Pèlerinage à Rome d’un groupe de députés et sénateurs français

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Entretien avec le sénateur Bernard Seillier

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ROME, Mardi 27 septembre 2005 (ZENIT.org) – Cet entretien avec le sénateur Bernard Seillier à propos du pèlerinage à Rome d’un groupe de députés et sénateurs français sera publié dans « France catholique » (n. 2992, cf. France catholique).

En effet, 80 députés et sénateurs font partie d’un groupe de spiritualité, dont le sénateur de l’Aveyron Bernard Seillier nous rapporte une récente initiative : un pèlerinage à Rome.

France Catholique – Monsieur le Sénateur, vous étiez à Rome au début septembre, avec 28 membres du groupe de spiritualité des Assemblées parlementaires. La tradition politique française de la laïcité ne se prête pourtant guère aux pèlerinages…

Sénateur Bernard Seillier – Le pèlerinage n’est ni organisé ni financé par les assemblées parlementaires, mais par un groupe de parlementaires librement réunis, d’ailleurs sans considération d’appartenance politique. Ce groupe existe depuis la Libération, créé à l’initiative de Jules Catoire, ancien ministre […]. Militant CFTC avant guerre. Il fut un grand résistant pendant la guerre et mesura combien le Christ est le meilleur garant de la dignité humaine et son plus puissant protecteur contre tous les totalitarismes, et en l’occurrence le nazisme et le communisme. Le groupe de spiritualité fut ensuite présidé par Noël Barrot, père de Jacques Barrot, commissaire européen aujourd’hui, puis par Bernard Laurent sénateur de l’Aube et enfin par Bruno Bourc-Broc député de la Marne. La présidence du groupe m’a été confiée cette année, avec Patrick Delnatte, député du Nord vice-président, Léonce Déprez, député maire du Touquet comme secrétaire et Hugues Portelli, sénateur maire d’Ermont (Val d’Oise) comme trésorier. Ce groupe a régulièrement effectué des pèlerinages au cours de son histoire. Je me souviens de celui de 1996 et de la longue rencontre avec celui qui était le cardinal Ratzinger à l’époque. Aucune entorse à la laïcité de la République ne pourrait être relevée, à moins de confondre laïcité et antichristianisme.

On doit noter qu’il existe aussi à l’Assemblée nationale comme au Sénat des groupes d’amitié France Saint-Siège regroupant des parlementaires de toutes les formations politiques et fonctionnant selon les modalités des groupes d’amitié entre parlements d’Etats différents. Leurs déplacements à l’étranger pour les rencontres amicales et voyages d’études sont pris en charge par les assemblées parlementaires et sont assistés par un administrateur, fonctionnaire des assemblées. Accuser d’atteinte à la laïcité un groupe de parlementaires en pèlerinage à Rome reviendrait à leur demander de cacher soit qu’ils sont parlementaires, soit qu’ils sont chrétiens. Nous ne sommes pas schizophrènes et la vie démocratique me paraît être plus saine dans la transparence que dans la dissimulation. Nous n’imposons à personne notre démarche et ne modulons pas notre respect de chaque personne en considération de ses convictions religieuses.

France Catholique – L’homme politique a-t-il mis de côté aujourd’hui tout sentiment de la transcendance pour inspirer son action ?

Sénateur Bernard Seillier – Je ne le crois pas, mais le problème est que la transcendance a laquelle chacun se réfère est de qualité et de consistance variable. Il y a des fausses transcendances qui sont les idéologies si l’on entend comme on devrait le faire par transcendance ce qui n’est pas construction humaine. Or les concepts de classe ou de race mais aussi toutes les formes de religions séculières, civiles ou laïques peuvent présenter des signes d’universalité qui leur donnent une certaine apparence de transcendance parce qu’elles surplombent l’individu, mais sont en fait oppressives et ce d’autant plus, qu’étant des constructions intellectuelles, leurs adeptes veulent faire coïncider la réalité avec leur concept. Ainsi croissent les totalitarismes. Le laïcisme est une forme particulière de ces monstres.

