Vue de la basilique Saint-Pierre

WIKIMEDIA COMMONS - Alberto Luccaroni

Messe pour la France en la basilique Saint-Pierre

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Homélie de Mgr Laffitte pour la fête de Ste Pétronille

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« Nous sommes rassemblés aujourd’hui tout simplement parce que nous aimons notre pays ; nous aimons la France », a fait observer Mgr Jean Laffitte, prélat de l’Ordre Souverain et Hospitalier saint Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte, dans son homélie de la traditionnelle messe annuelle pour la France, à Saint-Pierre de Rome, ce mardi 30 mai 2017.
Tous les ans, en la fête de sainte Pétronille, une messe est célébrée à Rome pour « la nation franque ». Par une « heureuse et providentielle coïncidence de dates », cette célébration a eu lieu cette année le jour de la fête de sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire de la France, comme l’a souligné Mgr Laffitte.
En présence de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, M. Philippe Zeller, de son épouse et de membres du corps diplomatique près du Saint-Siège représentant les cinq continents, une assemblée nombreuse a participé à la messe animée par la Chapelle Ludovicea, sous la direction de Maître Ildebrando Mura.
Pétronille, vierge romaine, nous est connue par une inscription apposée sur le sarcophage de la sainte, dans la catacombe de Domitille : « Aur. Petronillae, filiae dulcissima », rapidement attribuée à Saint Pierre, qui aurait ainsi reconnu en Pétronille sa « fille très douce ». Au VIIIème siècle, les papes Étienne II puis Paul Ier placent la France sous la haute protection de sainte Pétronille faisant de la France, par analogie, la fille aînée de l’Église.
Voici le texte complet de l’homélie de Mgr Laffitte que nous publions avec son aimable autorisation.
CR
Homélie de Mgr Jean Laffitte
Excellence, Monsieur l’Ambassadeur,
Excellences Messieurs les Ambassadeurs
Chers amis,
Il est bon de nous réunir ici en ce jour où, selon une tradition désormais bien établie, nous célébrons Sainte Pétronille, la fille très douce de saint Pierre, si l’on en croit l’inscription de son sarcophage dans la Catacombe de Domitille filia dulcissima : occasion à la fois d’intercéder pour notre pays de France, Fille aînée de l’Eglise, peut-être pas toujours dulcissima, et de réaffirmer en ce lieu notre attachement au Successeur de Pierre.
Par une heureuse et providentielle coincidence de dates, notre célébration a lieu cette année le jour même de la Fête d’une autre sainte traditionnellement invoquée en faveur de notre pays, Sainte Jeanne d’Arc, que le pape Pie XI offrit à la France en 1922 comme sa Patronne secondaire.
Nous pourrions nous interroger longuement sur le sens profond de notre présence ici ; nous nous égarerions sans doute si nous ne partions d’une expérience personnelle propre à chacun d’entre nous : nous sommes rassemblés aujourd’hui tout simplement parce que nous aimons notre pays ; nous aimons la France : elle est cette terra patria, cette quantité de terre, selon le mot de Charles Péguy, où l’on peut parler une langue, où peuvent régner des moeurs, un esprit, une âme, un culte. C’est une portion de terre, ajoutait le poète, où l’âme peut respirer.
Prier pour son pays est un devoir noble pour le chrétien, qui est aussi un citoyen. Son lien à sa propre Patrie s’enracine humainement dans la gratitude qu’il nourrit envers la nation qui lui a permis en un sens d’être ce qu’il est, porteur d’une culture et de traditions dont il n’est pas l’auteur. Intercéder pour sa patrie est une belle expression de cette vertu de justice propre aux âmes généreuses qui n’oublient pas ce qu’elles ont reçu de leurs pères.
Aimer la France ! Comment ne pas penser à ces paroles de Bernanos dont l’amour pour notre pays était le tourment : Si vous aimez la France et son esprit, n’en attendez pas la définition, car cette définition n’existe pas. Mon pays est plein de contradictions, comme n’importe quelle créature humaine, comme la vie elle-même ; la raison seule ne saurait résoudre ces contradictions, il y faut absolument la clairvoyance de l’amour, que le christianisme a divinisée sous le nom de charité. On parle beaucoup de son génie équilibré ; on pourrait bien mieux parler de sa flamme, de la ferveur sacrée qui la jette sans cesse d’expérience en expérience, de risque en risque.
