Les "perspectives pastorales de l´Eglise du troisième millénaire"

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La « grande arche » d´un consistoire à un autre

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CITE DU VATICAN, Vendredi 18 mai 2001 (ZENIT.org) – « Les perspectives pastorales dans l´Eglise du troisième millénaire », tel est le thème de la relation d´introduction que le pape Jean-Paul II a confiée au cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris. Le cardinal aura la parole lundi matin, premier jour du sixième consistoire du pontificat, premier en ce début de millénaire.

Un anniversaire au travail
Le pape fête aujourd´hui ses 81 ans en travaillant d´arrache pied: pas de congé, comme pour la fête de son saint patron, saint Charles, qui est chômée au Vatican. Mais les audiences aux nouveaux ambassadeurs (pas moins de neuf pays de contextes aussi différents que Népal, Tunisie, Estonie, Zambie, Guinée, Sri Lanka, Mongolie, Afrique du Sud, Gambie), et la préparation du consistoire qui doit réunir les 183 cardinaux actuels pour la première fois en ce siècle (Cf. Ci-dessous, les 5 consistoires du pontificat). Avant de nous pencher sur les thèmes à l´ordre du jour, tels que « Novo millennio ineunte » le laisse entendre, revenons sur le but de cette réunion.

Les surprises
Le P. Vandrisse rappelle aujourd´hui dans le Figaro que le pape avait créé la surprise en annonçant ce consistoire, le 26 février dernier. Il venait de surprendre en faisant 44 nouveaux cardinaux. Il a surpris à Athènes, en demandant pardon pour le sac de Constantinople par les Croisés et signant une « déclaration conjointe » avec l´archevêque orthodoxe d´Athènes, S. B. Christodoulos, et se rendant à la mosquée des Omeyyades, à Damas, où il a rencontré le Grand Mufti. Comment, alors, ne pas s´attendre à être surpris encore une fois dans nos spéculations sur ce consistoire?

La cohérence
En même temps, à chaque fois, ces « surprises » s´inscrivent dans une dynamique et une cohérence qui nous indique d´aller lire « Novo millennio ineunte » à nouveaux frais pour comprendre la raison de cette réunion où réflexions d´ensemble et « cercles de travail » alterneront de lundi, 21 mai, au jeudi de l´Ascension, 23 mai (Cf. Programme ci-dessous).

La grande arche
Le consistoire 2001 semble former avec celui de 1994, comme le second pilier d´une « grande arche », l´un lançait le Jubilé, l´autre recueille les fruits du Jubilé. Dans la dynamique de l´Incarnation qui vient d´être célébrée tout au long de l´année sainte, le pape fait « plancher » les cardinaux sur la mise en œuvre concrète dans les Eglises particulières des objectifs signalés par la Lettre apostolique du 6 janvier, « Novo millennio ineunte », de portée universelle.

Coordination des efforts
Les cardinaux sont ainsi appelés à réfléchir aux urgences pastorales et sur la façon dont les Eglises particulières vont exercer leur responsabilité de transmettre l´Evangile au monde d´aujourd´hui, dans les différents contextes sociaux et culturels, tout en maintenant le lien de la communion. Ceci suppose un effort de coordination avec l´organe central, avec la curie romaine: une coordination dont les consistoires, précisément, sont un instrument.

Bilan du Jubilé
En 1994, « Tertio millennio adveniente » avait suivi (10 novembre 1994), le consistoire des 14 et 15 juin. En 2001, le consistoire prend son appel sur le tremplin de la lettre du pape. La gerbe des célébrations du Jubilé sera liée, lundi matin, par le cardinal Roger Etchegaray, Président du Comité pour le Grand Jubilé. Le cardinal Crescenzio Sepe, actuel préfet de la congrégation pour l´Evangélisation des peuples, présentera des « résultats » en chiffres. La relation finale a été confiée au cardinal archevêque de Guadalajara (Mexique), Juan Sandoval Íñiguez.

Rencontre du Christ
Selon « Novo millennio ineunte », l´Eglise, en ce début de troisième millénaire, est d´abord appelée à mettre en œuvre le grand héritage de la « rencontre avec le Christ », à « contempler » le visage du Christ, le Christ des Evangiles, son visage de Fils, son visage de Serviteur souffrant et son visage de Ressuscité, pour pouvoir ainsi « repartir » du Christ. Mais les principes universels de la lettre ne manquent pas de rencontrer sur le terrain des difficultés que les cardinaux ne manqueront pas d´envisager pour leur programme à venir.

