Première publication le 2 octobre 2025
Par Florence de Maistre
Tous les missionnaires laïcs et religieux ont été invités à Rome les 4 et 5 octobre derniers pour vivre le jubilé des Missions. L’occasion de s’intéresser à l’engagement missionnaire en France et dans le monde entier, entre éclairages et témoignages.
“Les enjeux de la coopération missionnaire se greffent directement sur la mission du Christ : Allez dans le monde entier, de tous les peuples, faites des disciples. L’invitation du Christ rapportée en Matthieu 28, 19 est au cœur de la vie ecclésiale”, énonce le P. Michel Clémencin, qui termine tout juste son mandat de responsable du service de coopération missionnaire pour le diocèse de Lyon. Toutes les personnes ainsi engagées dans l’annonce de l’Évangile sont appelées à se rassembler à Rome les 4 et 5 octobre pour vivre ensemble le jubilé du monde missionnaire “Pèlerins d’Espérance”. La Mission est initialement entendue ad extra, c’est-à-dire dans sa dimension internationale pour l’évangélisation des pays non christianisés et le soutien auprès des jeunes Églises. Aujourd’hui, elle se poursuit avec force et espérance, malgré les nombreuses secousses géopolitiques qui la traversent, dont la question des migrations. Elle est particulièrement mise en lumière chaque année lors de la Semaine missionnaire mondiale, cette année du 12 au 19 octobre, en invitant chaque fidèle à porter ses frères du monde entier dans la prière et le partage.
“Notre diocèse n’envoie plus de prêtres Fidei donum [qui portent le souci de la mission universelle de l’Église] dans des diocèses d’autres continents : le mouvement s’est inversé. Les prêtres apportent à nos communautés le dynamisme de leurs jeunes Églises, leur bienveillance et leur joie communicative. Les échanges théologiques, liturgiques et culturels sont d’une grande fécondité pour une nouvelle évangélisation. J’en rends grâce”, confie le P. Clémencin. À charge pour les équipes diocésaines de la Mission universelle d’accueillir ces prêtres venus des quatre coins du monde, d’échanger et de partager avec eux, dans un esprit de service d’Église à Église. C’est ce même esprit qui préside également aux nombreux jumelages entre les diocèses de l’Église en France et ceux d’autres pays. Certains, historiques, se sont développés de longue date. D’autres, tous récents, manifestent le désir d’ouverture, de connaissance et d’amitié internationale des chrétiens d’ici et d’ailleurs.
De la solidarité internationale à l’évangélisation de proximité
Des volontaires sont toujours envoyés dans les Églises d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie pour des missions d’aide, d’accompagnement, de soutien. L’an dernier, ils étaient 421, accompagnés par la DCC (Délégation catholique pour la coopération), à partir pour quarante pays différents. De nombreux autres organismes se mobilisent également, au nom de leur foi, pour la solidarité internationale et proposent des services de quelques mois à quelques années : les OPM (Œuvres pontificales missionnaires), les Missions Africaines, Fidesco, etc. À noter, “le terme de mission s’est laïcisé. Dans le langage courant, il signifie charge ou service. Pour nous, il veut dire envoyé par le Christ”, précise le P. Clémencin. Les volontaires s’engagent en réponse à des besoins en termes de coordination de projets, de soutien à l’enseignement, d’animation sociale, etc. En agissant au plus près des populations, ils tissent de profonds liens humains, fraternels et de communion. “À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres” (Jean 13, 35).