La page d’Evangile que nous venons d’entendre nous introduit dans le très long entretien de Jésus avec ses disciples en ce moment que l’Evangéliste saint Jean nomme volontiers l’Heure de Jésus. Il s’agit du dernier repas du Maître avec les siens, et qu’il a voulu faire précéder par le geste du lavement des pieds. C’est un discours d’adieux ou plus exactement une conversation intime, dans la mesure où Jésus révèle son intériorité toute tournée vers le Père et habitée par Lui. Le moment culminera justement par l’intense supplication au Père céleste, et à laquelle la Tradition donne le nom de Prière sacerdotale.
C’est au coeur de cette séquence qui recouvre ces chapitres 13 à 17 du IVème Evangile, qu’est situé le singulier chapitre 15 d’où sont extraits les versets offerts aujourd’hui à notre méditation. Ils enseignent aux disciples l’unique voie qui s’offre à eux : celle d’un attachement radical à Lui, Jésus, à la manière dont un sarment est greffé sur une vigne, condition pour qu’il porte du fruit. L’image évoque ainsi un lien vital, une communication de vie, réalité à laquelle le temps liturgique actuel, entre Ascension et Pentecôte, nous rend particulièrement attentifs ; une autre expression revient parfois dans la bouche de jésus: demeurer en Lui, exactement comme Lui demeure dans le Père ; il appartient au sarment d’être purifié, émondé par le vigneron.
Sans cette opération que le Père, Maître de la vigne, accomplit pour Sa gloire, selon les paroles de Jésus lui-même – c’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit et deveniez mes disciples -, les sarments devenus irrémédiablement stériles se dessèchent et sont destinés à être jetés au feu ; Jésus rend aussi ses disciples conscients de leur rejet par le monde, saint Jean va jusqu’à employer le terme de haine : si le monde vous hait, sachez que moi, il m’a pris en haine avant vous.
Quel est donc ce monde si hostile ? Il ne peut s’agir de la Création si excellente que Dieu a faite à l’origine et qui fit dire à l’Auteur sacré : Dieu vit que cela était bon ; Dieu vit que cela était très bon ; il n’est pas question non plus de l’ensemble des hommes au sujet desquels Saint Jean écrit : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (3,16), non pour juger le monde mais que par Lui le monde soit sauvé. Il s’agit du monde intentionnellement séparé de Dieu, éloigné du Père, et soumis au pouvoir de l’Adversaire qui divise les hommes, trouble leur coeur et plonge leur esprit dans la confusion, qui les rend oublieux de leur Créateur, éveillant les convoitises les plus diverses, richesses, goût du pouvoir, et qui séduit par cette sagesse du monde étrangère aux pensées divines. Ce monde-là a rejeté le Fils bien-aimé du Père et a préféré à sa lumière les ténèbres de la véritable ignorance. Terrible révélation de Jésus aux siens qui vont être ainsi préparés à son départ imminent : vous n’êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde. Jésus révèle à ses amis leur véritable identité : ils sont ses disciples, et Il leur dévoile aussi leur propre destinée, la Patrie céleste.
Dans ces paroles de Jésus, il n’y a aucune tromperie, aucun artifice, aucun désir de plaire. Il n’aurait pu d’ailleurs prononcer des paroles plus dures, plus décourageantes à l’endroit de ceux auxquels il désirait confier son testament spirituel, ses ultimes enseignements. Et pourtant voici que ces mots, précieusement conservés jusqu’à nos jours ont éclairé et consolidé tous les vrais disciples de Jésus au cours des siècles. Ils ont compris et comprennent encore aujourd’hui pourquoi leurs relations au monde sont vécues au sein de ce paradoxe : d’un côté, avoir les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus, ayant au coeur l’amour divin du Père ; de l’autre, se garder des séductions du Mauvais et de la souillure du monde, selon le mot violent de l’Epître de saint Jacques .
Face au monde entendu ainsi, le disciple de Jésus choisit de rendre au Christ un témoignage limpide et paisible. Cela le conduit parfois au don suprême qui par le martyre le configure à son maître. Ainsi de sainte Pétronille comme de sainte Jeanne d’Arc. Elles ont fait comme tant d’autres le choix de la véritable Sagesse, à la fois don et promesse exprimés ainsi par la Première lecture : Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et plus aucun tourment ne peut les atteindre… Quand Dieu viendra nous visiter, ils seront lumière, semblables à la flamme légère qui court dans les broussailles. Ils gouverneront des nations et domineront sur les peuples, et le Seigneur sera leur Roi pour toujours.
A l’intercession de sainte Pétronille, comme à celle de sainte Jeanne d’Arc, joignons notre prière : que Dieu bénisse et protège toujours notre pays de France.
AMEN
© Mgr Jean Laffitte

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Constance Roques

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