Fidélité et dialogue
La « programmation » pastorale indiquée par Jean-Paul II est donc « christocentrique » (ch. II). Le Christ, vrai Dieu et vrai homme, unique et universel Sauveur, comme l´a rappelé la déclaration « Dominus Iesus », en particulier pour le contexte du dialogue interreligieux dont la visite à la mosquée de Damas a donné un exemple pédagogique, loin de conceptions réductrices du salut. Ces conceptions n´affaiblissent-elles pas aussi l´élan missionnaire? Car, pourquoi évangéliser si chacun à sa voie de salut? D´où les questions de la fidélité à l´annonce dans ce contexte de dialogue interreligieux, et des formes à donner à ce dialogue. A la fin de sa lettre le pape revient sur cette question en affirmant: « le dialogue ne peut être fondé sur l´indifférentisme religieux » (n. 56).

Le vigoureux appel du concile
La sainteté (n. 30). Avant même de songer à un « programme », le pape lance le vigoureux appel du concile à la sainteté de tous les baptisés (Lumen Gentium, V). Les textes du concile, dit le pape, « à mesure que passent les années, ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat » (n. 57). Au lieu d´envisager un Vatican III, le pape affirme que le concile reste la « boussole fiable » pour l´Eglise dans le monde d´aujourd´hui, la « grande grâce dont l´Eglise a bénéficié au XXe siècle » (ibid.). Et si le pape a insisté pendant le Jubilé sur l´examen de conscience, la pénitence, la demande de pardon, la purification de la mémoire, il n´a pas cessé non plus de mettre en relief les témoignages de sainteté qui jalonnent la vie de l´Eglise, et tout particulièrement en ce XXe siècle qui a fait plus de martyrs que les 19 siècles précédents. On se souvient de la célébration œcuménique des témoins du Christ au Colisée, il y a eu un an la semaine passée.

Des modèles de sainteté
Le pape ne cesse de proposer des saints comme modèles aux chrétiens d´aujourd´hui, comme à Malte, récemment et en Ukraine, bientôt. On se souvient du retentissement en France de la canonisation des martyrs de Chine, le 1er octobre, comme en tel village d´Alsace, mobilisé autour de son saint « missionnaire ». Les vies de saints n´ont jamais eu autant de succès. Pourtant cette voie semble encore réservée à ces « happy few » de nos calendriers. Or le pape – ordonné prêtre à la Toussaint, en 1946 ! – affirme dans toutes ces homélies de béatification que les nouveaux bienheureux ne sont pas seulement des intercesseurs, mais des modèles à imiter. Mais quel catéchiste osant aujourd´hui rappeler aux enfants qu´ils sont tous appelés à la sainteté et leurs parents aussi, place si haut la barre? Le pape invite (« il est temps », écrit-il) de proposer à tous ce « haut degré de la vie chrétienne ordinaire ». Comment faire?

Vie spirituelle et théologie
Le pape a proclamé sainte Thérèse de Lisieux docteur de l´Eglise, le 19 octobre 1997. L´Eglise se préparait déjà activement au Jubilé (première année de préparation). Sa « petite voie d´enfance spirituelle » était ainsi reconnue non seulement comme à imiter par les fidèles, mais aussi comme une voie pour les théologiens, ou simplement pour étudiants en théologie: une aide pour ne jamais dissocier étude et vie spirituelle. C´est à peu près en substance ce que le cardinal Ratzinger expliquait alors à un groupe de séminaristes français sur le sens de ce « doctorat ». Le P. François-Marie Léthel n´a-t-il pas, dans une thèse qui a fait du bruit, mis en évidence la « Théologie des saints ». La « pastorale de la sainteté » recommandée par Jean-Paul II le 6 janvier dernier, c´est aussi cela semble-t-il. Le cardinal Lustiger avait lui-même, dans son
intervention su synode pour l´Europe, souligné l´importance de la recherche théologique.