Depuis plusieurs années, la Mission s’entend également ad intra, c’est-à-dire au plan local. Les communautés chrétiennes s’investissent de plus en plus dans une évangélisation de proximité, en engageant chaque baptisé à se réapproprier la mission d’annonce de l’amour du Christ, ici et maintenant : “Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !” (1 Co 9, 16). C’est dans cette dynamique que le Congrès Mission est né il y a 10 ans, à l’initiative de Anuncio et en partenariat avec plusieurs mouvements et communautés missionnaires (Alpha, Ain Karem, la Communauté de l’Emmanuel et chaque année de nouveaux partenaires) et que l’association La Nuit pour la Mission (Hozana, la Communauté de l’Emmanuel, l’1visible, la Mission Ismérie, SAJE Productions, Marie de Nazareth et Alpha) vient de fêter son cinquième anniversaire ce 25 septembre à Paris. Elle présente chaque année une dizaine de projets d’action missionnaire en France à des donateurs. Les structures de solidarité internationale proposent désormais, elles aussi, des missions de volontariat en France. “Nous ne sommes pas les premiers à entamer ce mouvement de l’international vers le local. C’est un mouvement de fond que l’on peut observer depuis la création de l’association du Rocher par des membres de la Communauté de l’Emmanuel [en 2001, présence au sein des quartiers prioritaires], la mission Isidore [au service du monde rural], ou encore le Volontariat Sacré-Cœur qui propose depuis plusieurs années des missions locales et internationales”, indique Jean-Baptiste Lareigne, responsable d’Inigo, le service jésuite du volontariat pour la province d’Europe occidentale francophone (EOF). Depuis la crise sanitaire et face à l’évolution du profil des candidats, Inigo a revu ses propositions pour favoriser le volontariat d’engagement avec des missions au sein de la province EOF (France, Belgique, Luxembourg, Grèce et océan Indien).
Un volontaire plus mûr pour une mission plus courte
“Nous ressentons une plus grande fragilité chez les jeunes, notamment psychologique, qui se traduit avec un repli sur ce qu’ils connaissent. Il y a un vrai souhait chez eux de trouver une communauté accueillante et chaleureuse… la vie communautaire serait presque suffisante de ce côté-là. Ils expérimentent qu’il est bon d’être ensemble. C’est beaucoup moins certain à l’international, les cultures sont différentes et l’inconfort constant, profitable certes mais plus rude. Les jeunes attendent une communauté qui prenne soin d’eux. Nous recevons aussi leur désir de s’engager davantage localement, notamment en lien avec le réveil chrétien en France et l’évolution du nombre de catéchumènes qui donnent un bel élan”, poursuit le responsable d’Inigo. Recommençants, jeunes convertis, néophytes : tous les baptisés font partie des candidats au volontariat. “L’engagement missionnaire, c’est suivre le Christ au quotidien. C’est vivre tout ce que l’on fait à la lumière de l’esprit du Christ. C’est vraiment un état d’esprit”, assure Jean-Baptiste Lareigne. En dix ans, la durée moyenne de la mission de volontariat toutes destinations confondues s’est réduite de quatre mois. Elle est passée de dix-neuf à quinze mois entre 2014 et 2024 (chiffres rapports d’activité DCC). Dans le même temps, l’âge moyen de départ s’est élevé de sept ans (27 ans en 2014, 34 ans l’an dernier). La part des femmes reste sensiblement la même de 60 % à 63 %, quand celle des couples bondit de 13 points pour représenter 37 % des volontaires partis avec la DCC en 2024. L’engagement “immersif” des jeunes s’inscrit ainsi dans une durée moindre, à la faveur d’une multiplicité d’autres expériences. Ils restent notamment investis dans des services en paroisse ou en mouvements d’Église, ponctuels, mais fidèles. “Nous avons des étudiants en responsabilité qui font vivre l’aumônerie et ceux des colocations qui se donnent pleinement dans des services comme du soutien scolaire ou les maraudes auprès des amis de la rue”, relève Gwenolé de La Selle, adjointe la Mission Saint Luc, maison d’Église pour les jeunes à Brest.
Aux grands mouvements déjà observés, d’un accueil des prêtres venus d’ailleurs et d’un recentrage plus local de la Mission, Jean-Baptiste Lareigne évoque encore une grande évolution du côté des jeunes : “le volontariat international concerne des jeunes qui soutiennent des pays étrangers dans des missions très concrètes. Aujourd’hui, c’est nous qui soutenons les jeunes dans leurs réflexions, engagements et choix de vie. C’est un changement fort. L’expérience va les façonner. Ils bénéficient d’une structure et d’un accompagnement spirituel tout au long du service. À leur retour, ils sont prêts à suivre un chemin vocationnel quel qu’il soit. La première des vocations du baptisé étant de suivre le Christ !” Au regard du nombre et de la diversité d’associations de volontariat, les jeunes peuvent largement choisir la proposition qui s’adapte le mieux à leur projet personnel. Le responsable d’Inigo de ponctuer : “c’est bien entendu légitime face aux contraintes de chacun, et ce bien que nous nous efforçions à un maximum de flexibilité. C’est aussi délicat, dans le sens où ces jeunes ferment une porte là où ils pourraient se laisser véritablement déplacer”.
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