Zenit a annoncé la prochaine béatification de martyrs du Laos. Eglises d’Asie (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris, propose aujourd’hui cette présentation de ces chrétiens dont l’Eglise reconnaît le martyre « en haine de la foi ».
Pour EDA, la béatification constitue certes un acte avant tout religieux mais également « sensible politiquement ». Explications ici.
Voici les prochains martyrs béatifiés présentés par EDA:
Au printemps 1953, la guérilla occupe la province laotienne de Sam Neua ; les missionnaires ont été évacués. Le jeune prêtre Joseph Thao Tiên, ordonné en 1949 a décidé pour sa part : « Je reste pour mon peuple. Je suis prêt à donner ma vie pour mes frères laotiens. » Quand on l’emmène vers le camp de Talang, les gens se mettent à genoux sur son passage en pleurant. Il dit : « Ne soyez pas tristes. Je vais revenir. Je m’en vais étudier… Continuez à faire progresser votre village… » Un an plus tard, le 2 juin 1954, il est condamné à mort et fusillé : il avait refusé, une fois de plus, d’abandonner son sacerdoce et de se marier.
Entre temps, à l’autre bout du pays, le P. Jean-Baptiste Malo, ancien missionnaire en Chine, avait été arrêté avec quatre compagnons. Il mourra bientôt d’épuisement et de mauvais traite-ments sur le chemin des camps, en 1954 dans une vallée perdue du Viêtnam. En 1959, son confrère des Missions Etrangères René Dubroux, ancien prisonnier de guerre en 1940, est trahi par un proche collaborateur et éliminé par la guérilla, qui le balaie comme un obstacle dérisoire à leur volonté. Cette année-là le Saint-Siège avait donné la consigne : « Le clergé, ainsi que le personnel auxiliaire religieux (excepté naturellement les vieillards et malades) doit rester à son poste de responsabilité, à moins qu’il ne vienne à être expulsé. »
Les missionnaires adoptent avec joie cette consigne, qui signe l’arrêt de mort pour plusieurs d’entre eux. En 1960, le jeune catéchiste hmong Thoj Xyooj et le P. Mario Borzaga ne rentrent pas d’une tournée apostolique. En avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les PP. Louis Leroy, Michel Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis à leur poste et abattus sans procès. De même dans le sud du pays, le P. Noël Tenaud et son fidèle catéchiste Outhay sont pris et exécutés ; le P. Marcel Denis sera retenu prisonnier quelque temps mais partagera le même sort. Un de leur confrères écrit : « Ils ont été, tous, d’admirables missionnaires, prêts à tous les sacrifices, vivant très pauvrement, avec un dévouement sans limite. En cette période troublée, nous avions tous, chacun plus ou moins, le désir du martyre, de donner toute notre vie pour le Christ. Nous n’avions pas peur d’exposer nos vies ; nous avions tous le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Evangile… »
En 1967, Jean Wauthier, infatigable apôtre des réfugiés, épris de justice, champion des droits des pauvres, est éliminé par une autre faction ; il laisse une population éperdue de douleur : « Nous avons perdu un père ! » Jean avait regardé plus d’une fois la mort en face. Il était prêt ; il a donné sa vie par amour pour les siens.
En 1968, Lucien Galan, lui aussi ancien missionnaire de Chine, visite les catéchumènes isolés du plateau des Boloven. Son jeune élève Khampheuane, 16 ans, a tenu à l’accompagner en raison du danger. Au retour de leur mission, on leur a tendu un guet-apens ; tous deux meurent sous les balles ; leur sang se mêle pour féconder la terre du Laos. L’année suivante c’est le tour du P. Joseph Boissel, le doyen des martyrs du Laos (60 ans), d’être pris en embuscade en route vers une petite communauté chrétienne, et exécuté comme eux.
Début 1970, le jeune catéchiste Luc Sy est envoyé en mission par son évêque dans la région de Vang Vieng. Avec un compagnon, Maisam Pho Inpèng, ils sont en tournée dans un village où plusieurs familles sont devenues catéchumènes. Ils catéchisent et soignent les malades, s’attardent… On les attendait à la sortie du village. Eux aussi meurent, en plein élan missionnaire, pour le Christ et pour le peuple de Dieu. Tous deux étaient chefs de famille.
Laotiens et étrangers, laïcs ou prêtres, ces dix-sept hommes ont donné pour l’Evangile le témoi-gnage suprême. La jeune Eglise du Laos reconnaît en eux leurs Pères fondateurs. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Profil biographique des 17 martyrs du Laos
Joseph Thao Tiên, protomartyr (1918-1954)
Joseph Thao Tiến est né le 5 décembre 1918 dans la province des Houa Phanh au Laos. Son grand-père et son père avaient déjà été des chrétiens remarquables. À onze ans, il entre à l’école des catéchistes montagnards à Hữu Lễ, dans la province de Thanh Hóa au Vietnam ; à cette époque, sa province d’origine appartenait en effet au vicariat apostolique de Phát Diệm, et à partir de 1932 à celui de Thanh Hóa. Bon élève, il est admis en 1937 à la section petit séminaire, où il étudie le latin et le français. Il sera le seul des jeunes montagnards à passer avec succès au grand séminaire. Vacances et stages confirment sa vocation : très proche des gens les plus sim-ples, caté¬chiste zélé et régulier, doué de ses mains, il est apprécié des missionnaires et aimé de tous.
