Mgr Paul Richard Gallagher

WIKIMEDIA COMMONS - Bundesministerium für Europa

ONU: agir pour protéger les minorités religieuses dans les conflits

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Discours de Mgr Gallagher devant les Nations Unies (Traduction intégrale)

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Pour protéger les minorités religieuses dans les conflits, il est temps d’agir, alerte le secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États. « Les exemples récents de sauvagerie contre les minorités religieuses doivent secouer la communauté internationale de son inertie ».
Mgr Paul Richard Gallagher, chef de la délégation du Saint-Siège, est en effet intervenu à la soixante-douzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de l’événement parallèle intitulé « Protection des minorités religieuses dans les conflits », organisé par la Mission permanente de la Hongrie auprès des Nations Unies, la Mission permanente d’observation du Saint-Siège auprès des Nations Unies et l’Institut pour la diplomatie culturelle, à New York, le 22 septembre 2017.
Mentionnant sept éléments essentiels, Mgr Gallagher a insisté, entre autres, sur les nécessaires « autonomie mutuelle » et « collaboration positive entre les communautés religieuses et l’État. Dans leurs domaines propres, ils sont autonomes et indépendants l’un de l’autre. Pourtant, sous différents titres, ils sont consacrés au bien-être de la même personne qui est à la fois un fidèle et un citoyen. Plus ils favorisent la coopération entre eux tout en respectant l’autonomie de chacun, plus leur service sera efficace pour le bien de tous ».
Il a aussi souligné le « besoin urgent » d’un « dialogue interreligieux efficace comme antidote au fondamentalisme dans le but de surmonter l’hypothèse cynique selon laquelle les conflits entre les croyants religieux sont inévitables et de contester l’interprétation étroite des textes religieux qui diabolisent ou déshumanisent ceux qui professent des croyances différentes ».
Enfin, il a rappelé le rôle de l’éducation : « une bonne éducation en général et une éducation religieuse solide en particulier sont essentielles pour empêcher la radicalisation qui mène à l’extrémisme, à la persécution des minorités religieuses et au terrorisme ».
Voici notre traduction du discours en anglais prononcé par Mgr Gallagher.
HG
Discours de Mgr Gallagher
Excellences, chers Collègues, Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur de participer à l’événement parallèle de ce matin sur la protection des minorités religieuses dans les conflits, organisé par la Mission permanente de Hongrie en collaboration avec la Mission permanente d’observation du Saint-Siège et l’Institut pour la diplomatie culturelle.
La nécessité de se concentrer sur la sauvegarde des minorités religieuses dans les situations de guerre et de conflit découle de la réalité révoltante selon laquelle, comme nous l’avons tous vu au cours des dernières années dans diverses parties du monde couvertes de sang, la guerre et les conflits constituent souvent la toile de fond pour que les minorités religieuses deviennent la cible de persécutions, de violences sexuelles et de toutes formes de violence physique, d’asservissement, de détention illégale, d’expropriation de biens, d’esclavage, d’exil forcé, de meurtre, de nettoyage ethnique et d’autres crimes contre l’humanité.
L’expérience récente fait de la protection des minorités religieuses l’une des responsabilités les plus urgentes de la communauté internationale. Une telle protection doit s’étendre au-delà de la simple prévention de l’anéantissement intentionnel ou réel des minorités, mais doit inclure un examen des causes profondes de leur discrimination et de leur persécution et une réponse à celles-ci, et encourager la défense et la protection vigoureuses de leur dignité humaine, des droits à la vie et à la liberté de conscience et de religion.
