Mgr Auza exprime la « préoccupation extrême » du Saint-Siège devant « l’absence de législation nationale, notamment en ce qui concerne la poursuite des crimes contre l’humanité ». Il « appelle de toutes ses forces à la prévention de tels actes, à la poursuite de ceux qui les commettent et à la protection de leurs victimes, et exhorte toutes les nations à respecter leur devoir envers l’humanité de protéger et d’aider les personnes en situation de vulnérabilité ».
Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu à la sixième commission de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, sur le point 82 de l’ordre du jour : Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-dixième session (groupe II), à New York, le 30 octobre 2018.
Le porte-parole du Saint-Siège a encouragé la Commission à « poursuivre ses efforts en vue de l’élaboration d’une nouvelle convention mondiale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité ». Il invite la communauté internationale à « aider les États dotés d’institutions fragiles à assumer cette responsabilité et à les assister dans la mise en place d’une capacité d’alerte rapide » ainsi qu’à « protéger les populations de tels crimes chaque fois qu’un État donné manque à sa responsabilité de le faire ».
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Auza.
HG
Déclaration de Mgr Bernardito Auza
Monsieur le Président,
Le rapport de la Commission du droit international note que, selon certains membres, le fait que la moitié, voire la majorité des pays du monde, n’aient pas encore promulgué de dispositions pénales concernant les infractions interdites par le ‘jus cogens’, telles que les crimes contre l’humanité, l’apartheid et le crime d’agression, peut révéler qu’il n’existe pas de devoir coutumier d’exercer une compétence pénale nationale sur ces infractions dès lors qu’elles sont commises sur leur territoire ou par leurs ressortissants. Ma délégation [1] ne peut souscrire à une telle conclusion : l’absence de législation nationale ne doit pas être interprétée comme un manque d’ ‘opinio iuris’ en faveur d’un devoir coutumier de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves qui portent atteinte à la conscience de l’humanité.
Dans le même temps, l’absence de législation nationale, notamment en ce qui concerne la poursuite des crimes contre l’humanité, est une source de préoccupation extrême. Trop souvent, les minorités sont la cible d’asservissement, d’esclavagisation, d’exil forcé, de traite des êtres humains, de nettoyage ethnique et d’autres crimes contre l’humanité. Ni la guerre ni la guerre civile ne sont une excuse pour de telles actions. Le Saint-Siège appelle de toutes ses forces à la prévention de tels actes, à la poursuite de ceux qui les commettent et à la protection de leurs victimes, et exhorte toutes les nations à respecter leur devoir envers l’humanité de protéger et d’aider les personnes en situation de vulnérabilité.
Monsieur le Président,
Le document final du Sommet mondial de 2005, définissant la responsabilité de protéger, établit que « chaque État a la responsabilité de protéger ses populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité ». La communauté internationale est donc invitée à aider les États dotés d’institutions fragiles à assumer cette responsabilité et à les assister dans la mise en place d’une capacité d’alerte rapide. En outre, la communauté internationale, par le biais des Nations Unies, a également la responsabilité de protéger les populations de tels crimes chaque fois qu’un État donné manque à sa responsabilité de le faire [2]. Une intervention rapide des acteurs internationaux dès le début peut prévenir les actes de violence perpétrés contre des civils et le fait effectivement. Toutefois, lorsque l’intervention diplomatique est incapable d’empêcher la commission de crimes, les auteurs doivent être tenus pour responsables.
En vertu de la doctrine ‘aut dedere aut iudicare’, les États ont l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité au sein de leurs frontières et de coopérer entre eux et avec les organisations intergouvernementales compétentes pour mener à bien cette tâche, qui peut nécessiter, le cas échéant, l’extradition de malfaiteurs. [3] En outre, chaque État doit accueillir les personnes qui fuient de tels crimes. En vertu du principe de non-refoulement, les personnes ne doivent pas être renvoyées dans des endroits où elles seraient soumises à des crimes contre l’humanité. Les réfugiés et les migrants fuyant la persécution doivent être accueillis, protégés, aidés et intégrés. Les frontières nationales ne doivent pas dicter les frontières de l’humanité.
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège encourage cette Commission à poursuivre ses efforts en vue de l’élaboration d’une nouvelle convention mondiale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. Ce traité doit viser clairement à codifier le droit coutumier existant et à promouvoir la coopération judiciaire internationale. Ajouter de nouvelles infractions avant que la pratique des États et l’ ‘opinio iuris’ se soient pleinement développées ne serait pas propice à un large consensus. En effet, une telle convention fournirait un mécanisme permettant de remplir l’obligation de la communauté internationale de protéger les populations contre les crimes contre l’humanité par des actions collectives et diplomatiques.
Merci Monsieur le Président.
1 Cf. A / 73/10, 143 : D’autres membres ont estimé que le troisième rapport ne démontrait pas suffisamment que la pratique des États soutenait l’existence en droit international d’un devoir pour chaque État d’exercer sa juridiction pénale nationale sur toutes les infractions interdites par le ‘jus cogens’ lorsque commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Au contraire, le fait que la moitié, voire la majorité des États, n’ait pas de statut en ce qui concerne les crimes interdits par le ‘jus cogens’, tels que les crimes contre l’humanité, le crime d’apartheid et le crime d’agression, témoigne du manque de conviction générale qu’un tel devoir existait en droit international.
- 138 et 139.
- Cf. A / 72/10, article 13.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat