"Le Seigneur, Créateur du monde, protège son peuple"

Catéchèse sur le Cantique de Judith

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CITE DU VATICAN, Mercedi 5 septembre 2001 (ZENIT.org) – Lors de l´audience du mercredi 29 août, le pape Jean-Paul II a continué ses catéchèses liturgiques par le commentaire du cantique de Judith (Jdt 16,1-2a.13-15). Voici la traduction de cette catéchèse publiée le 4 septembre par L´Osservatore Romano dans son édition hebdomadaire en langue française:

1. Le Cantique de louange qui vient d´être proclamé (Jdt 16, 1-17) est attribué à Judith, une héroïne qui devint la fierté de toutes les femmes d´Israël, car c´est à elle qu´il revint d´exprimer la puissance libératrice de Dieu à un moment dramatique de la vie de son peuple. La liturgie des laudes ne nous fait réciter que certains versets de son cantique. Ils nous invitent à faire la fête, en chantant à gorge déployée, en jouant du tambourin et des cymbales, pour louer le Seigneur « briseur de guerre » (v. 2).

Cette dernière expression, qui définit le véritable visage de Dieu amant de la paix, nous introduit dans le contexte dans lequel l´hymne est né. Il s´agit d´une victoire remportée par les Israélites de manière tout à fait surprenante, grâce à l´oeuvre de Dieu qui intervient pour les soustraire à la perspective d´une défaite imminente et totale.

2. L´Auteur sacré reconstruit cet événement à une distance de plusieurs siècles pour offrir à ses frères et à ses soeurs dans la foi, tentés par le découragement dans une situation difficile, un exemple qui puisse les réconforter. Il revient ainsi à ce qui était arrivé à Israël quand Nabuchodonosor, irrité par la résistance de ce peuple face à ses visées expansionnistes et à ses prétentions idolâtres, avait envoyé le général Holopherne avec la mission précise de le soumettre et de l´anéantir. Personne ne devait lui résister, lui qui revendiquait les honneurs dus à Dieu. Son général, qui en partageait la présomption, s´était moqué de l´avertissement, qui lui était pourtant parvenu, de ne pas attaquer Israël, car cela aurait été comme attaquer Dieu lui-même.

Au fond, l´auteur sacré désire précisément répéter ce principe pour confirmer dans la fidélité au Dieu de l´alliance les croyants de son époque: il faut avoir confiance en Dieu. Le véritable ennemi qu´Israël doit craindre n´est pas les puissants de cette terre, mais l´infidélité au Seigneur. C´est cette dernière qui le prive de la protection de Dieu et le rend vulnérable. En revanche, lorsqu´il est fidèle, le peuple peut compter sur la force même de Dieu, « admirable dans sa force, invicible » (v. 13).

3. Ce principe est merveilleusement illustré par toute l´histoire de Judith. La scène est celle d´une terre d´Israël désormais envahie par les ennemis. Le caractère dramatique de ce moment apparaît dans le cantique: « Assur descendit des montagnes du septentrion, il vint avec les myriades de son armée. Leur multitude obstruait les torrents, leurs chevaux couvraient les collines » (v. 3). L´arrogance éphémère de l´ennemi est soulignée avec sarcasme: « Ils parlaient d´embraser mon pays, de passer mes adolescents au fil de l´épée, de jeter à terre mes nourrissons, de livrer au butin mes enfants et mes jeunes filles au rapt » (v. 4).

La situation décrite dans les paroles de Judith est semblable à d´autres situations vécues par Israël, où le salut était arrivé alors qu´il semblait ne plus y avoir d´issue. Cela n´avait-il pas également été le cas lors de la fuite de l´Exode, du passage prodigieux de la mer Rouge? A présent, également, le siège effectué par une armée nombreuse et puissante ôte toute espérance. Mais tout cela ne fait que souligner la puissance de Dieu qui se manifeste comme le protecteur invisible de son peuple.

4. L´oeuvre de Dieu apparaît d´autant plus lumineuse qu´il n´a pas recours à un guerrier ou à une armée. Comme autrefois, à l´époque de Deborah, où il avait éliminé le général cananéen Sisera au moyen de Yaël, une femme (Jg 4, 17-21), il se sert à présent à nouveau d´une femme sans défense pour venir en aide à son peuple en difficulté. Forte de sa foi, Judith s´aventure dans le campement ennemi, subjugue le général par sa beauté et le supprime de façon humiliante. Le cantique souligne profondément ce fait: « Car leur héros n´est pas tombé devant des jeunes gens, ce ne sont pas des fils de titans qui l´ont frappé, ni de fiers géants qui l´ont attaqué, mais c´est Judith, fille de Merari, qui l´a désarmé par la beauté de son visage » (Jdt 16, 5-6).

La figure de Judith deviendra ensuite l´archétype qui permettra non seulement à la tradition juive, mais également à la tradition chrétienne, de souligner la prédilection de Dieu pour ce qui est considérée comme fragile et faible, mais qui, précisément pour cette raison, est choisi pour manifester la puissance divine. Elle est également une figure exemplaire servant à exprimer la vocation et la mission de la femme, appelée comme l´homme, selon ses qualités spécifiques, à jouer un rôle significatif dans le dessein de Dieu. Certaines expressions du livre de Judith passeront, plus ou moins intégralement, dans la tradition chrétienne, qui verra dans l´héroïne juive l´une des préfigurations de Marie. N´est-ce pas un écho des paroles de Judith que l´on entend quand, dans le Magnificat, Marie chante: « Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles » (Lc 1, 52)? On comprend donc comment la tradition liturgique, familière aux chrétiens d´Orient comme d´Occident, aime attribuer à la Mère de Jésus des expressions se référant à Judith, comme les suivantes: « Tu es la gloire de Jérusalem! Tu es le suprême orgueil d´Israël! Tu es le grand honneur de notre race! » (Jdt 15, 9).

5. En partant de l´expérience de la victoire, le cantique de Judith se conclut par une invitation à élever à Dieu un cantique nouveau, en le reconnaissant « grand et glorieux ». Dans le même temps on avertit toutes les créatures de rester soumises à Celui qui, par sa parole, a fait chaque chose et qui, par son esprit, les a modelées. Qui peut résister à la voix de Dieu? Judith le rappelle avec une profonde emphase: face au Créateur et Seigneur de l´histoire, les montagnes crouleront, les rochers fondront comme la cire (cf. Jdt 16, 15). Ce sont des métaphores efficaces pour rappeler que rien ne peut être comparé à la puissance de Dieu. Toutefois, ce cantique de victoire ne désire pas effrayer, mais consoler. En effet, Dieu utilise sa puissance invincible pour soutenir celui qui lui est fidèle: « A ceux qui te craignent tu seras encore propice » (Ibid.).

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ZENIT Staff

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