Jean Paul II en Ukraine : "Jean-Paul II a fait avancer l´Histoire"

“Sous le signe de la faiblesse”

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ROME, 12 juillet (zenit.org) – « Jean-Paul II a fait avancer l´Histoire » titre le P. Christian Forster, secrétaire de la Commission épiscopale française pour l´Unité des chrétiens, dans un article publié par le site de la conférence des évêques (http://www.cef.fr) où il fait un premier bilan de la visite de Jean-Paul II en Ukraine en juin dernier. D’emblée, l’auteur souligne aque ce voyage, entrepris pour la fête du Précurseur se présentait humblement,  » Sous le signe de la faiblesse « .

– « Jean-Paul II a fait avancer l´Histoire » –

Sous le signe de la faiblesse

Jean-Paul II est arrivé en Ukraine sous le signe de Jean-Baptiste.
En voyant ce Pape affaibli, la formule de Jean revient à l´esprit :  » il
faut qu´il croisse et que je diminue « . C´est bien le Christ que l´évêque de
Rome vient mettre en avant ; et qui donc pourrait craindre cette évidente
faiblesse ?

Sans doute est-ce l´Eglise qu´il représente qui fait peur à certains, mais
il n´arrivait pas en conquérant, il l´a dit dès son arrivée à l´aéroport de
Kiev. Il venait rencontrer des chrétiens, des catholiques, et les orthodoxes
qui le voulaient, dans un peuple qu´il connaît bien, auquel il est lié par
son ascendance maternelle. Dès le début de son pontificat, il avait souhaité
venir. Il a donc patienté une vingtaine d´années. Pouvait-il attendre
encore, d´autant qu´il est peut-être le seul, avant longtemps, à pouvoir
relever un tel défi.

Une dignité retrouvée et célébrée

En sachant l´histoire récente de cette région, on voit que cette visite
était un hommage et un honneur rendu à des gens longtemps ballottés,
déplacés, méprisés. Les liturgies ont été des temps de rassemblement dans la
réconciliation, des moments de joie, et une forme de réhabilitation.
Pour tous ces clandestins d´hier qui devaient se cacher pour prier,
doublement humiliés par le pouvoir politique et l´effacement religieux, quel
retournement de situation. Dix ans plus tôt tout cela était proprement
inimaginable, y compris les longs comptes-rendus à la télévision officielle.
Même après la liberté retrouvée, ils n´avaient jamais osé autant se
manifester ensemble, publiquement, or ils étaient là !  » Ils venaient de la
grande épreuve « , au moins les plus âgés, et cet homme fragile leur offrait
la possibilité de manifester leur existence, par leur nombre, leurs chants,
leur prière. Moments d´intense émotion, difficile à traduire, sans doute
au-delà même des marques de jubilation perçues.

J´ai compris une autre fonction de la liturgie, celle de montrer l´existence
d´un peuple et de lui rendre la dignité et la parole. C´était aussi le temps
de l´unité, une religieuse me glissait à l´oreille,  » vous voyez, il y a là
les hongrois, des polonais, des ukrainiens, des russes, des tchèques, nous
sommes ensemble « . Et, de fait, la prière universelle a utilisé toutes ces
langues (en oubliant le roumain). Il y avait là aussi des latins et des
greco-catholiques, pas toujours si fraternels, que la Pape invitait à
dépasser leurs querelles. Il y avait aussi quelques protestants, salués
explicitement par l´animateur à la messe latine de dimanche matin. quelques
orthodoxes s´étaient-ils risqués là pour entendre le pardon demandé et
offert par Jean-Paul II et le Cardinal Husar, de même que l´invitation à la
fraternité ?

L´avenir en perspective

Avant la messe greco-latine qui fut un sommet, la rencontre avec les jeunes
a été très impressionnante ; près de 500 000 personnes massées sur un
terrain quelconque, devant une église visiblement construite avec des moyens
de fortune, mais une étonnante ferveur, une attente une écoute, même sous la
pluie battante. Le Pape a invité les jeunes à construire leur avenir. Il
leur a rappelé leur  » asservissement  » par le communisme et les a mis en
garde contre celui du consumérisme qui se profile. Les danses folkloriques
impeccables exécutées, après la pluie, par des enfants et des adolescents,
disaient toute la joie de ceux qui étaient là et le Pape visiblement en
forme s´est laissé entraîner à chanter une vieille chanson de veillée sous
les sourires amusés des cardinaux présents ( » le poisson dans son eau « ,
selon le bon mot de l´un d´eux) et les acclamations de la foule.

Quel sera l´impact de cette étonnante visite ?

En venant, le Pape brisait un tabou, entretenu par l´opposition de Moscou,
qui maintient des frontières religieuses là où sont tombées celles de la
politique, il montrait que l´accusation éculée de prosélytisme,
inlassablement ressassée, ne tient pas ; (les évêques de Novossibirsk, ou
Irkoutsk le disent), les catholiques ne viennent pas conquérir un territoire
réservé, ils témoignent de l´énorme tâche d´évangélisation (1 pour cent des
fidèles orthodoxes ont célébré la pâques en 2000, selon le patriarcat) et
tant de besoins requièrent la coopération étroite des orthodoxes et des
catholiques plutôt que leur opposition ; les hommes et le Christ y ont tout
à gagner.

Cette visite aura montré que la recherche de l´unité ne se fait pas dans le
fixisme mais dans le mouvement. Il fallait dépasser ce blocage. A coup sûr,
les orthodoxes vont débattre entre eux, car les intellectuels et les mieux
informés parmi les russes sont désolés de l´attitude de la hiérarchie en
cette occasion.

Sur le plan ecclésial, on sait peu que le Métropolite Vladimir Primat
d´Ukraine (en communion avec Moscou) a reçu en avril une délégation du
Patriarcat de Constantinople pour envisager le règlement du schisme qui
aboutit à trois Églises orthodoxes en Ukraine.

Des dispositions ont été prises, en juin, au Phanar, en vue de rétablir une
seule Eglise. Philarète (Denisenko, patriarche autoproclamé) et Mefody
(Kudriakov, dissident, Eglise hors frontières) se sont dits en communion. Un
accord a été trouvé pour la concélébration des prêtres de leurs deux Églises
; l´affermissement de cette communion eucharistique doit être discuté le 6
juillet prochain. Une délégation de ces deux groupes a reçu du Patriarche
Bartholomée son soutien personnel pour parvenir à un patriarcat autocéphale
en Ukraine ; la question de savoir qui le présidera viendra plus tard. Il
est envisagé sérieusement que ce nouveau patriarcat ukrainien soit être en
communion ecclésiastique aussi bien avec Rome qu´avec Constantinople, il y
aura donc des contacts. Il est assez clair que, dans un premier temps,
Bartholomée n´agira pas sans Moscou, mais si Alexis devait se buter, il
n´est pas certain qu´on s´en tiendrait à son refus.

La situation est donc loin d´être figée à l´heure actuelle et on doit
s´attendre à des développements intéressants, même s´ils ne résolvent pas
tous les problèmes.

Pour finir, l´ancien premier ministre et compagnon de Solidarnosc, Tadeusz
Mazowiecki, discrètement présent dans la foule, trouvait cette visite
inespérée et porteuse de réconciliation, de liberté et de démocratie pour
l´avenir du pays. Une fois de plus, en proclamant l´Evangile au cœur de
l´Eglise et dans un contexte particulier, Jean-Paul II a fait avancer
l´histoire.

P. Christian FORSTER

© Cef.fr

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ZENIT Staff

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