« Les objectifs du Saint-Siège : personne humaine, justice et paix », par le card. Martino

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Rencontre avec des diplomates de pays musulmans

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ROME, Mardi 8 mai 2007 (ZENIT.org) – « Les objectifs du Saint-Siège : personne humaine, justice et paix », le cardinal Renato Raffaele Martino, président du conseil pontifical « Justice et Paix » est intervenu sur ce thème, hier, lundi 7 mai 2007, devant des diplomates de pays musulmans et des experts des 5 continents réunis à l’université pontificale grégorienne, à l’initiative de la Fondation « Gregoriana » et de l’Institut international Jacques Maritain.

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« Les objectifs du Saint-Siège : personne humaine, justice et paix »

Prémisse

Je suis heureux et reconnaissant de l’occasion que me donnent ici la Fondation Grégorienne et l’Institut International Jacques Maritain d’illustrer les objectifs de l’action du Saint-Siège pour la promotion et la défense de la personne humaine, de la justice et de la paix. En tant que diplomate, j’ai passé seize années à New York pour apporter au Palais des Nations Unies le souffle de l’esprit de Rome, l’esprit du Magistère et de l’engagement du grand Pape Jean-Paul II et du Siège Apostolique Romain. L’engagement prodigué dans ce sens émanait non pas d’une volonté de protagonisme ou d’hégémonie, mais bien de l’Evangile lui-même, dont l’Eglise est dépositaire et qu’elle a mission de diffuser.

L’Eglise, et donc aussi le Saint-Siège, ne constituent pas une force politique au sens normal du mot, mais une force d’ordre moral. Le Concile Vatican II rappelle ces deux aspects dans un passage très important de Gaudium et spes : « L’Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine »(1). C’est justement la puissance morale, et non la puissance politique, qui assure au Saint-Siège la capacité d’agir sur la scène internationale. D’ailleurs, l’humanité d’aujourd’hui a extrêmement besoin de s’engager au plan moral, outre celui politique. Ce dernier est nécessaire, certes, mais il ne suffit pas : comme l’histoire le prouve, les partis politiques qui ne s’appuient pas sur une culture profonde des valeurs humaines sont éphémères.

La position particulière du Siège Apostolique facilite la crédibilité de ses interventions, dont il est aisé de percevoir le caractère désintéressé. En effet, le Saint-Siège « se sent solidaire de toutes les grandes initiatives qui cherchent à résoudre les problèmes de l’humanité (…). Précisément, c’est sur le plan spirituel que s’exerce spécialement la sollicitude de l’Eglise, parce que c’est là que se joue le destin éternel des hommes et la vie ordonnée des peuples. Il faut citer avant tout le problème fondamental de la paix ; il polarise tous les efforts des hommes de bonne volonté et l’Eglise lui apporte ses encouragements par tous les moyens dont elle dispose, surtout en sensibilisant les consciences au plan mondial sur le devoir de défendre ce bien fragile et menacé, qui est pourtant prioritaire à tous les niveaux »(2). La mission de l’Eglise dans le social est caractérisé par son engagement pour le bien commun de l’humanité, avec tous les moyens dont elle dispose.

Le sens d’une présence

Me référant aux seize années pendant lesquelles j’ai eu l’honneur – au nom du Saint-Siège – d’exercer une action directe auprès de l’ONU à New York, je peux témoigner personnellement de l’action « humanisante » de la diplomatie vaticane. En effet, au cours de son activité aux Nations Unies, le Saint-Siège s’est employé à transmettre la pensée de Jean-Paul II et à suivre sa guide. Outre être présents quotidiennement dans les divers comités et conseils de l’ONU, les Représentants du Saint-Siège ont assuré la partie sans doute la plus importante de leur travail au cours de la série des Conférences et des Sommets des Nations Unies qui ont orienté les politiques relatives aux problèmes sociaux et économiques de notre époque, et aux droits humains. En deux décennies, le Saint-Siège a participé à la Conférence sur l’Environnement humain, à Stockholm, en 1972 ; à la Conférence sur la Population, à Bucarest, en 1974 ; à la Conférence de Vancouver sur les Installations humaines, en 1976, où le Saint-Siège a obtenu qu’il soit tenu compte de la nécessité de réserver un espace pour les lieux de culte dans la programmation des installations humaines. En 1984, il a participé à la Deuxième Conférence mondiale sur la Population, à Mexico, et en 1985, à la Conférence sur les Femmes, à Nairobi. Un nouveau cycle de conférences a été inauguré avec le Sommet sur les Enfants en 1990, suivi de la Conférence de Rio de Janeiro sur l’Environnement en 1992, où le Saint-Siège a défendu « le droit des personnes aux valeurs religieuses et culturelles ». En outre, à Rio toujours, le Saint-Siège a obtenu qu’une phrase du premier article de la Déclaration sur l’Environnement et le Développement soit rédigée comme suit : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable ». A la Conférence de Vienne sur les Droits de l’Homme en 1993, le Saint-Siège a défendu le principe selon lequel « tous les droits de l’homme dérivent de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine ». En 1996, le Saint-Siège a participé à la Deuxième Conférence sur l’Habitat à Istanbul, où il a défendu avec succès le droit à un logement adéquat. Je veux rappeler aussi sa participation à la Conférence de Rome pour l’institution du Tribunal Pénal International. Et dans le cadre de ces événements et de ces dates très significatives, permettez-moi de vous signaler quelques lignes d’interprétation de la présence et de l’action du Saint-Siège qui nous permettent de mieux comprendre une saison diplomatique dynamique et complexe.

