Pio de Pietrelcina, l´humble saint de la miséricorde pour le IIIe millénaire

Une célébration sans précédent

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CITE DU VATICAN, Dimanche 16 juin 2002 (ZENIT.org) – A 10 h 24, ce dimanche matin, Place Saint-Pierre, Jean-Paul II a donné saint Pio de Pietrelcina comme saint de la Miséricorde et modèle à imiter par tous les fidèles. Le pape a voulu que sa fête liturgique soit immédiatement inscrite au calendrier romain général – et non local – le 23 septembre, « jour de sa naissance au ciel », et en tant que « mémoire obligatoire » – et non facultative – pour l´Eglise universelle.

C´est dire l´importance que Jean-Paul II accorde au nouveau saint pour l´Eglise d´aujourd´hui et pour le monde. C´est dire combien le pape confirme la dévotion populaire exceptionnelle dont jouit l´humble Capucin italien « qui fait des miracles »: témoins les quelque 7 millions de visiteurs par an enregistrés à San Giovanni Rotondo, et des milliers de « groupes de prière Padre Pio » sous toutes les latitudes.

En réponse, la voix du peuple chrétien a fait entendre une immense clameur de joie et des applaudissements prolongés ont enflammé toute la rue de la Conciliation, jusqu´au Tibre et les rues adjacentes, jusqu´à la place du Risorgimento: plus de 300 000 fidèles du monde entier étaient agglutinés sur l´asphalte déjà brûlant, sous les fichus, les bobs, les voiles et les casquettes, les parapluies ressortis en ombrelles. Aux couleurs du Vatican, jaunes et blancs pour les cardinaux.

La joie faisait sortir d´eux-mêmes jusqu´aux pèlerins les plus recueillis, jusqu´ici agrippés au livret de la célébration pour ne pas en perdre une miette de grâce et bien regroupés autour des écrans géants, debout ou reposés sur leur pliants, ou sur les cartons de centaines de milliers de bouteilles d´eau distribuées par la Ville.

Au même instant, à quelque 350 kilomètres de là, plus au Sud, dans la province de Foggia, où seuls les économes oliviers centenaires résistent à la canicule, la pluie bénie de cinq millions de pétales de roses se balançait doucement sur le sanctuaire et la ville de San Giovanni Rotondo qui abrite la tombe du saint, son couvent et sa grande oeuvre: l´ultra-moderne hôpital qu´il a voulu appeler « Maison du soulagement de la souffrance » que certains appellent « Maison de la transfiguration de la souffrance » (Maria Winowska, Le vrai visage de padre Pio, Fayard).

Car le « Padre Pio », qui a porté dans son corps pendant cinquante ans les plaies vives de la Passion du Christ, transformant chaque jour cette souffrance en amour, n´a en effet pas cessé de lutter pour alléger toute souffrance physique et spirituelle aux malades et aux visiteurs auxquels il se dispensait dans le sacrement de la réconciliation. Aucune complaisance dans la douleur donc: la souffrance est un mal, dit le nouveau saint, mais par sa Croix, le Christ a donné à ses disciples le pouvoir de la moudre en amour. « Comme elle est actuelle cette spiritualité de la Croix vécue par l´humble Capucin de Pietrelcina, s´exclamait le pape dans son homélie. Notre temps a besoin d´en redécouvrir la valeur pour ouvrir le coeur à l´espérance ».

Et en réponse à cette pluie de roses, 40 000 fidèles faisaient monter vers le ciel en applaudissant une gerbe de 12 327 ballons: un envol rappelant leur attente active, pendant 12 327 jours, que la « cause » de Padre Pio introduite auprès des tribunaux ecclésiastiques aboutisse à sa canonisation.

C´est Jean-Paul II lui même qui a fait accélérer les choses. On se souvient que le jeune évêque de Cracovie avait adressé au Padre Pio deux lettres, en latin, d´abord pour lui demander de bien vouloir prier pour une mère de famille polonaise de cinq enfants atteinte d´un cancer, la psychiatre Wanda Poltawska (cf. ci-dessous, Fides). L´opération s´était ensuite révélée inutile: entre temps, elle avait été guérie de façon définitive, et inexplicable médicalement, et sans séquelles. La seconde lettre, dix jours plus tard, remerciait le bon Padre Pio de son intercession.

Car le jeune Karol Wojtyla, venu compléter à Rome ses études de théologie, connaissait la sainteté du disciple de saint François. Il était naguère allé trouver le Capucin des Pouilles à San Giovanni Rotondo et il s´était confessé à lui. Le souvenir impressionné de cette visite avait quelques années plus tard, inspiré au jeune évêque cette demande. Mais cette confession, le Vatican en a toujours démenti la rumeur, n´a pas été accompagnée d´une soi-disant prédiction de l´élection de Karol Wojtyla comme Successeur de Pierre. La confession, elle, a bien eu lieu.