Lorsque nous examinons la situation mondiale, nous voyons que la persécution des minorités religieuses n’est pas un phénomène isolé dans une région, comme, par exemple, les barbaries commises par ISIS au Moyen-Orient. Dans son rapport annuel de 2016, la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale a déclaré qu’il existe de graves violations systématiques et flagrantes de la liberté religieuse dans 27 pays différents. Le rapport 2016 sur la liberté religieuse dans le monde, par L’Aide à l’Église en Détresse, a affirmé que sur196 pays du monde, 38 présentaient des signes indéniables de violations significatives de la liberté de religion, 23 d’entre eux consistant en une persécution absolue. Le rapport intérimaire de 2013 de M. Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, a décrit que les violations des droits religieux des minorités dépassent les violations méthodiques, continues et épouvantables commises par des acteurs étatiques et non étatiques tels que le terrorisme, l’autodéfense, les massacres et les meurtres individuels, les expulsions forcées, le nettoyage ethnique, le viol et l’enlèvement de femmes pour les vendre en esclavage, la destruction et la confiscation de biens, les attaques contre les convertis et ceux qui sont accusés de les avoir entraînés et la violence encouragée ou tolérée contre les non-croyants et les personnes appartenant à des minorités religieuses. Cela comprend également, a-t-il souligné, les lois anti-apostasie et anti-blasphème, un harcèlement bureaucratique et des charges administratives en matière de construction de maisons de culte et d’écoles, des structures discriminatoires dans le droit de la famille et de l’éducation, et la stigmatisation des personnes comme incroyantes ou hérétiques.
En bref, ces trois rapports largement étudiés de l’année dernière montrent que les attaques contre les minorités religieuses sont assez répandues. Bien que presque tous les groupes religieux identifiables subissent un certain degré de persécution quelque part dans le monde, les chrétiens restent les plus persécutés. En outre, il y a eu une recrudescence d’attaques antisémites, notamment dans certaines parties de l’Europe, et les musulmans sont confrontés à de sérieuses persécutions, souvent de la part de groupes fondamentalistes qui ne partagent pas la même interprétation des principes de leur foi.
Dans ce contexte, que faut-il pour protéger les minorités religieuses? J’aimerais mentionner brièvement sept éléments essentiels.
Tout d’abord, il faut agir. Les exemples récents de sauvagerie contre les minorités religieuses doivent secouer la communauté internationale de son inertie. Ceux qui sont chargés de sauvegarder le respect des droits fondamentaux de l’homme doivent s’acquitter de leur responsabilité de protéger ceux qui risquent de subir des crimes atroces. Nous devons sensibiliser les gens aux urgences humanitaires et répondre généreusement. De même, en ce qui concerne la situation au Moyen-Orient, il faut fournir et assurer les conditions pour que les minorités religieuses et ethniques reviennent dans leurs lieux d’origine et vivent dans la dignité et la sécurité, et avec les cadres sociaux, économiques et politiques fondamentaux nécessaires pour assurer la cohésion de la communauté. Il ne suffit pas de reconstruire les maisons, ce qui est une étape cruciale, comme cela se passe dans diverses villes de la plaine de Ninive grâce à la générosité de gouvernements comme la Hongrie ou d’organismes de bienfaisance comme L’Aide à l’Église en Détresse ou les Chevaliers de Colomb. Il faut aussi reconstruire la société en jetant les bases d’une coexistence pacifique.
Deuxièmement, l’Etat de droit et l’égalité devant la loi fondée sur le principe de la citoyenneté, indépendamment de la religion, de la race ou de l’origine ethnique, sont essentiels pour établir et maintenir une coexistence harmonieuse et fructueuse entre les individus, les communautés et les nations. La loi doit garantir de manière égale et sans équivoque les droits de l’homme de tous les citoyens, dont le droit à la liberté de religion et de conscience, qui implique le droit de changer librement de religion sans subir de discrimination ni porter les stigmates de la mort. Même dans les endroits où une religion bénéficie d’un statut constitutionnel spécial, il faut reconnaître et défendre le droit de tous les citoyens et communautés religieuses à la liberté de religion, à l’égalité devant la loi et aux moyens appropriés de recours lorsque leurs droits sont violés. Un État qui fonctionne correctement en vue du bien commun est une condition préalable pour protéger les minorités religieuses et assurer leur avenir.