De 1942 à 1946 il est élève des Pères sulpiciens au Grand Séminaire de Hanoi. Assidu à la prière et aux études, il se tient à l’écart de l’agitation politique. À Noël 1946, c’est la fermeture du séminaire et la dispersion. Il rentre au Laos à pied, mais la guerre arrive là aussi. C’est à Saigon qu’il achèvera ses études. De nombreux condisciples se souviennent avec émotion de lui, et témoignent de son attachement indéfectible à la mission dans son pays, le Laos.
Le 6 juin 1949 il est ordonné prêtre à la cathédrale de Hanoi. Le 1er octobre 1949, il peut enfin rejoindre sa chère mission, à Sam Neua au Laos. Mais dès novembre, il se retrouve au-delà de la ligne de front, en zone de guérilla. Avec l’accord avec ses supérieurs, il y restera. La paix revenue provisoirement, il réorganise et dirige les écoles du Muang Sôi. Mais au fond de son cœur il est pasteur. Les gens venaient en masse pour l’écouter. Vivant la pauvreté et la précarité, homme de vision et d’espérance, il est l’ami des pauvres et aimé de tous.
A Noël 1952, la guérilla communiste reprend. Tout le personnel de la mission est évacué, mais Thạo Tiến reste à son poste, « prêt à donner ma vie pour mes frères laotiens ». Après Pâques, c’est l’arrestation, le jugement populaire, la prison et le camp de rééducation. Isolé, résistant aux manœuvres destinées à le faire apostasier ou abandonner sa promesse de célibat sacerdotal, seul avec le Christ souffrant et glorieux, il est un signe d’espérance pour tous. Le 2 juin 1954, il quitte le camp de Ban Ta Lang, escorté de quatre gardiens. Il est ligoté et abattu de cinq balles.
Aujourd’hui, chez tous les chrétiens laotiens, tant au pays que dans la diaspora, le nom du P. Tiến est prononcé avec respect et invoqué avec confiance : il est le premier fruit de leur jeune Église, les prémices qu’elle a offert à Dieu.
Le P. Jean-Baptiste Malo, MEP (1899-1954)
Jean-Baptiste Malo est né l
e 2 juin 1899 à La Grigonnais, dans le diocèse de Nantes en France. Il grandit à Vay (44), dans une famille de petits paysans. Vocation tardive, il entre au Séminaire des Missions Étrangères à 29 ans. Ordonné prêtre le 1er juillet 1934, il est envoyé en mission à Lanlong (Anlong, Guizhou), en Chine.
Dans cette région montagneuse aux confins des provinces de Guizhou, Guangxi et Yunnan, il règne alors une grande insécurité. En dépit de grandes difficultés, toujours sur le qui-vive, le P. Malo visite ses chrétientés, dont certaines n’ont pas vu de prêtre depuis 20 ans ; il fonde quatre nouvelles écoles. Au printemps 1951 c’est l’arrivée des troupes communistes : il est arrêté, détenu puis, après un jugement sommaire, expulsé de Chine affaibli et malade.
Le 27 novembre 1952, il rejoint son nouveau champ d’apostolat : la mission de Thakhek, au Laos. A Noël 1953, les troupes vietminh progressent dans la région et l’armée française contraint les missionnaires à s’évacuer vers Paksé, dans le sud du pays. Au retour, le 15 février 1954, ils tombent dans une embuscade des Viêt Minh. Avec son préfet apostolique, des confrères et une religieuse, le P. Malo fait face à des interrogatoires.
Le groupe est emmené à pied vers un camp de rééducation près de Vinh (Vietnam), à des cen-taines de kilomètres. Le P. Malo n’arrivera pas au bout de cette marche forcée. Il est malade et ne peut digérer le vieux riz qui sert d’unique nourriture quotidienne aux prisonniers. Ses gardiens lui refusent tout repos et tout soin : il meurt de faim et d’épuisement le 28 mars 1954 en offrant sa vie à Dieu. Il est mis en terre la nuit suivante sur le bord du fleuve Ngàn Sau, dans la province de Hà Tĩnh au Vietnam. Les chrétiens de cette région isolée, qui ont surpris l’enterrement, ont pieusement gardé sa tombe et son souvenir jusqu’à aujourd’hui.
Le P. Mario Borzaga, OMI (1932-1960)
Mario Borzaga est né à Trente le 27 août 1932. A 11 ans, il entre au Petit Séminaire diocésain, puis poursuit ses études au Grand Séminaire jusqu’à la 1e année de théologie. A 20 ans, il entre dans la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Le 21 novembre 1953, il fait ses premiers vœux à Ripalimosani (Campobasso), et reprend ses études de théologie au sco-lasticat oblat de San Giorgio Canavese (Turin). Durant quatre ans il se prépare, dans l’étude et la prière, pour la mission ad gentes, dont il rêve depuis longtemps. Le 21 novembre 1956, il fait son oblation perpétuelle. Quelques semaines plus tard il écrit : « Je m’approche de la prêtrise comme une mère qui attend de mettre au monde… Je veux former en moi une foi et un amour profonds, solides comme le granit ; sans cela je ne pourrais pas être martyr… »
Le 24 février 1957, Mario est ordonné prêtre ; sa messe de prémices est célébrée le dimanche 28 avril à la cathédrale de Trente, sa paroisse. Le 2 juillet, il reçoit son obédience pour le Laos. Le 31 octobre, il s’embarque à Naples avec le premier groupe de Missionnaires Oblats italiens destinés au Laos. A 25 ans, il est le plus jeune de l’expédition.