Pastorale des sacrements
Pourtant « Novo millennio ineunte » insiste aussi sur la pastorale des sacrements, moyen de sanctification par excellence (n. 32 et suiv.). Toute l´année jubilaire a été une invitation à redécouvrir les sacrements, en particulier l´eucharistie et la réconciliation. Qui a oublié les quelque deux mille prêtres confessant sans cesse des milliers de jeunes, au Circo Massimo, sous les feux du soleil d´août? Qui a oublié les files d´attentes dans les basiliques romaines? Pour que tous les baptisés puissent habituellement puiser à la source, le pape recommande que les paroisses deviennent des « écoles de prière », des lieux d´écoute de la Parole, et que le « Jour du Seigneur » redevienne la célébration du Ressuscité, face à la « religiosité naturelle » ambiante, et à la « crise » du dimanche (cf. Dies Domini, 31 mai 1998, deuxième année de préparation du Jubilé). Reste à trouver les moyens pastoraux concrets sur le terrain pour retrouver le sens des signes chrétiens. Le génie pastoral des cardinaux planchera là-dessus aussi.

Les instruments de la communion
« Novo millennio ineunte » évoque dans sa dernière partie, « les témoins de l´amour », un programme pastoral qui vise à faire de « l´Eglise la maison et l´école de la communion », comme « le grand défi qui se présente à nous dans le millénaire qui commence » (n. 44 et suiv.). Ce sera, écrit le pape, une question de fidélité au « dessein de Dieu » et une réponse « aux attentes du monde ». Concrètement, le pape invite à mettre en œuvre les « grandes orientations du concile » pour « assurer » et « garantir » la communion. Il cite les moyens concrets de cette communion mis en œuvres – en particulier à la suite des consistoires précédents – « la réforme de la curie romaine, l´organisation des synodes, le fonctionnement des conférences épiscopales ». Il indique: « il reste certainement beaucoup à faire pour exprimer au mieux les potentialités de ces instruments de communion ». Il semble que le pape ouvre là aussi un champ à la réflexion des cardinaux. Il indique comme une autre aspect important de la communion le chemin œcuménique déjà engagé: mais où en sommes-nous? Là aussi il faut prendre le pouls et envisager la cure.

Le « pari de la charité »
Pour ce qui est des derniers points abordés par Novo millennio ineunte, soulignons encore ce que le pape appelle le « pari » de la charité. Il rappelle « l´option préférentielle » pour les pauvres (n. 49), il parlait dans « Tertio millennio adveniente » de la « globalisation de la charité ».
Il évoque ensuite les « défis actuels » comme celui de la défense de la vie, des « nouvelles potentialités de la science » (n. 51). Pour y répondre, le pape invite les fidèles à un « engagement » qui soit en même temps un « témoignage chrétien efficace ». Là aussi une porte est ouverte sur la mise en œuvre concrète de tels principes.
Ajoutons enfin, l´une des caractéristiques du Jubilé: il a été le Jubilé le plus médiatique de l´histoire. Il a posé la question de la relation de l´Eglise aux media, de sa capacité de communiquer la Bonne nouvelle à ce nouvel « aréopage ». Question de langage, question de moyens, questions de personnes et de leur formation. Là aussi, la leçon du Jubilé est appelée à se poursuivre dans le quotidien des Eglises, c´est pour le pape l´un des points importants de la nouvelle évangélisation.

« Que faire? »
Ainsi, la question « où en est l´Eglise » se posera certainement aux cardinaux à la fois pour ce qui concerne l´annonce du Christ dans le contexte du dialogue interreligieux, la pastorale de la sainteté, la médiation sacramentelle du salut, les rapports entre universalité et particularité dans la communion ecclésiale, la globalisation de la solidarité, le témoignage des baptisés en particulier dans les domaines de la morale sexuelle et familiale et de la recherche scientifique, et la présence de l´Eglise dans le monde des media. Mais ce que Jean-Paul II demande, comme il le disait lors du consistoire, c´est déjà cet exercice de la communion, au cours du consistoire, pour dégager des lignes d´action concrètes, à mettre en œuvre de façon « coordonnée ». La porte sainte a été fermée. La Porte qui est le Christ demeure grande ouverte, pour l´humanité entière que l´on ne rencontre que sur le terrain.

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ZENIT Staff

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