CITE DU VATICAN, Lundi 7 mai 2002 (ZENIT.org) - Ce dont l´Eglise des Antilles a besoin c´est d´un "sens de la complémentarité entre la vocation du prêtre et celle des laïcs qui soit plus profond et plus créatif", déclare le pape Jean-Paul II dans son discours aux évêques francophones et anglophones de la région actuellement à Rome en visite ad limina.

Le pape déplore une "politisation" du laïcat, un sens très précis qu´il explique:"L’engagement des laïcs est politisé lorsque le laïcat est absorbé par l’exercice du "pouvoir" à l’intérieur de l’Église". Cette forme de "cléricalisme" des laïcs est au détriment du "service", regrette Jean-Paul II.

En français, le pape déclarait: "Ce dont l’Église a besoin, c’est d’un sens de la complémentarité entre la vocation du prêtre et celle des laïcs qui soit plus profond et plus créatif. Sans cela, nous ne pouvons pas espérer être fidèles aux enseignements du Concile ni sortir des difficultés habituelles concernant l’identité du prêtre, la confiance en lui et l’appel au sacerdoce".

C´est en effet du concile que partait le pape pour expliquer cette complémentarité et la vocation des fidèles laïcs. "Le Concile fut, répétait le pape, "la grande grâce dont l’Église a bénéficié au vingtième siècle" (Novo millennio ineunte, n. 57). Bien que les décennies qui nous en séparent n’aient pas été exemptes de difficultés - on a connu des périodes au cours desquelles des éléments importants de la vie chrétienne semblaient même en péril -, de nombreux signes indiquent maintenant ce nouveau printemps de l’esprit dont le grand Jubilé de l’an 2000 a fait apparaître de manière évidente le caractère prophétique. Dans les années qui suivirent le Concile, l’apparition de nouvelles aspirations spirituelles et de nouvelles énergies apostoliques parmi les fidèles de l’Église fut sans conteste l’un des fruits de l’Esprit. Les laïcs vivent la grâce de leur Baptême sous des formes qui font apparaître de manière plus resplendissante le riche éventail des charismes dans l’Église; et pour cela nous ne cessons de rendre grâce à Dieu".

Le pape relève aussi les "incompréhensions" dans les rôles spécifiques du sacerdoce ordonné des prêtres et du sacerdoce commun des baptisés, évoquant d´abord le manque de vocations sacerdotales en ces termes: "Il est également vrai que le réveil des fidèles laïques dans l’Église a vu apparaître en même temps, dans vos pays aussi, des problèmes relatifs à l’appel au sacerdoce, s’accompagnant de faibles entrées au séminaire dans les Églises dont vous avez la charge. En tant que Pasteurs, vous êtes vivement préoccupés car, comme vous le savez bien, l’Église catholique ne peut pas exister sans le ministère sacerdotal que le Christ lui-même désire pour elle".

Le pape affirme que ce sacerdoce ne peut être substitué: "Des personnes, on le sait, affirment que la diminution du nombre de prêtres est l’œuvre de l’Esprit Saint et que Dieu lui-même conduirait l’Église, faisant en sorte que le gouvernement des fidèles laïques se substitue au gouvernement des prêtres. Une telle affirmation ne rend certainement pas compte de ce que les Pères conciliaires ont exprimé lorsqu’ils ont cherché à promouvoir une implication plus grande des fidèles laïques dans l’Église. Dans leur enseignement, les Pères conciliaires ont tout simplement mis en évidence la profonde complémentarité entre les prêtres et les laïques qu’implique la nature symphonique de l’Église. Une mauvaise compréhension de cette complémentarité a parfois conduit à une crise d’identité et de confiance chez les prêtres, et aussi à des formes d’engagement laïque trop cléricales ou trop politisées".