Après un mois de voyage, le voici à Paksane, où il débute son année d’apprentissage : étude de la langue, des coutumes laotiennes, etc. En stage à Keng Sadok, il s’efforce d’entrer le plus vite possible en contact avec des personnes à qui il peut annoncer la Bonne Nouvelle. Son Journal d’un homme heureux (publié en 1985-86 puis en 2005) et son abondante correspondance décri-vent le voyage intérieur à la découverte d’une mission difficile, rendue encore plus ardue à cause de la guérilla.
En décembre 1958 le P. Mario Borzaga est envoyé dans le village de Kiucatiam (Louang Pra-bang). Au service de la communauté chrétienne hmong, il s’efforce de former des catéchistes, de visiter les familles, et de soigner les malades qui affluent chaque jour à sa porte. Le dimanche 24 avril 1960 après la messe, des Hmong de Pha Xoua viennent à lui. Ils renouvellent la demande de visiter leur village, qui est à trois jours de marche par-delà la forêt et les pentes escarpées de la montagne.
Mario se prépare alors en hâte pour une tournée missionnaire de quinze jours, avant le début de la saison des pluies. Le 25 avril il se met en marche, accompagné de son jeune catéchiste Paul Thoj Xyooj. Ce sera un voyage sans retour. Les recherches entreprises après la disparition des deux voyageurs ne donneront aucun résultat.
Les témoignages recueillis depuis le début, mais surtout au cours des dernières années, confir-ment toutefois ce qui était depuis le début la certitude des Hmong : les deux apôtres ont été pris et éliminés par des éléments de la guérilla. À 27 ans, le P. Mario Borzaga avait rendez-vous avec son Créateur. N’avait-il pas écrit dans son journal : « Moi aussi, j’ai été choisi pour le martyre » ?
Le catéchiste Paul Thoj Xyooj (1941-1960)
Paul Thoj Xyooj est un jeune catéchiste laotien d’ethnie hmong. Né en 1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), il sera baptisé à 16 ans, le 8 décembre 1957, par le P. Yves Bertrais, OMI. A Noël 1957, il est à l’école des catéchistes au Séminaire de Paksane, où il reçoit le nom lao de Khamsè ; mais au bout d’un an, il est de retour à Kiukatiam. En avril 1959, faute d’un catéchiste mieux formé, on l’envoie à Na Vang (Louang Namtha) avec le P. Luigi Sion.
Les témoignages décrivent Paul Xyooj comme un catéchiste zélé et utile. Son enseignement et son exemple de vie chrétienne sont à l’origine de nombreuses conversions. En décembre 1959, il est envoyé à la nouvelle école de catéchistes de Louang Prabang pour y poursuivre sa formation ; mais il est en crise et retourne bientôt dans son village natal. Les mois suivants, il est proche du P. Mario Borzaga, qui parle souvent de lui dans son Journal.
Lundi 25 avril 1960, le P. Mario Borzaga prend Paul Xyooj comme compagnon pour un voyage missionnaire ; ils n’en reviendront jamais. En fait, Xyooj doit faire face au sacrifice de sa vie en cherchant à sauver son missionnaire. Un témoin a rapporté ses dernières paroles : « Je ne pars pas, je reste avec lui ; si vous le tuez, tuez-moi aussi. Là où il sera mort, je serai mort, et là où il vivra, je vivrai. »
Les corps, jetés dans une fosse commune dans la forêt, n’ont jamais été retrouvés ; mais les témoignages permettent de situer la mort glorieuse de Paul Thoj Xyooj et du P. Mario Borzaga dans la région de Muong Met, sur la piste de Muong Kassy.
Le P. René Dubroux, MEP (1914-1959)
René Dubroux est né le 28 novembre 1914 à Haroué, dans le diocèse de Nancy en France. Le 8 janvier 1939 il est ordonné prêtre pour le diocèse de Saint-Dié, et nommé vicaire à la paroisse Saint-Pierre-Fourier de Chantraine. En 1940, lors de l’attaque allemande, il est infirmier militaire au front et s’illustre par sa bravoure.
Le 30 octobre 1943, René Dubroux est admis dans la Société des Missions Étrangères de Paris, et bientôt destiné à la Mission de Thakhek au Laos. Il ne pourra rejoindre sa mission qu’après deux années comme aumônier militaire en Indochine (1946-1948).
Au poste missionnaire de Namdik (1948-1957), il développe la vie chrétienne de ses fidèles par ses instructions et par la fréquentation assidue de l’eucharistie et de la pénitence. Sur le plan matériel, il s’efforce d’améliorer leur sort et leur apprend à exploiter la forêt et à exporter le bois. En 1957, il est chargé du district de Nongkhène près de Paksé. C’est un endroit dangereux, au contact immédiat avec la guérilla communiste naissante. Des menaces pèsent sur lui : la rébellion veut montrer que le missionnaire n’est qu’un fétu sur leur chemin, un obstacle dérisoire à leur volonté. Quant à lui, il a décidé de rester et de poursuiv
re sa mission.
Tard dans la soirée du 19 décembre 1959, le P. Dubroux est en conversation avec ses catéchistes dans la sacristie de la petite chapelle de Palay, qui lui sert de logement. Il est abattu presque à bout portant par ses ennemis. Il avait une haute idée de ses devoirs de pasteur ; il est mort par amour de ses fidèles, par fidélité à sa mission. Son souvenir est resté très vivant chez tous ses anciens paroissiens.
