Le P. Edoardo Canetta, âgé de 51 ans, est prêtre » fidei donum » du diocèse de Milan. Il travaille au Kazakhstan depuis dix ans, exerça son ministère à Karaganda tout d’abord, puis à Astana. Il est membre du Comité pour la préparation du voyage du pape. Le P. Canetta suit des cours de kazakh depuis cette année, et il est probablement le seul catholique étranger à le faire.
F- Comment se fait la Mission de l’Eglise ?
EC- Il y a toujours eu une pastorale traditionnelle, notamment à l’égard des immigrés: il serait plus juste de dire « déportés » ou « anciens déportés ». A ce sujet, le gouvernement polonais a décidé de payer les dépenses occasionnées par un retour des Polonais dans leur mère-patrie. Cette mesure a provoqué une frénésie du retour. Et ce n’est pas un bon signe : dans certaines régions, l’Eglise, qui comprend surtout des familles d’anciens déportés, pourrait même disparaître. C´est pour cette raison, qu´en plus de la pastorale traditionnelle, il est nécessaire de d´avoir une vraie pastorale missionnaire.
F- L’émigration crée-t-elle des problèmes ?
EC- Le retour n´est pas d´abord dû à la situation d’asphyxie dans laquelle se trouve l’économie du Kazakhstan. Le pays traverse une crise, mais la reprise économique se fait sentir. Le problème le plus délicat, est d´origine ethnique.
Au Kazakhstan, avant la chute du Mur de Berlin, les Kazakhs représentaient 32% environ de la population. Après le départ des Allemands, des Polonais, des Russes, le nombre des kazakhs est passé à 53% de la population lors du dernier recensement ; mais ils détiennent 80% ou 90% du pouvoir politique. Des lois établies sur une base linguistique, donnent, de fait, du point de vue mathématique, 70% des places dans les Universités ou dans la police, uniquement aux personnes qui connaissent le kazakh. A dire vrai, la loi déclare que les places reviennent à 50% à ceux qui parlent kazakh, 50% à ceux qui parlent russe ; mais, parmi ces derniers, la majorité est toujours composée de Kazakhs. Cela explique le déséquilibre ethnique dans les emplois gouvernementaux. D’autre part, si les différents groupes (allemands, russes, polonais, etc.) continuent de parler russe, sans étudier la langue locale, le kazakh, ils risquent forcément d’être marginalisés .
L’an passé, le président Poutine a déclaré devant le président Nazarbajev, à l’Université Eurasia, l’Université d’Etat de Karaganda : « Mes amis russes qui vivent ici me disent qu’il y a des difficultés entre Russes et Kazakhs. C’est pourquoi ils s’en vont ». C’est une
affirmation grave qui compromet l’avenir de la coexistence et la présence de l’Eglise. J’ai l’impression que la mesure polonaise pour faire retourner dans leur patrie leurs compatriotes ne est prise en prévision d’un éventuel conflit ethnique.
F- Voit-on des signes d’un conflit ethnique possible ?
EC- Pour l’instant, il y a des pressions dans le domaine de l´activité économique. Naguère, des entreprises russes et kazakhes se faisaient concurrence à égalité ; à présent, les entreprises kazakhes sont avantagées. Inversement, on note toujours cette mentalité « colonialiste » chez les « Blancs » (appelés » khazakhstanais « ). Par exemple, ils se refusent à étudier la langue locale.