Rencontre avec les Indiens d'Amazonie au Pérou © Vatican Media

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«Querida Amazonia» : les vraies préoccupations du pape François

Pour le célibat sacerdotal, un faisceau d’indices

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Ce qui préoccupe le pape François, en Amazonie, ce sont « les défis sociaux, pastoraux, écologiques et culturels auxquels est confrontée la région », et non pas l’ordination d’hommes mariés ou de femmes diacres, rapportent des évêques des Etats-Unis en visite ad limina à Rome.

Entretiens ad limina

Que le pape n’ait pas retenu la solution avancée par le synode ressort maintenant de sa conversation – deux heures et demi – avec les évêques des Etats-Unis en visite ad limina (Région XIII : Nouveau-Mexique, Arizona, Colorado, Utah, Wyoming), lundi 10 février 2020, rapporte l’agence des évêques catholiques des Etats-Unis CNS.

« Le pape François a déclaré à un groupe d’évêques américains que les gens qui se concentraient sur la possibilité d’ordonner des hommes mariés et des femmes diacres pour le service de l’Amazonie seraient déçus par son exhortation apostolique », indique l’agence, en anglais.

Mgr John Wester, de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, a déclaré à CNS que le pape avait dit aux évêques: « Je veux entendre ce que vous avez à dire. Les critiques, les plaintes et les questions sont les bienvenues. C’est ainsi que fonctionne le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit ne peut pas fonctionner si nous marchons tous sur des œufs et avons peur de dire quoi que ce soit. »

« La crise des abus sexuels, l’immigration, la polarisation dans la société et dans l’Église, la formation des séminaristes, le ministère des évêques et le rôle des femmes dans l’Église » ont été parmi les sujets abordés, ont déclaré plusieurs évêques.

Mgr Oscar Solis, de Salt Lake City, a déclaré que le pape François n’était pas entré dans le détail de « Querida Amazonia », mais qu’il a donné aux évêques l’impression que les questions d’ordonner des hommes mariés et des femmes diacres pour le ministère dans les communautés éloignées « seraient toujours sujet de discussion et de discernement futurs ».

« Il a dit qu’il ne croyait pas vraiment à l’ordination des hommes mariés, mais qu’allons-nous faire de toutes ces personnes privées de l’eucharistie ? », a déclaré l’évêque. Des communautés catholiques n’ont accès à la communion eucharistique qu’une fois par an.

Les préoccupations du pape

Le pape François a averti les évêques que de nombreux médias et le grand public se concentreraient sur ces deux questions – les prêtres mariés et les femmes diacres – alors qu’il voulait se concentrer, lui, sur « les défis sociaux, pastoraux, écologiques et culturels auxquels est confrontée la région amazonienne ».

Mgr Wester a déclaré à CNS qu’à propos du synode, « le pape, très doucement et très calmement, a dit: « Vous savez, ce point n’était vraiment pas un gros point » », bien que cela ait été soulevé, a déclaré l’archevêque, sans dire si la question concernait les prêtres mariés, les femmes diacres ou quelque chose d’autre. L’essentiel de la réponse du pape, a poursuivi l’archevêque, a été : « Je ne pense même pas à ce stade que c’est quelque chose que nous allons faire parce que je n’ai pas senti que le Saint-Esprit était à l’oeuvre en ce moment » dans ce sens.

Repartir de la femme

On a aussi prêté au pape François qu’il serait favorable à l’idée d’ordonner diacres des femmes. Pourtant, à une époque où le pape invite à « décléricaliser » les diocèses, il semble peu vraisemblable qu’il songe à « cléricaliser » des femmes. Mais il invite à donner une place majeure aux femmes selon leur charismes, y compris dans les instances décisionnelles de l’Eglise.

Son homélie du 1er janvier pour la fête de Marie Mère de Dieu est programmatique à cet égard : « Si nous voulons tisser d’humanité les trames de nos jours, nous devons repartir de la femme », a notamment déclaré le pape. En méditant sur l’Epître de saint Paul aux Galates (4,4) et spécialement sur l’expression « né d’une femme », le pape en a tiré des conséquences pour le monde et l’Eglise.

Or, c’est déjà souvent une réalité en Amazonie où des femmes ont un rôle majeur dans les communautés, comme en attestent les témoignages de femmes que nous avons rapportés pendant le synode.

Un faisceau d’indices

Surtout, à l’avant veille de la publication de « Querida Amazonia », la seule question qui semblait préoccuper était : le pape a-t-il l’intention d’adopter la proposition des pères du synode pour l’Amazonie (§ 111 du document final) d’ordonner prêtres des hommes mariés – des diacres permanents -, pour faciliter l’accès des communautés catholiques d’Amazonie à l’eucharistie?

Ce qui a filtré des entretiens avec les évêques des Etats-Unis, a balayé la question et libéré la pensée pour réfléchir aux autres préoccupations du pape quant à la situation des catholiques d’Amazonie.

Or,  dès la fin du synode, le pape avait mis l’accent non sur la solution de l’ordination d’hommes mariés, mais sur la formation des futurs prêtres des pays dont une partie est amazonienne, au zèle apostolique, comme nous le rappelions récemment, à la générosité apostolique, à la solidarité des autres diocèses avec l’Amazonie, et à la pastorale des vocations également appelée de ses vœux par les 181 pères synodaux, qui, au terme de leurs 3 semaines de travail, remis au pape leurs diagnostics sur « le cri de la terre et des pauvres » et leurs propositions pour l’annonce missionnaire et la vie de l’Église.

Dans son discours du 26 octobre, le pape a insisté non pas sur les « solutions » préconisées par le synode mais sur ses « diagnostics », dans les « quatre dimensions » (pastorale, culturelle, sociale et écologique) : probablement, il n’allait pas accueillir les solutions, mais ces diagnostics, c’est-à-dire le discernement collégial, sur la situation, souvent tragique, des catholiques d’Amazonie. Plus d’un évêque a reçu des menaces de mort pour les avoir défendus.

En janvier 2009, toujours à propos du célibat sacerdotal, le pape François citait clairement Paul VI, au retour de Panama : « Je préfère donner ma vie plutôt que de changer la loi sur le célibat », disait Paul VI que le pape François a cité en répondant à la presse dans l’avion Panama-Rome (27-28 janvier 2019). Le pape ajoutait : « Personnellement, que pense que le célibat est un don pour l’Église et je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat comme option. Non. »

L’anniversaire de la mort de sr Dorothy

Maintenant, tout ceci ne constitue qu’un faisceau d’indices : le texte lui-même parlera bientôt : l’exhortation apostolique post-synodale « Querida Amazonia – Chère Amazonie » sera disponible sur Zenit, demain, mercredi 12 février 2020, à 12h, en français.

Elle a été signée le 2 février, en la fête de la Présentation et elle est publiée le 12, en l’anniversaire du martyre de soeur Dorothy Stang (7 juillet 1931–12 février 2005) religieuse de la communauté de Notre Dame de Namur (Belgique).

Son biographe italien, Valentino Salvoldi, a vu en elle « La première martyre de la création » (« Prima martire del creato : Dorothy Stang« , éditions Paoline, 2011).

Le cardinal Michael Czerny fait observer que l’exhortation apostolique commence comme une « lettre d’amour » pour l’Amazonie: « Chère Amazonie ».

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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