Le P. Louis Leroy, OMI (1923-1961)
Louis Leroy est né le 8 octobre 1923 à Ducey, dans le diocèse de Coutances en France. Orphelin de père, il travaille une dizaine d’années dans la ferme familiale. A 22 ans, il s’oriente vers la vie missionnaire chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Après un temps de rattrapage scolaire à Pontmain, il suit avec courage les six années de philosophie et de théologie à Solignac. A l’un ou l’autre de ses compagnons il confie son espoir de mourir martyr.
Ordonné prêtre le 4 juillet 1954, il est envoyé à la Mission du Laos. Affecté dans des postes de montagne, il étudie patiemment les langues – lao, thaï-deng, kmhmu’ –, desservi par une surdité précoce. Ses résultats médiocres sont compensés par son infatigable dévouement au service des malades, par son amour des plus pauvres, par sa patience envers les pécheurs. Inlassablement, il visite les villages qui lui sont confiés, à des heures de marche autour de sa résidence de Ban Pha. A ses correspondantes carmélites, il confie ses joies et ses peines ; il souffre de la tiédeur et du manque de constance de certains chrétiens.
Devant l’arrivée des troupes communistes, obéissant aux consignes de Rome et de son évêque, il refuse avec opiniâtreté de quitter son poste. Le 18 avril 1961, un détachement vient le chercher. Demandant d’enfiler sa soutane, de prendre sa croix et son bréviaire, il suit les soldats. Dans la forêt voisine, il est sommairement abattu. Son rêve de jeunesse, témoigner du Christ jusqu’au martyre, était exaucé.
Le P. Michel Coquelet, OMI (1931-1961)
Michel Coquelet est né le 18 août 1931 à Wignehies, dans l’archidiocèse de Cambrai en France. Il grandira dans le diocèse d’Orléans, puis retourne dans son diocèse d’origine pour achever ses études au Petit Séminaire de Solesmes. En 1948, il est admis au noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à La Brosse-Montceaux, puis au scolasticat de Solignac. De son service militaire aux confins du Sahara, il rapporte une véritable passion pour le soin des malades.
Ordonné prêtre le 19 février 1956, il est envoyé l’année suivante à la Mission du Laos. Ses quatre années d’apostolat furent une dure épreuve : dans la montagne, il fut affecté à des villages de néophytes dont la formation chrétienne laissait fort à désirer. Le journal de la mission montre sa souffrance de missionnaire, mais aussi son grand esprit de foi, teinté d’un humour qui était un des traits attachants de son caractère. Il se fit tout à tous, avec le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Evangile…
Le 20 avril 1961, il est en tournée au service des malades. Les soldats de la rébellion lui tendent un guet-apens à Ban Sop Xieng. Il est tué au bord de la route. Son corps sera jeté dans le torrent, qui irrigue cette terre laotienne où il avait semé avec patience et amour la Parole de Dieu. Ses Kmhmu’ ne l’ont jamais oublié.
Le P. Vincent L’Hénoret, OMI (1921-1961)
Vincent L’Hénoret est né le 12 mars 1921 à Pont l’Abbé, dans le diocèse de Quimper en Bretagne (France). Il fait ses études secondaires, puis son noviciat, chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Pour les études de philosophie et de théologie, il est à La Brosse-Montceaux, où il vit le drame du 24 juillet 1944 : l’exécution sommaire par les nazis de cinq Oblats. Ordonné prêtre le 7 juillet 1946, il se fait photographier devant le monument aux Oblats fusillés, où est gravée dans la pierre la phrase de Jésus : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Conformément à son souhait, il est envoyé à la Mission oblate du Laos, ruinée par la guerre.
Dans le secteur de Paksane, il est un pasteur attentif, qui sait se faire aimer de ses chrétiens de troisième génération. En 1957, il est envoyé semer l’Evangile dans les montagnes de Xieng Khouang. A Ban Ban, son apostolat est surtout auprès des réfugiés thaï-deng, qui avaient fui la persécution des Houa Phanh – apostolat ingrat, où il doit lutter contre le découragement. Le jour de l’Ascension au petit matin, 11 mai 1961, il circule à bicyclette pour assurer l’Eucharistie. Un poste de la guérilla communiste contrôle son laissez-passer, qui est en règle, puis l’abat d’une rafale dans le dos. Dans leur idéologie, la présence d’un missionnaire n’était pas tolérable.
Le P. Noël Tenaud, MEP (1904-1961)
Noël Tenaud est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière, dans le diocèse de Luçon en Vendée (France). De 1924 à 1928, il est au Grand Séminaire diocésain, puis rejoint celui des Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1931, il est envoyé à la « Mission du Laos », dont la partie principale est alors au Siam. Ses années comme curé à Kham Koem (Thaïlande) ont laissé un souvenir vivant.
La guerre franco-siamoise (1939-1940) l’amène au Laos proprement dit. A partir de 1944, il est curé de Pong Kiou (Khammouane) et rayonne dans toute la région. Son action, notamment au cours de divers épisodes belliqueux contre la tyrannie japonaise et la mainmise des troupes communistes, marque profondément les chrétientés de la minorité Sô. Il accepte aussi, dans les situations difficiles, des responsabilités de plus en plus lourdes dans l’organisation de la mission.