« Padre Pio a été un généreux dispensateur de la miséricorde divine, en se rendant disponible à tous à travers l´accueil, la direction spirituelle, et spécialement l´administration du sacrement de la pénitence », disait Jean-Paul II en commentant dans son homélie le verset du prophète: « Je suis le Seigneur qui agit avec Miséricorde » (Jérémie 9, 23).

Et de témoigner ensuite dans une confidence improvisée : « Moi-même j´ai eu le privilège, dans mes jeunes années, de profiter de sa disponibilité dans la pénitence ». Le pape soulignait ainsi le sens du message qu´il adresse par cette canonisation aux fidèles et aux prêtres du XXIe siècle: le Padre Pio est le saint de la Miséricorde communiquée dans le confessionnal.

Les applaudissements ont à nouveau éclaté à cet instant: « message reçu » semblait dire la foule. Des millions de visiteurs ont en effet déjà fait l´expérience, du vivant de Padre Pio et après sa mort, de ce laboratoire de la miséricorde.

« Le ministère du confessionnal, reprenait Jean-Paul II, qui constitue un des traits distinctifs de son apostolat, attirait des foules innombrables de fidèles au couvent de San Giovanni Rotondo. Et même lorsque ce singulier confesseur traitait les pèlerins avec une dureté apparente, ceux-ci, prenant conscience de la gravité du péché, et sincèrement repentis, revenaient presque toujours, pour l´embrassement pacifiant du pardon sacramentel ».

Il est un autre passage de l´homélie qui a été interrompu par les applaudissements. Le pape commentait ce verset de psaume: « C´est toi, Seigneur, mon seul vrai bien ». « Par ces paroles, disait Jean-Paul II, le nouveau saint nous invite à mettre Dieu au-dessus de tout, à le considérer comme unique et suprême bien. En effet, la raison ultime de l´efficacité apostolique du Padre Pio, la racine profonde d´une telle fécondité spirituelle, se trouve dans cette union avec Dieu, intime et constante, dont témoignaient éloquemment ses longues heures passées en prière. Il aimait à répéter: « Je suis un pauvre frère qui prie », convaincu que « la prière est la meilleure arme que nous ayons ». » Et le pape s´arrêtait pour laisser la foule l´interrompre et exprimer son sentiment par les applaudissements. Puis il continuait: « Une clef qui ouvre le Coeur de Dieu ».

Et il ajoutait: « Cette caractéristique fondamentale de sa spiritualité continue dans les « groupes de prière » fondés par lui (et les groupes de prière, nombreux, de répondre « présents » en applaudissant à nouveau), qui offrent à l´Eglise et à la société la formidable contribution d´une prière incessante et confiante ».

Mais Jean-Paul II saluait aussi l´oeuvre de charité qui accompagnait cette prière du Padre Pio: » A la prière, le Padre Pio unissait aussi une intense activité caritative dont la « Maison du soulagement de la souffrance » est une expression extraordinaire. Prière et charité, voilà une synthèse très concrète de l´enseignement du Padre Pio, qui nous est proposée à nouveau aujourd´hui ».

La « Maison du soulagement de la souffrance » est non seulement un hôpital ultra-moderne, unique dans ce brûlant Mezzogiorno, ouvert aux plus pauvres, mais où l´assistance humaine et spirituelle s´accorde avec l´assistance médicale la plus compétente et, partout, Padre Pio voulait voir des fleurs fraîches pour la joie des ma
lades, des visiteurs, du personnel. Pour pouvoir recevoir des dons et le construire, le Padre Pio avait été dispensé du voeu de pauvreté. Il a été inauguré en 1956. Et pour vaquer à ses activités extraordinaires de contemplatif actif, il avait même été dispensé, sans jamais l´avoir demandé, du voeu d´obéissance, lui qui avait supporté les épreuves avec un esprit d´obéissance toute franciscaine, lorsque l´Eglise l´avait tenu éloigné du confessionnal (pendant deux ans).

L´homélie était applaudie une nouvelle fois lorsque Jean-Paul II appliquait au saint cette parole de Jésus rapportée par l´évangile selon saint Matthieu: « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre parce que .. ces choses, … tu les as révélées aux petits » (Mt 11, 25). Le pape a en effet conclu son homélie par une belle prière adressée au Padre Pio. « Comme ces paroles de Jésus semblent appropriées, lorsqu´on pense qu´elles se réfèrent à toi, humble et bien-aimé Padre Pio », s´exclamait le pape interrompu par les fidèles enthousiastes.

