Mgr Tauran rappelle les engagements de la Russie face à la communauté internationale

Expulsion de Mgr Mazur, silence de Poutine après la lettre du pape

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CITE DU VATICAN, Vendredi 21 juin 2002 (ZENIT.org) – Jean-Paul II a écrit au président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, le 8 mai dernier, à la suite de l´expulsion de l´évêque du diocèse catholique Saint-Joseph à Irkoutsk (en Sibérie Orientale, un diocèse érigé le 11 février dernier), Mgr Jerzy Mazur, le vendredi 19 avril. C´est ce que révèle Mgr Jean-Louis Tauran dans un entretien accordé ce soir à Radio Vatican. Mais la lettre de Jean-Paul II est restée sans réponse, y compris lors du passage de M. Poutine à Rome pour le sommet de l´OTAN avec la Russie, le 28 mai (cf. ZF020528). Mgr Tauran souligne la « gravité » de la situation et rappelle les engagements pris par la Russie devant la communauté internationale à la conférence de Vienne en 1989.

RV – Mgr Tauran, peut-on parler d´expulsion de Mgr Mazur? Quels en sont les motifs?
Mgr Tauran – On peut parler, techniquement, d´une sorte d´expulsion. Justement, la question est de savoir quels sont les motifs qui ont conduit les autorités de l´émigration à l´aéroport de Moscou à interdire le retour de Mgr Mazur dans son diocèse. Pour le moment, personne n´a été en mesure de nous dire les raisons pour lesquelles une telle décision a été prise. Evidemment, une décision particulièrement grave.

RV – Quelle a été la réaction du Saint-Siège?
Mgr Tauran – Face à cette situation, je dois dire que le Saint-Siège a pris deux initiatives. D´abord en date du 20 avril, donc pratiquement le lendemain des faits, j´ai écrit une lettre à M. Ivanov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération russe (homologue russe de Mgr Tauran, ndlr), pour lui dire combien nous avions été surpris par cette décision et pour lui demander de nous expliquer quels sont les motifs qui ont conduit les autorités d´immigration à prendre une telle mesure.

RV – Et qu´ont répondu les autorités russes?
Mgr Tauran – Etant donné que jusqu´à ce jour je n´ai pas reçu de réponse de M. Ivanov, entre temps, le pape a voulu écrire une lettre personnelle au président Poutine, pour lui demander pratiquement la même chose: lui demander son intervention personnelle pour que soit restitué à la communauté catholique de cette vaste partie de la Fédération russe un pasteur qui selon nous s´est toujours montré généreux et loyal. Le président Poutine n´a pas encore répondu au pape: la lettre date du 8 mai.

RV – Pas de réponse donc à deux lettres officielles: est-ce que l´on frise l´indicent diplomatique?
Mgr Tauran – Incident diplomatique, je n´aime pas beaucoup utiliser cette expression. Je crois, ce que j´ai mentionné dans ma lettre au ministre Ivanov, que la Fédération russe a adhéré au document final de la conférence de Vienne sur la Sécurité et la Coopération en Europe – un document qui date du mois de janvier 1989. Dans la première partie du document, le paragraphe 7 dit que les Etats participants, et donc la Russie, « respecteront le droit des communautés de croyants des Etats participants – donc des croyants de la Fédération russe -, à établir et entretenir des lieux de culte ou de réunion librement accessibles, à s´organiser conformément à leurs particularités institutionnelles, à choisir, nommer et remplacer leur personnel conformément à leurs besoins et règles propres, ainsi qu´à tout arrangement librement conclu entre elle et l´Etat ». Donc je crois que la Fédération russe aura à coeur d´être fidèle aux engagements qu´elle a pris face à la communauté internationale.

RV – Dans quelle situation se trouvent les catholiques d´Irkoutsk sans leur évêque?
Mgr Tauran – Evidemment on ne peut pas sous-évaluer le grand désarroi dans lequel se trouvent les Catholiques de ce diocèse, et déjà on constate que l´absence de l´évêque a des répercussions très concrètes sur la vie de la communauté catholique. Donc je crois qu´il est important que les autorités russes prennent la mesure de la gravité de cette situation. En tous les cas nous ne manquons jamais une occasion de le leur faire savoir, soit par l´intermédiaire du Nonce apostolique à Moscou, soit par l´intermédiaire de l´ambassadeur accrédité près le Saint-Siège.

RV – Le cas de Mgr Mazur est-il un cas isolé?
Mgr Tauran – C´est le second cas que nous avons puisqu´au début de l´année, le P. Caprio, qui travaillait dans une paroisse à Moscou, a été lui aussi empêché de retourner dans sa paroisse et jusqu´à maintenant, nous n´avons jamais reçu d´explication sur la décision qui a été prise à son encontre.

RV – Mgr Tauran que voudriez-vous ajouter pour conclure cet entretien?
Mgr Tauran – Je dirais que tout le monde en Russie a besoin d´un témoignage de vie chrétienne et que ce n´est pas de cette manière en muselant les activités d´une communauté qui, je le rappelle, est une communauté historique: l´Eglise catholique n´est pas d´implantation récente en Russie. Depuis des siècles, nous avons eu des paroisses et des diocèses donc, nous ne demandons qu´à servir nos catholiques, et nous n´avons aucune, disons, ambition autre que d´être au service de ces catholiques qui sont des catholiques ruses et qui veulent être des catholiques au service de leur pays et de toutes les populations qui y résident.

Rappelons que selon une déclaration du directeur de la salle de presse du Saint-Siège, M. Joaquin Navarro-Valls, du 20 avril (cf. ZF020420), Mgr Mazur a été « expulsé » du territoire de la Fédération de Russie le 19 avril à l´aéroport de Sheremetievo-2 (Moscou), où il a été embarqué sur un vol pour Varsovie, sans que ces mesures ne soient motivées. La Secrétairerie d´Etat a demandé des explications et que Mgr Mazur récupère son visa, qui n´avait pas expiré (il a un passeport polonais).

Un prêtre italien, Stefano Caprio, curé de la paroisse du Saint-Rosaire à Vladimir et à Ivanovo (diocèse catholique de la Mère de Dieu de Moscou), avait subi un sort analogue au début de l´année. M. Navarro-Valls indiquait alors qu´il s´agissait d´une violation des accords conclus par le Saint-Siège avec le gouvernement russe (Section « Principes », art. 16).

Le 7 mai, M. Navarro-Valls précisait (cf. ZF020507): « Le Saint-Siège est intervenu immédiatement en demandant des explications au Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, sur les motivations qui avaient conduit les autorités de frontière à refuser l´entrée au prélat. Avec étonnement, on doit constater qu´après plus de deux semaines, les informations requises ne sont pas encore parvenues ». Mgr Mazur a été reçu par Jean-Paul II le 15 juin dernier (cf. ZF020616).

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ZENIT Staff

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