France Catholique – Quand l’unité entre conscience personnelle et opinion publique est difficile, l’engagement des chrétiens en politique peut-il s’opposer au relativisme ambiant ?

Sénateur Bernard Seillier – Il est clair que la conscience chrétienne est en conflit avec le relativisme ambiant. Elle doit, dans chaque circonstance, en tirer les conséquences qui s’impose à elle avec le souci de ne pas confondre la défense de sa conscience avec celle de ses avantages matériels.

France Catholique – Vous avez rencontré à Rome différentes personnalités, dont le cardinal Paul Poupard, président du Conseil Pontifical pour la culture, ou encore Mgr Renato Boccardo, secrétaire général de la Cité du Vatican. Quel message votre groupe retient-il de ces rencontres ?

Sénateur Bernard Seillier – Chacun d’entre nous a pu en tirer des enseignements personnels en fonction de sa sensibilité propre à l’état du monde.
En ce qui me concerne j’ai été frappé par le décalage entre la réflexion nuancée et la prudence de jugement des personnalités rencontrées et le simplisme diffusé par les médias sur la situation de l’humanité.

L’attitude réservée de Benoît XVI dans la conjoncture actuelle peut certes être interprétée par des considérations relatives à sa santé ou à son caractère, mais correspond surtout à mon avis à son réalisme soucieux de ne pas laisser penser que tout va pour le mieux.

J’ai été marqué par la forte déclaration du Cardinal Kasper soulignant qu’on ne pouvait pas s’engager dans le dialogue œcuménique si l’on n’était affermi et éduqué solidement dans sa propre foi. On n’entend peu rappeler en France ce principe de précaution qui convie à un redoutable examen de conscience préalable qu’il faut être bien téméraire pour considérer comme inutile. Je crois qu’en ce qui me concerne la confession de foi est un premier objectif déjà suffisamment difficile à franchir avant d’aborder la suite. C’est en tout cas un ordre de priorité qui me semble devoir être humblement respecté. C’est le message principal que je retiens de toutes les rencontres.

C’est toujours un grand plaisir de rencontrer le cardinal Poupard, tellement est vaste sa connaissance des cultures à travers le monde. Nous nous réjouissons des récentes traductions en Chine de plusieurs de ses livres, notamment le « Que sais-je ? » sur les religions. Signe des temps ?

Mgr Boccardo nous a impressionnés par sa simplicité, ses qualités intellectuelles et la forte expression de sa foi. Il devrait se voir confier à l’avenir de hautes responsabilités. N’oublions pas qu’il a été l’organisateur des voyages de Jean-Paul II et des Journées Mondiales de la Jeunesse. A ce sujet il nous a appris que contrairement à une rumeur, le thème des JMJ de Sydney n’a pas encore été fixé.

France Catholique – Vous vous êtes arrêtés à Subiaco où saint Benoît, patron de l’Europe et fondateur du monachisme en Occident, a vécu au VIe siècle. Que vous a inspiré cette étape ?

Sénateur Bernard Seillier – Saint Benoît a commencé par une vie érémitique de trois ans dans une grotte à Subiaco avant de vivre dans le monde et d’être le fondateur qu’il fut.
Je crois que dans la société contemporaine nous devons savoir plus que jamais nous retirer de l’activisme courant pour prendre le recul nécessaire aux entreprises vraiment bénéfiques. Cela peut se faire à travers des retraites épisodiques, mais aussi tous les jours dans l’oraison et la contemplation. Il faut savoir consacrer à Dieu un temps pour lui seul afin qu’il puisse nous travailler. Le cardinal Daniélou avait rédigé un livr
e essentiel à relire et donc à rééditer : L’oraison problème politique.

Notre groupe de spiritualité va faire une retraite à la fin du mois de novembre avec le cardinal Lustiger chez les Bénédictines de Montmartre près de Paris. J’espère que nous nous y retrouverons nombreux pour nous laisser pénétrer par les propos que Benoît XVI nous a adressés le dernier jour de notre pèlerinage sur la place Saint-Pierre : « Puisse votre foi inspirer vos engagements au service du bien commun et vous inciter à promouvoir les valeurs évangéliques dans la société ! »

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ZENIT Staff

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