ROME, lundi 18 octobre 2004 (ZENIT.org) - Les problèmes de santé du pape affectent-ils son pontificat ? C'est la question que Zenit a posée à George Weigel, auteur de la célèbre biographie de Jean-Paul II "Témoin de l'espérance", à l'occasion du 26ème anniversaire de l'élection de Karol Wojtyla à la Chaire de Pierre.

Zenit : Dans quelle mesure les problèmes de santé du pape ont-ils affecté son pontificat ces dernières années ?

George Weigel : Je crois que la souffrance du pape a souligné le caractère évangélique de son pontificat. La phrase la plus sage jamais écrite sur Jean-Paul II est peut-être celle que le journaliste français André Frossard a écrite pour son journal de Paris, le jour de l'inauguration du pontificat : "Ce n'est pas un pape de Pologne. C'est un pape de Galilée".

Le monde observe maintenant ce "pape de Galilée" qui dirige l'Eglise, non pas depuis un trône mais depuis le chemin de croix, depuis le Calvaire. En invitant l'Eglise et le monde à faire le "chemin de croix" avec lui, Karol Wojtyla continue à prêcher Jésus-Christ jusqu'au bout.

Zenit : Dans un monde qui a souvent du mal à accepter la maladie et la souffrance, quelle leçon pouvons-nous tirer de la manière dont le pape vit ses propres limites physiques ?

George Weigel : Le pape enseigne au monde qu'il n'y a pas d'êtres humains jetables. Toute personne a du prix, un prix infini, de sa conception jusqu'à sa mort naturelle.

Les défunts Christopher Reeve ou Michael J. Fox sont-ils les seuls à pouvoir nous conseiller en matière de recherche sur les cellules souches détruisant des embryons ? Pourquoi ne pas regarder Jean-Paul II, qui n'a pas adapté ses convictions à sa situation personnelle ? Son témoignage à la vérité n'est-il pas aussi évident et aussi fort que celui des autres ?

Zenit : Le fait de voir le pape se déplacer en fauteuil roulant fait quel effet sur l'Eglise et sur le monde selon vous ? Dans quelle mesure cela affecte leur vision de la papauté, et leur vision d'eux-mêmes ?

George Weigel : L'un des titres les plus anciens des papes est "servus servorum Dei", le serviteur des serviteurs de Dieu. L'Eglise et le monde voient un pape qui donne sa vie jusqu'au bout, au service des vérités sur lesquelles il a basé sa vie. Puisse l'Eglise tout entière s'inspirer de ce témoignage pour faire des actes semblables de don de soi.

Zenit : Que diriez-vous à ceux qui estiment que Jean-Paul II pourrait envisager de démissionner ?

George Weigel : Je leur suggérerais d'écouter ce que dit le pape. Il a dit à plusieurs reprises qu'il déposerait ce fardeau de service lorsque Dieu le lui retirerait.

Zenit : Avec toutes les initiatives comme l'Année du Rosaire, l'Année de l'Eucharistie, etc. l'accent du pontificat a-t-il changé ?

George Weigel : Je ne crois pas. La priorité est toujours la Nouvelle évangélisation comme la réponse de l'Eglise à la crise de la civilisation du monde à notre époque. Mais on peut peut-être dire qu'il y a un approfondissement spirituel de cette priorité.

Si la Nouvelle Evangélisation n'est pas enracinée dans la prière elle ne peut pas réussir. L'Eglise porte l'Evangile au monde à travers l'expérience de l'Eucharistie qui donne la vie et à travers les rythmes réguliers de sa prière.

Zenit : On a l'impression qu'aujourd'hui on voit davantage le côté mystique de Jean-Paul II, alors que dans les premières années on voyait surtout celui qui faisait bouger le monde sur un plan géopolitique ?

George Weigel : Les deux dimensions ont toujours été présentes. L'homme que nous voyons aujourd'hui, qui dirige l'Eglise depuis le Calvaire, est le même que celui qui a joué un rôle clé dans l'effondrement du communisme européen. L'action du pape à la tête de l'Eglise a toujours été profondément marquée par sa vie intérieure riche et complexe.