrès, le professeur Zulehner a insisté sur ce point clef : « Si nous sommes nous-mêmes imprégnés par l´Évangile et si, à la suite du Christ, nous montons sur la montagne pour prier avant d´aller chez les païens, alors notre témoignage portera du fruit car c´est par cette immersion en Dieu que nous serons amenés automatiquement vers les hommes. Le coeur même de la mission, c´est s´immerger dans l´amour profond de Dieu pour être présent dans la vie des hommes. »
Cet appel à la sainteté passe par l’amour des pauvres, par la radicalité de vie. C’est cette radicalité de vie qui rend le témoignage du missionnaire crédible et acceptable, comme l’a montré le témoignage de sœur Elvira Petrozzi auprès des drogués. « Avant de songer à évangéliser les autres, s’évangéliser soi-même… », a-t-elle coutume de proclamer.
Le cardinal Jean-Marie Lustiger a rappelé ce point aux jeunes. Ceux-ci lui disaient qu’ils désiraient avoir une vie morale et qu’ils voulaient se donner. Le cardinal leur a répondu par l’exemple du jeune homme riche. Lui aussi suivait tous les commandements de Dieu, mais Jésus a discerné qu’il lui manquait une chose : il était attaché à ses richesses. « Notre société est capable du pire et du meilleur, conclut le cardinal, car elle n’est pas libre à l’égard de ses œuvres. Elle veut le bien, le beau, la liberté, mais pourquoi agit-elle à l’opposé ? Peut-être attend-elle que des disciples de Jésus accueillent son appel radical de le suivre et témoignent ainsi de la liberté et de l’amour que Dieu veut donner à tous les hommes. »
Ce même appel résonne dans la bénédiction spéciale pape Jean-Paul II aux participants du Congrès, lue par le cardinal Schönborn à la fin de la messe du lundi 26 mai :
« La vocation à évangéliser vient de la vocation à la sainteté. Seul celui qui, en dépit de toutes les difficultés, s’efforce de vivre sincèrement suivant la volonté de Dieu, peut être un témoin crédible et efficace du Christ, de sa Bonne Nouvelle et de son Eglise. Alors suivez avec générosité la vocation à la sainteté que vous avez reçue dans les sacrements du baptême et de la confirmation. Ouvrez donc les portes de votre vie pour le cadeau de l’Esprit Saint qui renouvelle la face de la terre et change les cœurs de pierre en des cœurs de chair, capables d´aimer comme le Christ nous a aimés (voir Sermon lors de la remise de la croix pour la mission urbaine à Rome le 30 novembre 1997). Devenez de meilleurs disciples du Christ et portez l’Évangile aux hommes de votre ville ! »
À ceux qui croiraient que cet appel à la sainteté ne leur est
pas destiné, Martine Catta, cofondatrice de l’Emmanuel, a proposé, dans l’exposé de clôture, de prendre modèle sur Thérèse de Lisieux, patronne des missions. Elle se savait toute petite et faible, mais elle a trouvé un ascenseur pour atteindre les sommets de la sainteté : les bras de Jésus lui-même que l’on peut atteindre par la confiance et la bonne volonté.
4. Pour évangéliser le monde, il faut aller dans le monde
Ce fut un des mérites du Congrès de Vienne de ne pas s’être limité à la théorie. « Notre projet, confiait Martin Wiesauer, directeur de l’Action Catholique autrichienne, à un journaliste, ressemble à un homme qui a deux jambes pour avancer. Il y a la “jambe” de la réflexion et la “jambe” de la pratique. » C’est ainsi que le Congrès comprenait de nombreux temps de missions auxquelles les participants étaient chaleureusement conviés. Cent dix paroisses de Vienne sur cent soixante-dix prenaient part à ce vaste projet appelé “stadtmission”, c’est-à-dire “mission urbaine”. Plus de 1200 activités missionnaires se sont déroulées pendant dix jours.
Un élément a comme symbolisé cette proximité que l’Église veut retrouver avec l’homme contemporain : ce fut la présence continuelle du cardinal Christoph Schönborn durant ces journées. « Vous semblez avoir changé ces derniers temps, a demandé la présentatrice de la télévision autrichienne Barbara Stoeckl au cardinal Schönborn. Vous allez dans la rue, dans les cafés, dans les prisons… Que se passe-t-il ? » « Il est vrai qu’il y a là un changement, a répondu le cardinal. La fonction de cardinal crée des distances par rapport aux hommes. Il faut l’accepter, mais cela ne doit pas être le dernier mot. Je n’oublierai pas, a-t-il continué, ce que le propriétaire d’un grand centre commercial m’a dit en m’accueillant dans son établissement : “Vous devez aller au-devant des gens.” Cette parole vaut pour toutes nos communautés ! »
Comment ce qui a été commencé à Vienne va-t-il continuer à Paris ? Mgr Pierre d’Ornellas a comparé le mouvement commencé avec le Congrès de Vienne à une boule de neige appelée à grossir à Paris, puis à Lisbonne et Bruxelles et peut-être à travers toute l’Europe. « Le Congrès va continuer à Paris, a-t-il affirmé. Comment allons-nous faire ? Nous ne le savons pas… Mais nous le ferons ! » Il a donné rendez-vous à tous les participants, et spécialement aux Viennois, pour la suite qui se déroulera à Paris du 23 octobre au 1er décembre 2004.