En 1959, le P. Tenaud accepte de quitter sa belle région pour l’arrière-pays de Savannakhet, où le travail de première évangélisation n’a pas encore commencé. Basé à Xépone, près de la fron-tière du Vietnam, avec son fidèle catéchiste Joseph Outhay, il prospecte les villages tout au long de la route qui monte de Savannakhet.
En avril 1961, les deux apôtres partent en tournée apostolique. On les avertit qu’une attaque nord-vietnamienne se prépare ; mais rien ne doit arrêter la Parole de Dieu. Le chemin du retour est coupé : ils sont pris au piège, arrêtés, interrogés et exécutés le 27 avril 1961 pour leur action missionnaire. Chez tous ceux qui l’ont connu, le souvenir du P. Noël Tenaud, de son œuvre missionnaire et du don suprême de sa vie, est resté très vivant.
Le catéchiste Joseph Outhay (1933-1961)
Joseph Outhay naquit vers Noël 1933, dixième enfant d’une famille catholique très pieuse de Kham Koem, dans le Lao Issan, aujourd’hui diocèse de Tharè-Nonseng en Thaïlande. Lors-qu’éclate au Siam la persécution de 1940, le jeune Outhay a sept ans. Sa paroisse puis l’ensemble de la province restent sans prêtre résident ; son père est catéchiste et prend le relais. À douze ans, la persécution finie, Outhay est envoyé pour 6 ans au petit séminaire de Ratchaburi. Il revient alors au village : sa mère et ses frères aînés sont tous morts ; il doit s’occuper de son père et de ses deux sœurs encore petites… Il se marie donc – il a 19 ans –, mais un an plus tard son épouse meurt en couches, suivie peu après de leur enfant.
Outhay vit là un signe : il partit pour Tharè, se mettant à la disposition de son évêque comme catéchiste diocésain. À l’invitation de son ancien curé, le P. Noël Tenaud, MEP, il suivra bientôt ce dernier vers la Mission de Thakhek au Laos. Homme expérimenté, mûri précocement par la vie, il fut à Pongkiu un catéchiste apprécié de tous, chargé de la formation de jeunes catéchi
stes débutants. Homme de confiance du P. Tenaud, il le suivra en 1960 vers les régions de la pro-vince de Savannakhet à défricher pour l’Evangile. Il partagera aussi son destin final, rendant comme lui l’ultime témoignage de foi le 27 avril 1961. De son vivant, Outhay était déjà considéré comme un catéchiste héroïque. Après sa mort, sa renommée n’a fait que monter, jusqu’à aujourd’hui. Son exemple est une inspiration pour tous.
Le P. Marcel Denis, MEP (1919-1962)
Marcel Denis est né le 7 août 1919 à Alençon, la ville de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans le diocèse de Séez en France. Il fréquente d’abord le petit et le grand séminaire de son diocèse ; en 1942, il est admis aux Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il part en 1946 pour la Mission du Laos.
Chargé d’abord des chrétientés de Dong Makba et alentours, dans la plaine, il y travaille avec difficulté à l’éducation des villageois. À partir de 1954, il est envoyé vers les zones intérieures du Khammouane. Il s’établit à Maha Prom et s’entoure de collaborateurs de valeur. Il met sa science, son cœur et sa foi, dans la patience et la persévérance, au service de la promotion humaine et spirituelle du peuple auquel il est envoyé. Peu à peu, il se tourne vers les villages de la montagne, qui ignorent tout de l’Evangile, et consacre beaucoup de temps et d’amour aux lépreux. Pèlerin infatigable, il parcourt une vaste région et ouvre le dialogue avec les populations rencontrées. Çà et là la bonne graine germe, ouvrant de grands espoirs de conversions.
En avril 1961, la guérilla communiste occupe en quelques semaines tout le territoire qui lui est dévolu. Il se dépense sans compter pour mettre collaborateurs et enfants à l’abri, mais décide de rester au milieu d’eux. Il est arrêté et emmené en détention vers un lointain village à la frontière du Vietnam. Au bout de trois mois, le 31 juillet 1961, il est emmené dans la forêt et exécuté. Sa mémoire est vénérée et son exemple continue d’inspirer de nombreux chrétiens laotiens.
Le P. Jean Wauthier, OMI (1926-1967)
Né le 22 mars 1926 à Fourmies, dans l’archidiocèse de Cambrai en France, Jean Wauthier grandit durant la Seconde Guerre mondiale comme réfugié dans le diocèse d’Agen. Il y est élève au Petit Séminaire de Bon-Encontre, et son souvenir y reste très vivant. En 1944, il rejoint à travers un pays en désordre le noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Au scolasticat de Solignac, alors en construction, les travaux manuels les plus pénibles ne le rebutent pas. Homme au physique robuste et au caractère trempé, il fait son service militaire en Afrique du Nord comme élève-officier parachutiste : un missionnaire bien préparé ! Ordonné prêtre le 17 février 1952, il rejoint en octobre la mission du Laos.
Jean Wauthier est mis sans tarder au service de la mission chez les plus pauvres, les Kmhmu’. Durant les années de guerre et de guérilla, il accompagne les gens de ses villages à travers leurs déplacements à la recherche d’un havre de paix. Pionnier lui-même, il se met à leur service à travers ses connaissances médicales, techniques, linguistiques et catéchétiques.
En 1961, il est sauvé in extremis en face d’un peloton d’exécution. Par prudence, ses supérieurs le rappellent comme éducateur au petit séminaire de Paksane, tâche dont il s’acquitte avec com-pétence et dévouement ; mais il n’aspire qu’à retrouver ses réfugiés dans la montagne, parmi lesquels la misère s’est installée : récoltes incertaines, attaques, mines le long des pistes, pénurie de médicaments, abus de toute sorte. C’est chose faite en octobre 1964.
