Pour le président de Caritas Internationalis, l'Evangile est solidarité (I)

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Entretien avec le cardinal Rodríguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa

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ROME, Mercredi 28 juillet 2010 (ZENIT.org) – Dans cet entretien, le cardinal Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa et président de Caritas Internationalis, partage avec les lecteurs de ZENIT une série de réflexions sur l’institution caritative catholique dont il est le président, sur la justice et le document publié à l’issue de la Conférence générale de l’Episcopat latino-américain et des Caraïbes, qui s’est tenue à Aparecida en 2007. Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.

Q : Charité et mondialisation sont-elles compatibles ?

Cardinal Rodríguez Maradiaga : Non seulement elles sont compatibles, mais il faut mondialiser la charité. Le Christ nous a laissé l’amour du prochain ; Jean-Paul II nous disait que, dans un monde où seule l’économie se mondialise, il faut mondialiser la solidarité et le plus grand signe de solidarité est l’amour.

Quelle est la responsabilité des pays développés vis-à-vis des pays sous-développés ?

C’est une co-responsabilité, qui doit s’exercer dans les deux sens, des pays développés vers les sous-développés et vice versa. Il ne s’agit pas seulement d’aides humanitaires, comme on les appelle de peur de prononcer le mot de pauvreté, un concept qui est, semble-t-il, dévalorisé. Rien qui dénature plus la vérité, car la première chose que nous a dite Benoît XVI est « Dieu est amour », et nous ne devons pas avoir de complexes d’infériorité en appelant les choses par leur nom : la charité est le sommet du chrétien, le summum.

Où se rejoignent les mots solidarité et Evangile ?

Déjà en soi l’Evangile est solidarité, il est la Parole de Dieu faite chair qui vient se faire l’un d’entre nous et devient Bonne Nouvelle, devient Evangile. Dans son premier livre sur Jésus Christ, le Saint-Père, disait : le Royaume n’est pas un lieu, n’est pas une chose, Il est une personne, Il est Lui, le Seigneur Jésus. Ici nous sommes tous réunis : solidarité, charité et Jésus Christ.

Quel est le lien entre justice et environnement ?

La campagne qui est menée à Caritas Internationalis ne se réduit pas à l’écologie, car au nom de l’écologie on tombe dans l’écologisme, ou l’environnementalisme, une idéologie de plus qui dégénère souvent en panthéisme, voire en anti-christianisme. A Caritas nous parlons de justice vis-à-vis de la Création, justice vis-à-vis de l’environnement. Le sommet de Copenhague a été – cela est triste à dire – un échec parce que les grands de ce monde refusent d’engager leur responsabilité envers la Création.

C’est pourquoi Caritas affirme que la question n’est pas seulement d’avoir le souci de la création, il s’agit de justice vis-à-vis de la Création. Dieu nous a confié la Création non pour être des despotes, ni des profiteurs, il a placé la création dans nos mains pour que nous en soyons les gestionnaires. Nous ne devons pas léguer un monde dévasté, nous devons léguer une Création convenablement gérée selon la justice.

Dans quelles parties du monde, les feux sont-ils au rouge en ce qui concerne la relation entre justice et paix ?

Il est difficile de dire où se situe la frontière entre les deux, car comme le disait le document de Puebla : par le coeur de chacun passe une ligne frontalière entre le bien et le mal, et malheureusement partout dans le monde, nous constatons que le mystère de l’iniquité est toujours actif, c’est une des choses sur lesquelles nous devons nous montrer toujours vigilants, pouvoir identifier cet esprit malin pour le vaincre à force de bien. Je crois que, partout dans le monde, on peut trouver ceux qui désirent faire le bien et ceux qui se complaisent dans le mal. De sorte que l’appel à la conversion s’adresse à tous, nous ne pouvons pointer du doigt personne, nous devons prendre ce qui nous revient de cet appel à la conversion.

Que doivent faire les catholiques pour que Justice et paix « s’embrassent » ?

Tout d’abord, prendre conscience qu’il n’y a pas d’opposition entre charité et justice. Dans sa première encyclique, le pape Benoît XVI traite de cette question. Dans les années soixante-dix, toutes les idéologies, qui regardaient alors du côté du socialisme, affirmaient qu’il « ne faut pas considérer comme charité ce qui relève de la justice » ; elles se trompaient, la justice et la charité sont unies. Quand il y a justice arrive la paix, on ne peut pas bâtir la paix dans l’injustice, on ne peut pas construire la paix dans la haine.

D’après votre expérience, avons-nous conscience, nous catholiques, de la dimension sociale de l’Eglise ?

Je crois que cette conscience existe, mais qu’elle doit être éduquée. La communauté chrétienne doit être formée à ce qu’est la dimension sociale de la charité : cette éducation est nécessaire, car les idéologies dominantes vont dans le sens contraire.

Le Saint-Père lui-même nous a parlé de l’individualisme, une tendance qui est contraire au Plan de Dieu, celui-ci étant de nous sauver tous ensemble, insérés dans une communauté, la communauté du Peuple de Dieu. Cela a des implications considérables : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. C’est pourquoi l’Eglise nous a donné le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, non pas comme un livre de plus, mais comme une question en attente chez tous les baptisés, que nous devons intérioriser pour la mettre en pratique.

Que répondre à ceux qui qualifient les politiques de Caritas d’assistanat, le terme étant pris dans son sens le plus négatif ?

Ceux qui parlent d’assistanat n’ont jamais donné un centime pour aider leur prochain, comme j’ai pu le constater : il parlent et sont méprisants mais ne collaborent pas. Une personne qui sait ce que c’est d’aimer les autres et lui donner ne serait-ce qu’une petite aumône, celle-là ne parlera jamais d’assistanat. Qu’ils continuent à parler d’assistanat ceux qui ne s’assistent même pas eux-mêmes.

Le Saint-Père parle de l’importance de l’assistance catholique, cependant nous connaissons quelques Caritas diocésaines en Europe pour lesquelles seul compte le professionnalisme, tandis que l’esprit d’amour se perd, elles s’en tiennent au seul thème de l’aide efficace. Comment concilier l’aspect de l’amour et celui de l’aide efficace ?

Lors du dernier congrès avec toutes les Caritas européennes, nous avons abordé ce thème. Celles qui pensaient que servir à Caritas est un emploi de plus sont rares, la majorité des Caritas viennent de pays qui ne sont pas très riches, aussi Caritas n’est pas une source d’emploi car ceux qui travaillent à Caritas sont pour la plupart des bénévoles. En Espagne, par exemple, il y a six mille paroisses organisées, et dans chacune travaillent des centaines de bénévoles. Notre travail consiste à leur inculquer la théologie de la charité pour qu’on comprenne que nous ne sommes pas une ONG de plus, nous sommes une organisation de foi et c’est par la foi que nous servons les autres avec amour. Concernant la conjonction amour-aide efficace, une réponse adéquate sera donnée lors de la prochaine assemblée, qui se tiendra en mai de l’année prochaine.

Fin de la première partie

Propos recueillis par Jaime Septién et Omar Arcega

Traduit de l’espagnol par E. de Lavigne

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ZENIT Staff

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