Troisièmement, il devrait y avoir une autonomie mutuelle et une collaboration positive entre les communautés religieuses et l’État. Dans leurs domaines propres, ils sont autonomes et indépendants l’un de l’autre. Pourtant, sous différents titres, ils sont consacrés au bien-être de la même personne qui est à la fois un fidèle et un citoyen. Plus ils favorisent la coopération entre eux tout en respectant l’autonomie de chacun, plus leur service sera efficace pour le bien de tous. Lorsque les communautés religieuses et l’État se confondent ou coïncident, comme l’a déclaré le pape François en avril à l’Université Al-Azhar au Caire, «la religion risque d’être absorbée par l’administration des affaires temporelles et tentée par l’attrait des puissances terrestres qui l’exploitent».
Quatrièmement, les responsables religieux ont la responsabilité grave et spécifique d’affronter et de condamner l’usage abusif de la croyance et du sentiment religieux pour justifier le terrorisme et la violence contre les croyants d’autres religions. Ils doivent constamment affirmer que personne ne peut légitimement tuer un innocent au nom de Dieu. Comme l’a dit le pape François en Egypte, et avant cela en Albanie et dans de nombreux autres contextes, il doit y avoir un « “non” ferme et clair à toute forme de violence, de vengeance et de haine exercée au nom de la religion ou au nom de Dieu ». Il faut également s’attaquer aux problèmes sociaux, politiques et économiques que les démagogues peuvent exploiter pour inciter à la violence.
Cinquièmement, il existe un besoin urgent de dialogue interreligieux efficace comme antidote au fondamentalisme dans le but de surmonter l’hypothèse cynique selon laquelle les conflits entre les croyants religieux sont inévitables et de contester l’interprétation étroite des textes religieux qui diabolisent ou déshumanisent ceux qui professent des croyances différentes. Un dialogue interreligieux efficace peut, doit et montre souvent le paradigme des conversations politiques et interpersonnelles nécessaires à l’harmonie sociale.
Sixièmement, l’éducation : une bonne éducation en général et une éducation religieuse solide en particulier sont essentielles pour empêcher la radicalisation qui mène à l’extrémisme, à la persécution des minorités religieuses et au terrorisme. La société récolte ce qu’elle sème. Il est essentiel que l’enseignement dans les écoles, dans les chaires et par Internet ne fomente pas l’intransigeance et la radicalisation extrémiste, mais le dialogue, le respect des autres et la réconciliation. À l’Université Al-Azhar au Caire, le Pape François a souligné qu’une éducation dans « une ouverture respectueuse et un dialogue sincère avec les autres, reconnaissant leurs droits et libertés fondamentales, en particulier la liberté religieuse, représente le meilleur moyen de construire l’avenir ensemble, d’être des bâtisseurs de civilité . … La seule alternative à la civilité de la rencontre est l’incivilité du conflit. … Pour contrer efficacement la barbarie de ceux qui fomentent la haine et la violence, nous devons accompagner les jeunes, les aider sur le chemin de la maturité et leur enseigner à répondre à la logique incendiaire du mal en travaillant patiemment pour faire grandir la bonté. De cette façon, les jeunes, comme des arbres bien plantés, peuvent être fermement enracinés dans le sol de l’histoire et, se développant vers le ciel en compagnie les uns des autres, ils peuvent quotidiennement transformer l’air pollué de la haine en oxygène de la fraternité ».
Septièmement et enfin, nous devons bloquer le flux d’argent et les armes destinés à ceux qui ont l’intention de les utiliser pour cibler les minorités religieuses. Comme le faisait observer avec insistance le pape François à la fin de son allocution d’Al-Azhar, « il faut mettre un terme à la prolifération des armes; si elles sont produites et vendues, tôt ou tard, elles seront utilisées. » L’arrêt des atrocités consiste non seulement à s’attaquer à la haine et aux cancers du cœur qui engendrent la violence, mais aussi à retirer les instruments avec lesquels cette haine exerce réellement cette violence.
La protection des minorités religieuses en conflit est vraiment l’une des responsabilités les plus urgentes de la communauté internationale aujourd’hui. Je remercie la Mission permanente de Hongrie, l’Institut pour la diplomatie culturelle, et vous tous d’être venus aujourd’hui pour vous assurer qu’elle obtienne l’attention qu’elle mérite.
Merci de votre attention.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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