Outre le soin des néophytes et des catéchumènes et le défrichage missionnaire, le P. Wauthier se consacre à répartir équitablement l’aide humanitaire. C’est là que se noue le drame, car même dans la pire misère il y a encore exploitants et exploités : il défend les pauvres Kmhmu’, sans pour autant les favoriser car il sait se mettre au service de tous. Il est désormais conscient que sa vie est menacée. Le 16 décembre 1967 dans la nuit, sous le couvert d’une attaque simulée de la guérilla, il est exécuté de trois coups de feu en pleine poitrine. Le lendemain, un des catéchistes écrit à ses parents : « Le P. Jean est mort parce qu’il nous aimait et n’a pas voulu nous abandonner. » Son amour des pauvres continue de rayonner au Laos.
Le P. Lucien Galan, MEP (1921-1968)
Lucien Galan est né le 9 décembre 1921 à Golinhac, dans le diocèse de Rodez en France. Il entre d’abord au Grand Séminaire de Rodez, mais est admis en 1946 aux Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1948, il part en décembre pour la Mission de Xichang, au Sichuan (Chine).
Fin mars 1950, la région est « libérée » par les communistes. En novembre, au retour d’une tournée chez ses chrétiens, il est appréhendé et emprisonné, puis mis en résidence surveillée sous un régime de terreur. Il est finalement expulsé de Chine, arrivant à Hong Kong au terme d’un long périple en janvier 1952.
Après quelques semaines de repos, il est réaffecté à la Mission de Paksé au Laos. Vers 1953-1954, il prend contact avec les populations « kha », les minorités montagnardes méprisées du plateau des Bolovens. En 1956, il s’installe au milieu d’eux dans une petite maison-chapelle, d’où il rayonne sur les villages. Il les visite malgré la présence d’éléments rebelles qui se cachent dans ces montagnes. Il a soin aussi des Chinois de Paksé.
En février 1960, il prend la relève du Serviteur de Dieu René Dubroux, assassiné, dans la zone limitrophe entre forces laotiennes rivales. L’insécurité ne permet de visiter que très rarement les villages les plus lointains. Le 11 mai 1968, il part en remplacement d’un confrère pour Nong Mot et de Nong I-Ou, qui sont entrés en catéchuménat, avec deux jeunes élèves catéchistes. Il y assure la catéchèse et la messe. Dimanche 12, il reprend la route pour une célébration au Km-15 de Paksé. Mais l’ennemi a dressé une embuscade : la voiture est prise sous le feu d’armes lourdes. Le jeune Khampheuane est tué sur le coup, son ami blessé. Le P. Galan est achevé au poignard. Il meurt, victime de son devoir et de sa charité. Le souvenir de son esprit de service et d’abnégation reste très vivant jusqu’à aujourd’hui.
L’élève catéchiste Thomas Khampheuane Inthirath (1952-1968)
Thomas Khampheuane Inthirath est né en mai 1952 dans le village de Nong Sim (ethnie lavên) sur le plateau des Boloven, vicariat apostolique de Paksé. Son père avait succédé au grand-père maternel comme catéchiste du village, et avait connu la prison pour ce motif. Khampheuane était le fils chéri, longuement désiré et attendu ; mais cela n’a pas gâté sa nature pacifique et généreuse. Il était serviable et d’une grande simplicité. C’était aussi un cœur pur, et certains ont vu là un signe de sa vocation à la sainteté, au martyre.
A quinze ans, il est choisi par le P. Lucien Galan pour entrer à l’école des catéchistes à Paksong, qui assurait aux élèves une bonne formation générale, doctrinale et liturgique. Thomas était fier de ce choix. Le 11 mai 1968, le P. Galan passe là, en route pour les villages catéchumènes les plus lointains. Deux élèves, Khampheuane et son ami Khamdi, se portent volontaires pour l’accompagner. Ils étaient très conscients du danger, mais Khampheuane avait la volonté de servir l’Eglise. Au retour, la voiture fut prise en embuscade : il mourut à côté du P. Galan. Malgré la détresse de la famille, le papa confia à un missionnaire être fier que son fils ait accepté de donner sa vie pour sa foi. Sur le plateau, Thomas n’est pas oublié.
Le P. Joseph Boissel, OMI (1
909-1969)
Joseph Boissel naît le 20 décembre 1909 dans une famille de petits fermiers bretons, au Loroux dans l’archidiocèse de Rennes (France). C’était un solide paysan, dur à la besogne. À 14 ans, orphelin de père, il entre au juniorat des Oblats de Marie Immaculée à Jersey, et poursuit avec eux sa vocation missionnaire. Ordonné prêtre le 4 juillet 1937, il reçoit l’année suivante sa feuille de route pour la jeune Mission du Laos.
Le P. Boissel appartient à la génération des pionniers oblats de cette mission, qui ont connu toutes les secousses des guerres successives. Il débute auprès des Hmong de la province de Xieng Khouang où l’évangélisation n’avait pas encore commencé. En mars 1945, il est prisonnier des Japonais à Vinh au Vietnam. Au retour, il retrouve la mission entièrement ruinée et se remet courageusement à l’œuvre, malgré une santé désormais ébranlée par les privations. En 1949 il est à Paksane dans la vallée du Mékong : il aide à construire et à gérer le petit séminaire, n’hésitant pas à cultiver lui-même la rizière. En 1952, il obtient de repartir dans les montagnes de Xieng Khouang. Il y poursuit l’évangélisation des Thaï Dam de Ban Na et entreprend celle des Khmhmu’ des villages environnants.