C´est finalement la grâce de l´humilité, de la prière, de la foi, de la force, de la présence de Marie, et de la persévérance finale que le pape demandait pour l´Eglise au nouvel intercesseur qu´il lui donne: « Enseigne-nous aussi, nous t´en prions, continuait Jean-Paul II, l´humilité du coeur, pour être reconnus parmi ces petits auxquels le Père a promis de révéler les mystères de son Royaume.
« Aide-nous à prier sans jamais nous lasser, certains que Dieu connaît ce dont nous avons besoin, avant même que nous le lui demandions.
« Obtiens-nous un regard de foi capable de reconnaître promptement dans les pauvres et dans les personnes qui souffrent le visage même de Jésus.
« Soutiens-nous à l´heure du combat et de l´épreuve et, si nous tombons, fais que nous fassions l´expérience de la joie du sacrement du pardon.
« Transmets-nous ta tendre dévotion envers Marie, la Mère de Jésus et notre Mère.
« Accompagne-nous dans notre pèlerinage terrestre vers la Patrie bienheureuse où nous espérons arriver nous aussi pour contempler éternellement la Gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen! »

Dans la foule, heureux, le petit Matteo Pio Collela, neuf ans, guéri à l´âge de sept ans par le Padre Pio d´une méningite fulgurante. Les médecins n´espéraient pas le sauver: neuf organes vitaux étaient atteints. Le seuil de cinq organes promet des séquelles graves. Six organes, c´est la mort. Les statistiques de la médecine internationale sont formelles.

Pendant onze douloureux jours, sa mère n´a cessé de demander aux parents et amis de faire une chaîne, non seulement de prière, mais de confessions et de communions (« Là, Jésus est le plus proche », dit-elle), tandis qu´elle-même passait ces jours d´inquiétude et de prière entre la tombe du Padre Pio et sa cellule, grâce à une permission spéciale des frères du couvent. Elle avait été quelque peu rassurée par le fameux « parfum » par lequel le saint se manifeste souvent. Mais son mari, médecin, sans cesse au chevet de son fils cadet, veillait sur l´évolution de la maladie annoncée comme mortelle.

Puis, contre toute attente, Matteo est sorti du coma, le corps couvert de plaies, dévoré par la fièvre, mais vivant! Il mettra quelque temps à raconter ce qui lui est arrivé à son grand frère. Mais ses premières paroles furent, « je veux voir le Padre Pio ». La congrégation romaine pour les Causes des saints a examiné les faits, les rapports médicaux et les témoignages, et ses experts ont reconnu la guérison, complète, irréversible, médicalement inexplicable, comme due à l´intercession de Padre Pio. Comme elle est survenue après le décret de béatification, elle constitue le « miracle » nécessaire à la canonisation d´un bienheureux selon les normes du droit de l´Eglise.

« C´est le saint qui fait des miracles », confie Christiane, de l´Ile Maurice, venue de Milan avec sa jeune nièce de vingt ans, Jenny, qui ajoute: « On y croit ». Mais il fait trop chaud et elles ont trop faim pour s´expliquer: la célébration est achevée. Et puis, elles échangent un regard qui semble dire: si la journaliste ne comprend pas à demi-mot, pas la peine d´insister!

Autour d´elles, à l´ombre des immeubles de la rue de la Conciliation, côté ouest, des pèlerins de Lyon sortent leurs pique-nique: on a passé la nuit dans le car et on le reprend, « cuit » – même ces deux dames des Antilles belles, habillées comme pour un dimanche malgré le voyage – et « heureuses »! Demain, après une seconde nuit dans le car, elles reprennent le travail.

Toute l´Italie, mais toutes les latitudes aussi sont là, de l´Equateur aux Etats-Unis, de Wallis et Futuna à la Roumanie. Une marseillaise manque à l´appel, elle rejoint péniblement sa « pension », avec ses béquilles. Elle a perdu son groupe. Et pour cause: la police romaine l´a secourue, et ne voulait pas la laisser partir, avec une tension qui était montée à 27! Mais la tension s´est apaisée, la police lui a fait un plan, pour retrouver l´adresse des « Soeurs du sacré-Coeur », et elle reprendra le car dans l´après-midi. Elle n´a « rien vu », Janine, mais elle est heureuse d´être venue. Elle repart avec un tout petit morceau d´étoffe de la bure du Padre Pio (distribués par milliers aux pèlerins), fortifiée, consolée par une « présence bienveillante ».

Saint Pio de Pietrelcina est ainsi le 457e saint proclamé par Jean-Paul II, qui l´avait aussi proclamé bienheureux le 2 mai 1999. Demain matin, la messe d´action de grâce sera célébrée par le préfet de la congrégation pour les Causes des saints, le cardinal José Saraiva Martins, exceptionnellement, place Saint-Pierre, et elle sera suivie de la traditionnelle audience pontificale pour les pèlerins. Ce soir, après une représentation de la vie de Padre Pio en la salle Paul VI, un feu d´artifice saluera l´événement, illuminant la façade de la basilique vaticane, au son de l´hymne à la joie.

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ZENIT Staff

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