Une forme de "cléricalisme" de la part des laïcs, c´est ce que diagnostique Jean-Paul II en disant: "L’engagement des laïcs devient une forme de cléricalisme quand les rôles sacramentels ou liturgiques qui reviennent au prêtre sont assumés par des fidèles laïques ou bien lorsque ceux-ci se mettent à accomplir des tâches qui relèvent du gouvernement pastoral propre au prêtre. Dans de telles situations, ce que le Concile a enseigné sur le caractère essentiellement séculier de la vocation laïque est le plus souvent négligé (cf. Lumen gentium, n. 31). C’est le prêtre, en tant que ministre ordonné, qui, au nom du Christ, préside la communauté chrétienne, sur les plans liturgique et pastoral. Les laïques l’assistent de bien des manières dans cette tâche".

la vocation laïque est pourtant elle ausis bien spécifique, explique encore Jean-Paul II: "Le lieu premier de l’exercice de la vocation laïque est le monde des réalités économiques, sociales, politiques et culturelles. C’est dans ce monde que les laïcs sont invités à vivre leur vocation baptismale, non pas comme des consommateurs passifs, mais en tant que membres actifs de la grande œuvre qui exprime le caractère chrétien. Il revient au prêtre de présider la communauté chrétienne afin de permettre aux laïques de remplir la tâche ecclésiale et missionnaire qui leur est propre. En un temps de sécularisation insidieuse, il peut paraître étrange que l’Église insiste autant sur la vocation séculière des laïques. Or c’est précisément le témoignage évangélique des fidèles dans le monde qui est le cœur de la réponse de l’Église au malaise de la sécularisation (cf. Ecclesia in America, n. 44)".

"L’engagement des laïques est politisé, déplore Jean-Paul II, lorsque le laïcat est absorbé par l’exercice du "pouvoir" à l’intérieur de l’Église. Cela arrive lorsque l’Église n’est vue en terme de «mystère» de grâce qui la caractérise, mais en termes sociologiques ou même politiques, souvent sur la base d’une compréhension erronée de la notion de "peuple de Dieu", une notion qui a de profondes et riches bases bibliques et qui est si heureusement utilisée par le Concile Vatican II. Lorsque ce n’est pas le service mais le pouvoir qui modèle toute forme de gouvernement dans l’Église, que ce soit dans le clergé ou dans le laïcat, les intérêts opposés commencent à se faire sentir".

Le pape explique les deux formes de "cléricalisme": "Le cléricalisme est pour les prêtres cette forme de gouvernement qui relève plus du pouvoir que du service, et qui engendre toujours des antagonismes entre les prêtres et le peuple; ce cléricalisme se retrouve dans des formes de leadership laïque qui ne tiennent pas suffisamment compte de la nature transcendantale et sacramentelle de l’Église, ainsi que de son rôle dans le monde. Ces deux attitudes sont nocives. À l’inverse, ce dont l’Église a besoin, c’est d’un sens de la complémentarité entre la vocation du prêtre et celle des laïcs qui soit plus profond et plus créatif. Sans cela, nous ne pouvons pas espérer être fidèles aux enseignements du Concile ni sortir des difficultés habituelles concernant l’identité du prêtre, la confiance en lui et l’appel au sacerdoce"

En anglais, et en des termes non moins vigoureux, le pape s´adressait plus particulièrement aux évêques en leur rappelant: "En premier et avant tout, vous êtes de sprêtres, et pas une corporation exclusive, des hommes d´affaires, des fonctionnaires financiers ou des bureaucrates, mais des prêtres". Et il indique comme coeur de ce sacerdoce ministériel le sacrifice du Christ.

Abordant la question de "l´inculturation" de l´Evangile dans la réalité des caraïbes, Jean-Paul II recommandait d´avancer dans ce processus de façon bien "fondée", en prenant toujours en compte en même temps l´universalité de l´esprit humaine et le "précieux héritage" du monde gréco-latin et l´enrichissement par les coutumes locales, sans perdre de vue "l´ouverture" d´une culture qui ne peut s´isoler dans ses particularités.

Le pape exhortait ainsi les Antillais à un "renouveau de la foi" et à une nouvelle apologétique. "Dans un monde où les personnes sont continuellement soumises aux pressions culturelles et idéologiques des media et à l´attitude agressive anticatholique de certaines sectes, il est essentiel pour les catholiques de connaître ce que l´Eglise enseigne, d´en comprendre les enseignements, de faire l´expérience de sa force de libération", exhortait le pape.