En novembre 1957, il est de retour pour de bon dans le district missionnaire de Paksane, curé de Nong Veng puis de Lak Si. Mais il aura de plus en plus la charge des villages des réfugiés, qui ont fui la guerre et le communisme de Xieng Khouang. Dans ces années-là, prendre la route est toujours risqué ; à partir de mars 1969, la pression de la guérilla s’accentue.
Le samedi 5 juillet 1969, le P. Boissel s’en va assurer le service à Hat I-Êt, à une vingtaine de kilomètres de Paksane, en compagnie de deux jeunes Oblates Missionnaires de Marie Immaculée qui l’aident pour les visites, les soins aux malades et la catéchèse. A la sortie d’un virage, le Viêt Minh le guette : deux rafales de mitrailleuse, le ‘gêneur’ est tué net, et les Oblates grièvement blessées. Cette mort sur la brèche, en pleine mission apostolique, a fortement impressionné tout le peuple de Dieu. Son souvenir y reste très vivant.
Le catéchiste Luc Sy (1938-1970)
Luc Sy est né en 1938 à Ban Pa Hôk, un village de la minorité kmhmu’ à quatre heures de marche dans la montagne au sud de Xieng Khouang au Laos. Le village fut baptisé le 28 octobre 1951 ; Sy reçut les noms de Luc et Marie. Elève timide mais franc et travailleur, il étudie de 1953 à 1957 à l’école des catéchistes, au Petit Séminaire de Paksane. En 1958, il est réclamé pour les écoles de l’État, mais continue à travailler en étroite collaboration avec le P. Jean Wauthier, qui sut lui faire partager son esprit apostolique.
En 1961, Luc Sy est enrôlé dans l’armée, où il sera caporal. Dans une vie d’errance à travers un pays en désordre, il reste bon chrétien. En 1967, blessé, il est démobilisé. Il est accueilli comme catéchiste à Nong Sim dans la Mission de Paksé. Il se marie avec une jeune veuve catholique, qui avait deux enfants ; le couple mettra au monde une fille. Mais la mort de Jean Wauthier réveilla chez Luc Sy le désir de servir les Kmhmu’, déplacés par la guerre, humiliés et brimés. En avril 1969, il rejoint le Centre pastoral de Hong Kha à Vientiane, où l’on formait les catéchistes kmhmu’ pour assurer le service pastoral et social, là où les prêtres n’avaient plus accès. Élève doué, mûri par la vie, assidu à la prière, ouvert aux plus délaissés, Luc Sy fut prêt dès Noël 1969 pour un envoi en mission. Il devint associé de l’Institut séculier Voluntas Dei.
Le 26 janvier 1970, il est envoyé par l’évêque en mission dans la région de Vang Vieng, vaste secteur peuplé de villages de réfugiés. En peu de temps, il y accomplit un travail remarquable, tant pour le développement que pour la catéchèse. Le 4 mars, rejoint par Louis-Marie Ling, diacre Voluntas Dei et futur évêque, il fait la retraite mensuelle. Ils partent le lendemain avec un compagnon à Dène Dine, pour une tournée auprès des catéchumènes. Le matin du 7 mars 1970, veille du dimanche Lætare, les trois apôtres, dénoncés, sont pris dans une embuscade ; seul Louis-Marie a la vie sauve. Dès le début, il y eut autour de Luc Sy une réelle aura de sainteté et de martyre : il fut et reste un exemple vivant pour les autres catéchistes. Les chrétiens kmhmu’ vénèrent sa mémoire.
Le responsable laïc Pho Inpèng (1934-1970)
Maisam, appelé plus tard ‘Pho Inpèng’ du nom de son fils selon la coutume, est né en 1934 dans la Province des Houa Phanh. Avec de nombreux autres Kmhmu’ de sa province, il est touché vers 1959 par la prédication de l’Évangile. Enrôlé dans l’Armée royale lors de l’attaque des troupes communistes en octobre 1960, il sera capitaine. Mais c’est un homme de paix. Dès que possible il quitte l’armée et se marie. Avec son épouse, il se réfugie à Houey Phong dans la région de Vang Vieng ; c’est là que le couple sera baptisé. Homme instruit, respecté et influent, il est bientôt choisi comme responsable laïc de la petite chrétienté, faite surtout de catéchumènes. En l’absence du missionnaire et du catéchiste, il dirige la prière et instruit les enfants.
Lors de la journée de retraite de Louis-Marie Ling et Luc Sy, le 4 mars 1970, Pho Inpèng est là pour les servir. Quand il apprend que les deux jeunes gens doivent se rendre dans un milieu hos-tile, pour visiter les catéchumènes et soigner les malades, il s’offre pour les accompagner et fait équipe avec eux. Au retour, c’est l’embuscade fatale. La balle qu’il reçoit en plein front était destinée à Louis-Marie Ling ; elle met fin à la brève carrière héroïque de ce chrétien laïc exem-plaire.
Liste des 17 témoins de l’Eglise du Laos
(Les martyrs français sont en italiques.)
