ROME, lundi 18 juin 2007 (ZENIT.org) – Aujourd’hui les conditions et les possibilités d’une nouvelle réconciliation entre scientifiques, théologiens et philosophes capables de proposer un humanisme ouvert aux conquêtes des différents contenus du savoir, sont posées, affirme Mgr Marcelo Sanchez Sorondo.
SRM), le chancelier de l’Académie pontificale des sciences et de l’académie pontificales des sciences sociales, souligne également la nécessité d’offrir « une vision objective du monde qui sache intégrer les différents contenus du savoir, tout en tenant compte de leurs différences ».

Q – Comment voyez-vous les perspectives d’un nouvel humanisme et comment pensez-vous qu’elles puissent se concilier ou se relier à l’humanisme de la renaissance, chrétien et catholique, au lieu de se baser sur le rationalisme ou sur le scientisme ?

Mgr Sanchez Sorondo – L’humanisme a pour fin la personne humaine. Donc, pour avancer, l’homme a sans cesse besoin de se remettre en question et de le faire en fonction du monde dans lequel il vit, en fonction de sa nature et de son histoire. Je crois qu’il revient à chaque génération de proposer une vision humaniste du monde, mais cet humanisme doit être ouvert aux conquêtes des autres contenus du savoir et, surtout, il doit être ouvert à Dieu.

Mais chercher à réduire ou à ramener l’homme à sa seule chaire, à son seul cerveau et donc, à sa matérialité pure, ou vouloir affirmer que tout est une question d’évolution, et que tout s’explique par la complexité ou le chaos, est vouloir donner une vision humaniste sans débouché, qui ne correspond même pas à la vision des grands scientifiques.

Assurément, il y a aujourd’hui des scientifiques plus ouverts aux questions qui touchent d’autres disciplines que la science, animés d’une volonté d’échanges, mais nous voyons aussi apparaître chez d’autres savants, comme les théologiens (la preuve en est cette récente faculté qui a déjà apporté ses premiers fruits en remettant ses premiers diplômes) et les philosophes, un nouvel intérêt pour la science et pour sa valeur culturelle.

Je pense donc que les conditions et les possibilités d’une nouvelle réconciliation sont là. Mais il faut que cette réconciliation ne soit pas subjective, autrement dit adaptée à chacun à sa façon, en résumant comme on peut les différents aspects du savoir. Non, ce qu’il faut c’est pouvoir offrir, disons, une vision objective du monde, qui sache intégrer ces différents contenus du savoir, mais en tenant compte de leurs différences, et non comme si tout cela ne formait qu’un tout. Comme le disait Jacques Maritain : « séparer pour unir », autrement dit séparer pour bien voir les différents plans et donc avoir une compréhension plus complète selon les divers niveaux du savoir.

Je pense que nous traversons une époque importante qui nous appelle à relever un défi. D’abord parce que la science a compris que seule elle ne peut y arriver. Elle cherche donc à dialoguer et, entre autres, à se faire entendre par la majorité. D’autre part, on constate que les autres disciplines s’intéressent beaucoup à la science, qu’elles sont conscientes de sa portée culturelle et de sa dimension vitale dans l’histoire de l’être humain. Nous pensons par exemple à l’environnement et aux perspectives de vie sans dépendance. Pour finir, qui mieux que le pape est là pour nous soutenir dans ces efforts que nous déployons pour affronter courageusement tous les grands thèmes, notre seul souci étant d’y trouver les éléments qui serviront à alimenter cette réconciliation. Il suffit de penser à son récent discours à l’Eglise italienne.

Q – Quel rôle la philosophie doit-elle avoir, selon vous, dans le monde contemporain ? Pensez-vous qu’elle puisse être un bon intermédiaire entre la science et la foi ?

Mgr Sanchez Sorondo –
La philosophie est à juste titre absolument indispensable, car la science à elle seule ne suffit pas ; il y a des questions comme la signification même de la science (qui sert de point de départ à la vérité), auxquelles la science ne peut pas apporter de réponse ; les scientifiques sont d’ailleurs en train de s’ouvrir à une recherche d’un autre type, basée sur une autre dimension.

Je pense donc que la philosophie est un cheminement privilégié de l’esprit qui nous a permis, au fil de l’histoire, de faire la différence entre l’être et le non être, de définir le principe de la non-contradiction, de faire la distinction entre le bien et le mal, entre ce qui est juste et injuste; de là sont nées toutes les grandes sciences, aussi bien théoriques que pratiques. Elles sont parties de ces différentiations ; et aujourd’hui, si nous voulons comprendre ce qu’est l’être humain, nous avons besoin de la science, mais nous avons aussi besoin de la philosophie. Un petit exemple : pour un biologiste la cellule embryonnaire est une cellule, pour un philosophe, cette cellule a une âme spirituelle (elle a un code génétique, elle est un projet humain), pour un théologien, elle est un enfant de Dieu.

Donc comment pouvons-nous comprendre la réalité sans passer en revue toutes ces dimensions et toutes ces perspectives ? Elles sont différentes mais elles doivent en même temps être réconciliables et réconciliées.

Q – Quels doivent être le rôle et la responsabilité éventuelle des médias et des moyens de communication dans la manière de définir la science et la religion et dans leur rapports mutuels?

Mgr Sanchez Sorondo –
Les médias doivent bien entendu être attachés au souci de vérité. Ils ne doivent donc pas diffuser de fausses informations ou parler de réalités qui n’existent pas, sous prétexte de se rendre plus visibles ou de susciter plus d’intérêt. Plus que jamais, dans des domaines aussi délicats que ceux de la science et de la religion, ils doivent être attentifs à ce que les scientifiques affirment réellement, et ne pas présenter une prétendue idéologie ‘scientiste’, comme s’il s’agissait d’une nouvelle religion fondée sur l’évolution et le chaos, d’ailleurs totalement étrangère au vrai comportement des grands scientifiques.

Durant toute mon expérience de chancelier à l’Académie pontificale des sciences, de 1998 à aujourd’hui, je n’ai jamais connu de scientifique qui m’ait dit ne pas vouloir faire partie de l’Académie parce que c’est « l’Académie du pape », et sachant quel est le magistère de l’Eglise sur des aspects concernant par exemple la biologie, ou des sujets comme les cellules souches embryonnaires.

Si nous les écoutons, les scientifiques ont une attitude d’ouverture à l’égard des autres branches du savoir, de l’éthique, et par rapport au magistère de l’Eglise. Mais souvent les journalistes servent de filtres et disent sciemment le contraire.

Les journalistes ne doivent pas créer de barrière entre la science d’une part et la philosophie et la religion de l’autre, mais ils doivent informer de manière transparente. Il serait même bien qu’ils fassent preuve eux aussi de ce nouvel esprit de dialogue et de réconciliation qui anime les scientifiques et les humanistes.

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