Card. Ling Mangkhanekhoun © capture de Zenit / TV Sel et Lumière

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Laos: « La colonne vertébrale de l’Église c’est la souffrance des petites Eglises »

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Par Mgr Ling Mangkhanekhoun, premier cardinal du pays

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« La colonne vertébrale de l’Église est la souffrance des petites Eglises », Mgr Louis-Marie Ling Mangkhanekhoun, évêque de Paksé et administrateur apostolique du diocèse de Vientiane, capitale du Laos, qui sera créé cardinal le 28 juin 2017, cite les paroles du pape François. Son nom a été annoncé avec quatre autres par le pape le 21 mai dernier lors de la prière du Regina Caeli.
L’évêque de Paksé a accordé une interview à ZENIT en février dernier lors de la visite ad limina des évêques laotiens et cambodgiens à Rome. Il a expliqué la situation difficile dans son pays qui vit sous le régime communiste, les tentatives du dialogue de l’Église du Laos avec le gouvernement, les projets de l’enseignement pour les séminaristes et a parlé des encouragements du pape faits aux évêques asiatiques à Rome.
« La force de l’Église dans le monde entier c’est la souffrance des petites églises », déclare Mgr Ling en citant les paroles du pape prononcées lors de l’homélie du 30 janvier 2017 : « Il a répété ça, insiste Mgr Ling, la force et la puissance de l’Église résident dans les petites églises souffrantes. Il a dit ça dans la chapelle Sainte-Marthe … ça c’était vraiment un encouragement pour nous. C’est grâce à des petites églises, à leurs souffrances, que nous vivons ici dans la tranquillité. »
Béatification des martyrs du Laos
Mgr Ling estime qu’ « il y a une spiritualité vraiment théologique » dans ce message du pape qui a fait allusion à une béatification de 17 martyrs du Laos, dont 11 missionnaires français, le 11 décembre 2016, à Vientiane. Le gouvernement laotien a accepté cette béatification : « Pour moi, c’est encore un miracle, avoue Mgr Ling. Pour ça on a fait une démarche, un processus pour choisir le vocabulaire, comment présenter ça au gouvernement. Pour que le gouvernement puisse comprendre et accepter. »
La messe de béatification a été présidée par le cardinal philippin Orlando Quevedo, OMI, archevêque de Cotabato, qui représentait le pape François, en présence de quelque 6 000 personnes, dont 15 évêques du Laos, du Cambodge, de la Thaïlande, du Vietnam.
« On voulait un cardinal qui représente le pape, explique Mgr Ling, mais qu’il soit asiatique, et surtout le plus près de nous possible, qui nous comprenne. Alors, on a suggéré le nom du cardinal Orlando Quevedo, parce que je le connais depuis certain temps. Je l’ai rencontré à Manille, en Corée, au Vietnam. Parce que dans nos réunions, on est toujours ensemble… Il connaît nos problèmes, lui aussi il a les mêmes problèmes que nous. »
« Quand on a préparé ça, on a fait une liste des invités, raconte Mgr Ling. Je l’ai présenté au gouvernement pour avoir un visa spécial. Le gouvernement a dit : pas besoin. » Des prêtres sont venus au Laos avec un visa touristique, certains cardinaux asiatiques n’ont pas eu besoin de visa : « c’est plus facile pour nous », dit Mgr Ling. « De l’Europe occidentale, il y avait des MEP (Missions étrangères de Paris), des Oblats », car parmi les martyrs, il y a six Oblats de Marie immaculée (OMI) et cinq membres des Missions étrangères de Paris, tous Français. Ils ont été assassinés, exécutés ou ont péri d’épuisement durant la guérilla communiste, entre 1954 et 1970.
Un représentant du gouvernement du Laos a participé à la célébration : « On l’avait invité, explique Mgr Ling. Il a dit quelque chose de très bien. Vraiment, tout le monde était content… Après ça, je suis allé avec le cardinal Quevedo pour le remercier de leur permission, de leur soutien. » L’évêque de Paksé estime qu’il s’agit d’ « une ouverture vers le dialogue » avec le gouvernement.
Célébration à Paris : « Priez nos martyrs »
Il y a eu aussi une grande célébration d’action de grâce pour cette béatification le 5 février 2017 à Notre-Dame de Paris avec le cardinal André Vingt-Trois.  Le card. Vingt-Trois a dit, témoigne Mgr Ling : « il faut être reconnaissant envers ceux qui ont construit l’Église par leur sang ».
« C’était une action de grâce, poursuit Mgr Ling, cela veut dire : merci du fond du cœur. Il est dit dans le psaume : rendons grâce au Seigneur, car Il est bon.  Vraiment la parole est semée dans le cœur pour que ça pousse et UE ça produise. »
« Priez nos martyrs, demande Mgr Ling, parce qu’on a besoin de leur support maintenant pour la canonisation. Il faut les prier pour qu’il y ait un miracle, pour qu’on puisse dire : voilà, cela est un miracle des martyrs du Laos. » La fête liturgique des martyres du Laos « va être le 16 décembre », précise l’évêque de Paksé.
Laos, pays différent
