Mondialisation/G 8: La solidarité, clef de la Mondialisation "selon la Pentecôte"

Entretien avec M. Camdessus

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ROME, Mercredi 18 juillet (Zenit.org) – « Faisons un G 24 », propose Michel Camdessus interrogé par L´Avvenire sur le prochain sommet du G 8. Il voit dans la solidarité, la « règle » nécessaire à une mondialisation réussie: « Si l´on n´introduit pas dans la mondialisation un supplément de solidarité, on va à la catastrophe », dit-il. Pour l´économiste, c´est « un devoir de plus en plus grave et de plus en plus évident de « suivre » les exhortationsdu pape ». Nous traduisons ci-dessous la première partie de l´entrevue.

Pour M. Camdessus, la solidarité est en quelqque sorte la « loi », la « règle » nécessaire à une mondialisation réussie. Il parle de « mondialisation responsable ». Il considère comme « urgent » et « juste » d´élargir le sommet du G 8 aux dimensions actuelles du Fonds monétaire international, en le transformant en un G 24 capable de discuter et de décider sur la remise de la dette.

Enarque, Michel Camdessus, a été pendant treize ans à la tête du Fond monétaire international, après avoir été en France à la Direction générale du trésor, et à celle de la Banque de France. C´est un « humaniste, formé, précise L´Avvenire, à la lecture de Maritain et Teilhard de Chardin ». Il aime se présenter comme un « simple homme de la rue », mais il ne perd rien du débat sur la mondialisation et la lutte contre la pauvreté. Il est membre du Conseil pontifical Justice et Paix.

Q. – Quelle impression vous a fait le dernier vibrant appel du pape pour le G 8?

R. – Je l´ai trouvé parfaitement cohérent avec la ligne de tout son pontificat. Jean-Paul II demande une « mondialisation solidaire » et il a raison. Sans solidarité, la globalisation, c´est « Babel », c´est-à-dire une humanité écrasée et dispersée sous la loi d´un totalitarisme: que ce soit celui de l´argent, de la technocratie ou du pouvoir. Une mondialisation réussie n´est pas selon Babel, mais selon la Pentecôte, où toute communauté humaine s´exprime avec ses différentes valeurs et sa culture. C´est le message de toujours du pape. Et moi, en tant qu´économiste, j´ai envie d´ajouter: si l´on n´introduit pas dans la mondialisation un supplément de solidarité, on va à la catastrophe. C´est pourquoi je comprends bien la force de l´appel du pape, et surtout ce passage, qui m´a beaucoup frappé, où il parle des « exigences non négociables ».

Q. – Mais cet appel, et les autres ont-il une chance d´être accueillis à Gênes?

R. – Je peux dire que, chaque jour qui passe, c´est, pour ces huit personnalités (neuf, en comptant le président de la commision européenne), un devoir de plus en plus grave et de plus en plus évident non seulement de suivre les exhortations du pape, mais de s´unir à lui. C´est le G 8 lui-même qui devrait dire des choses de ce genre. C´est bien que ce soit le pape qui les dise mais ce sont surtout ces hommes qui ont en main les destinées politiques et économiques de les dire. J´ajoute que de leur part cette solidarité mondiale ne serait pas seulement une preuve de générosité, mais une preuve de la gestion éclairée et intelligente des intérêts de leurs pays. Parce que dans un monde qui s´unifie, le cancer de la pauvreté, partout où elle se manifeste, même très loin de New York ou de Rome, est une menace immédiate pour les nations industrialisées elle-mêmes: maladies contagieuses, immigration clandestine, fondamentalisme terroriste. Le monde est un et donc, bien le gérer signifie mettre au coeur de la gestion la valeur de la solidarité.

Q. – Vous avez parlé, récemment de la « globalisation responsable »: qu´entendez-vous par là, concrètement?

R. – L´expérience des années ´90 nous ont enseigné qu´un problème ou une crise, partout où ils se manifestent, même dans un petit pays, peut devenir une crise universelle. Nous avons vu que lorsque la Thaïlande s´écroule (cela vaut aussi pour le Brésil ou la Corée) Wall Street aussi risque de s´écrouler. Cela signifie que tout responsable économique d´un pays est responsable aussi de l´équilibre universel. Ce qui lui impose un devoir « d´excellence » bien plus grand que par le passé et le devoir permanent d´insérer dans ses évaluations et dans sa stratégie non seulement le bien commun de son peuple, mais aussi l´impact des mesures qu´il prendra sur le reste du monde. Mais à côté de cette première dimension de la responsabilité universelle, il y en a une autre, sur laquelle, selon moi, on n´insiste pas assez.

Q. – Et c´est?

R. – On a pensé pendant longtemps que ce sont les gouvernements les responsables de l´équilibre économique du monde. Aujourd´hui, avec la globalisation, avec la privatisation de l´économie, avec les phénomènes médiatiques que nous connaissons, ils y a beaucoup plus d´acteurs qui partagent cette responsabilité unverselle. Les grandes entreprises partagent la responsabilité de leur domaine économique. Les grandes banques sont plus chargées du bien public que de la distribution du crédit. Et enfin, vous et moi aussi, en tant que membres de la société civile, nous avons une capacité d´influence beaucoup grande qu´autrefois au nveau universel. Se dessine cette grande dimaension de´une société civile universelle. N´oublions pas que la société civile est est à l´origine de toutes les grandes brèches sur le front des droits de l´homme dans le monde. Nous devons par conséquent insérer dans le gouvernement mondial aussi cette responsabilité de la société civile.

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ZENIT Staff

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