1. Joseph Thao Tiên, né le 5.12.1918 à Muang Sôi (Houa Phanh, Laos), prêtre diocésain taï-deng du vicariat de Thanh Hóa (Vietnam), mort le 2.6.1954 à Ban Talang (Houa Phanh), vicariat de Vientiane.
2. Jean-Baptiste Malo, MEP, né le 2.6.1899 à La Grigonnais (44), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 28.3.1954 à Yên Hội (Hà Tĩnh), diocèse de Vinh (Vietnam).
3. René Dubroux, MEP, né le 28.11.1914 à Haroué (54), prêtre diocésain de Saint-Dié puis missionnaire au Laos ; mort le 19.12.1959 à Palay, vicariat de Paksé.
4. Paul Thoj Xyooj, né en 1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), catéchiste hmong, mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.
5. Mario Borzaga, OMI, né le 27.8.1932 à Trente (Italie), mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.
6. Louis Leroy, OMI, né le 8.10.1923 à Ducey (50), mort le 18.4.1961 à Ban Pha (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
7. Michel Coquelet, OMI, né le 18.8.1931 à Wignehies (59) et éduqué à Puiseaux (45), mort le 20.4.1961 à Sop Xieng (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
8. Joseph Outhay Phongphoumi, catéchiste veuf, né en 1933 à Khamkoem, diocèse de Tha-rè-Nongsèng (Thaïlande), mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.
9. Noël Tenaud, MEP, né le 11.11.1904 à Rocheservière (85), missionnaire en Thaïlande puis au Laos, mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.
10. Vincent L’Hénoret, OMI, né le 12.3.1921 à Pont l’Abbé (29), mort le 11.5.1961 à Ban Ban / Muang Kham (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
11. Marcel Denis, MEP, né le 7.8.1919 à Alençon (60), mort le 31.7.1961 à Kham Hè (Khammouane), vicariat de Savannakhet.
12. Jean Wauthier, OMI, né le 22.3.1926 à Fourmies (59), mort le 16.12.1967 à Ban Na (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
13. Thomas Khampheuane Inthirath, né en mai 1952 à Nong Sim (Champa
ssak), élève caté-chiste lavên, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.
14. Lucien Galan, MEP, né le 9.12.1921 à Golinhac (12), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.
15. Joseph Boissel, OMI, né le 20.12.1909 au Loroux (35), mort le 5.7.1969 à Hat I-Et (Bo-likhamsay), vicariat de Vientiane.
16. Luc Sy, catéchiste kmhmu’ père de famille, né en 1938 à Ban Pa Hôk (Xieng Khouang), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.
17. Maisam Pho Inpèng, laïc kmhmu’ père de famille, né vers 1934 près de Sam Neua (Houaphan), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.
Importance du témoignage des Martyrs du Laos pour l’Église et la société au moment de leur mort
Dès avant sa mort, au moment de son emprisonnement, le P. Joseph Thao Tiên est apparu comme un véritable témoin de la foi chrétienne dans un milieu foncièrement hostile. Cette réputation lumineuse a commencé dans sa province d’origine, les Houa Phanh, et dans son propre groupe ethnique, les Thaï Deng ; mais après la confirmation de sa mort en 1955, elle s’est répandue très vite dans l’ensemble du pays et au Vietnam.
Le P. Tiên a servi de modèle à tous ceux qui se trouvaient confrontés aux mêmes choix que lui. Grâce à son exemple de fidélité héroïque au Christ et à sa propre vocation sacerdotale, de nom-breux prêtres laotiens et étrangers, et d’innombrables chrétiens laïcs, ont su à leur tour trouver le chemin de la constance intrépide au milieu des épreuves les plus dures, y compris en face d’une mort imminente. L’histoire de la Mission catholique au Laos ne connaît aucun missionnaire qui ait reculé devant le danger ; en grande majorité, les chrétiens ont préféré perdre toutes leurs possessions matérielles plutôt que de renoncer aux valeurs de l’Evangile.
Un vieux catéchiste, Jean Louk Khamsouk, qui avait été compagnon de Joseph Tiên dans l’évangélisation puis en prison, donne le témoignage suivant : « Dans la pensée de l’ensemble de la communauté chrétienne…, le P. Tiên est un saint et un héros… On lui a promis de le libérer s’il acceptait de se marier et de devenir un citoyen ordinaire. Mais lui a toujours refusé. Pour nous, c’est cela qui compte, c’est là le signe de sa sainteté… »
Pour la communauté chrétienne du Laos, et largement au-delà, le témoignage donné par les « compagnons » du P. Joseph Tiên a eu la même valeur exemplaire. Certains des Serviteurs de Dieu ont un rayonnement plus localisé, mais ils ont été d’emblée reconnus comme un groupe unique de témoins de la foi, de la justice et de la charité. Leur mort a été comme les mystères douloureux d’un chapelet que l’on égrène dans la souffrance, au long de 16 années de vie ecclé-siale, mais sans jamais perdre de vue les mystères de la Résurrection et de la Gloire. Toutes les composantes de l’Eglise au Laos ont lu dans la vie et dans la mort de ces prêtres et de ces laïcs la valeur incomparable de l’annonce de l’Evangile pour le progrès humain et social des plus pauvres, et pour que le salut en Jésus Christ puisse atteindre les personnes et leurs liens sociaux, jusqu’au plus profond de leur être.
La prise de pouvoir sur l’ensemble du pays par la faction communiste en 1975, et son maintien jusqu’à ce jour, ont été incapables d’effacer cela, de gommer le témoignage incomparable de ces témoins du Christ.
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