Laos se distingue d’autres pays asiatiques, souligne Mgr Ling : « Le Laos, c’est très différent. Premièrement, le pays est sous le régime communiste. Donc, la liberté religieuse et les activités pastorales sont restreintes. »
« On n’a pas de moyens pour les médias, la radio », poursuit-il.  Les « activités sociales » commencent à peine : un « jardin d’enfants » est organisé par les catholiques du vicariat de Thakhek-Savannakhet, au Centre-Laos. « On commence à avoir dans ce vicariat aussi les cours primaires, raconte Mgr Ling. Tandis qu’ailleurs il n’y a rien. »
Dans les quatre vicariats apostoliques du Laos (Thakhek-Savannakhet au Centre-Laos, Vientiane et Luang Prabang au Nord et Paksé au Sud) travaillent uniquement les catholiques d’origine laotienne, il n’y a pas de missionnaires étrangers.
« Au Cambodge, ce sont surtout  des missionnaires, surtout des étrangers, dit Mgr Ling. Tandis qu’au Laos, on est tous Laotiens. » « Tous les missionnaires ont été remerciés et renvoyés dans leurs pays », en 1975, quand le Laos est devenu un Etat socialiste dirigé par le Parti révolutionnaire populaire laoparti unique d’obédience marxiste-léniniste.
« On n’était pas préparé encore » pour ce départ de quelque « 200 missionnaires », témoigne Mgr Ling. À ce moment, il n’y avait « même pas une vingtaine » de missionnaires « laotiens » « dans tout le pays ».
Le Laos compte environ 6 millions d’habitants dont « 40-50 mille catholiques » : « À peu près, précise Mgr Ling. On ne peut pas faire les statistiques exactes, parce qu’il y a plusieurs problèmes pour cela. On dit « à peu près. »
En ce qui concerne les religieux et religieuses, « la communauté religieuse féminine la plus nombreuse ce sont les Sœurs de la Charité, raconte Mgr Ling. À peu près une cinquantaine, peut-être une soixantaine. Après ça, il y a des sœurs Amantes de la Croix, c’est la deuxième communauté. À peu près une trentaine. Et après – les autres. Il y a les Filles de la charité, des Philippines, elles sont quatre. »
« Le gouvernement laotien accepte » que les religieuses travaillent  « dans les centres de rééducation des handicapés », dit Mgr Ling.  « Le gouvernement accepte parce que c’est un fait. Maintenant on fait un autre centre à l’Est, dans la province de Sékong, centre de réhabilitation pour les handicapés. Les Sœurs ont exigé d’avoir l’aumônier. Le gouvernement a dit : o’key, mais que ce soit un Laotien. »
« La même chose pour la jeunesse, poursuit Mgr Ling,  il y a au moins deux communautés ouvertement acceptées par le gouvernement. » Des sœurs salésiennes du Vietnam ont été invitées au Laos pour travailler avec les jeunes. « Les salésiennes du Vietnam ont été acceptées au Laos. J’ai vu l’autre jour elles étaient deux ou trois à Thakhek. »
Formation de futurs prêtres
La formation de futurs prêtres constitue un problème important pour Laos. Mgr Ling a envoyé deux séminaristes en France, à Ars, mais le choc culturel a été très grand pour eux, c’était « un déracinement » : « Et pourtant ce sont les gens pas mal intelligents », explique-t-il, « ils étaient très appréciés au séminaire. À tel point que le supérieur est venu à Laos pour les rencontrer après les études ».
Mgr Ling préfère envoyer les séminaristes dans les pays asiatiques, comme des Philippines ou le Vietnam.  « La formation aux Philippines est appréciable, dit-il.  Il n’y a pas d’obstacle de langue, parce que tout le monde parle anglais. L’enseignement est donné en anglais, la préparation des séminaristes est faite en anglais. »
Au Vietnam, l’Institut catholique a ouvert officiellement les portes le 20 septembre 2016. « En 2016, j’ai commencé à donner des cours déjà, dit Mgr Ling. Mais si vous voulez que j’envoie les séminaristes ou les prêtres… il faut  enseigner directement en anglais, parce que s’ils sont obligés d’apprendre le vietnamien, cela prend du temps… Au début, ils n’étaient pas prêts, mais quand j’ai dit ça, Mgr Ngueng (Mgr Peter Nguyen Van Nhon, président de la conférence épiscopale du Vietnam, NDLR) a été vraiment enthousiasmé. »
« L’Église du Vietnam a du poids, explique Mgr Ling, parce que sur 90 – 95 millions d’habitants il y a au moins 8 millions de catholiques. Cela veut dire qu’ils sont de 6 à 7 pour cent … c’est déjà important. »
« Si vous voulez me critiquer – allez-y », dit le pape
Mgr Ling dit aussi quelques mots sur la rencontre avec le pape François lors de la visite ad limina des évêques laotiens et cambodgiens. « Cette fois-ci, c’était très différent par rapport à l’autre visite ad limina qu’on a fait en 2007, avec le pape Benoît XVI, dit-il. Cette fois-ci on était tous ensemble, on passait tout le temps ensemble, avec le pape. Le pape nous a invités à parler. Il a dit franchement : « Parlez de ce que vous voulez. Même si vous voulez me critiquer – allez-y. » « Ça, c’est un peu très fort ! » dit Mgr Ling en riant.
Propos recueillis par Anita Bourdin

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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