a) Défense des droits de l’homme

La première ligne d’engagement du Saint-Siège sur la scène internationale est celle de la promotion et de la défense des droits de l’homme. Je voudrais souligner ici ce qu’il y a de paradoxal dans cet engagement du Saint-Siège sur le front – souvent très chaud – des droits de l’homme. Vous connaissez tous combien a été conflictuel – et combien il l’est encore – le rapport de l’Eglise avec « les raisons des modernes » sur ce terrain justement. Promus en tant que programme d’émancipation par l’Eglise et contre l’Eglise, les droits de l’homme sont devenus aujourd’hui, dans un climat diffus de méfiance et de dérive individualiste, l’un des milieux les plus caractérisants de l’engagement ecclésial en matière de promotion humaine. Dans son action au niveau mondial, le Saint-Siège soutient et encourage la défense des droits de l’homme. Il identifie dans ceux-ci le terrain propice à un dialogue fécond avec d’autres instances culturelles, juridiques, politiques et religieuses pour la promotion de la dignité de l’homme.

Chacun de vous se souviendra de la contribution décisive du Saint-Siège – fruit de dures batailles menées aux Conférences du Caire et de Pékin – pour que soit reconnu le droit à la vie dès sa conception, et affirmée la dignité de la femme en tant que personne. Il est bon de s’arrêter sur ce tableau historique de l’action du Saint-Siège. Comme vous le savez, en 1994 s’est tenue la Conférence du Caire sur Population et Développement, et le Saint-Siège s’est trouvé à devoir affronter une situation où les droits fondamentaux de l’homme étaient pris d’assaut. Des groupes radicaux ont uni leurs forces à celles d’autres groupes qui favorisaient un contrôle démographique incontrôlé, dans le but de dévier l’attention de ce qui devait être le centre de la Conférence « population et développement », vers les « droits reproductifs des femmes ». Dans la négociation sur le projet du Plan d’Action de la Conférence, la figure de la famille traditionnelle a été attaquée
et dénigrée et, au Caire, pression a même été faite pour que soit proclamé « un droit international à l’avortement ». Pour y remédier, la Délégation du Saint-Siège s’est engagée dans une négociation intense et difficile. Pour finir, aucun droit à l’avortement n’a été proclamé, et un paragraphe du document du Caire exclut spécifiquement l’avortement en tant « que moyen de planification familiale ». Cependant, la Conférence s’est terminée par la requête de milliards de dollars à investir pour la « santé de la reproduction » et pour la « planification familiale », tandis que c’est de façon vague qu’elle concédait vaguement des « fonds supplémentaires » pouvant être nécessaires pour le développement des nations pauvres.

A Pékin, la Quatrième Conférence mondiale sur les Femmes de 1995 est revenue sur nombre des problèmes qui avaient divisé les délégués au Caire. Outre agir pour des problèmes légitimes, comme l’élimination de la discrimination contre les femmes, des groupes radicaux ont manœuvré en faveur des « droits » des adolescents à être informés des services médicaux sans « l’interférence » de leurs parents et ont intercalé la phrase « sous toutes ses formes » chaque fois que le mot « famille » était mentionné dans le Plan d’Action. Encore une fois, des pressions ont été exercées pour que la Conférence déclare que les femmes sont titulaires d’un droit humain à l’avortement. Appuyé par un petit groupe de pays, le Saint-Siège a pu conjurer, une fois encore, la proclamation de l’avortement en tant que « droit humain » et assurer que les références à la « famille » et à la « maternité » soient incluses dans le document de la Conférence.

Du début à la fin, Jean-Paul II a perçu que les problèmes des Conférences du Caire et de Pékin touchaient aux droits de l’homme. De Rome, il a suivi attentivement leur déroulement, et soutenu la Délégation du Saint-Siège en intervenant fréquemment. En particulier, il a ressenti les menaces faites à la dignité des femmes et au droit fondamental à la vie. Avant le début de la Conférence de Pékin, il a rappelé aux participants l’avertissement de Pacem in terris : « Le fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même, iI est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature : aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables »(3). Lorsque Jean-Paul II affirmait que les droits humains sont inhérents à la personne humaine, il entendait par là que nous naissons tous titulaires de ces droits. Je veux vous lire ici ce que le Pape déclarait à ce propos : « La Déclaration universelle est claire: elle reconnaît les droits qu’elle proclame, elle ne les confère pas; ceux-ci sont en effet inhérents à la personne humaine et à sa dignité. La conséquence en est que personne ne peut légitimement priver de ces droits l’un de ses semblables, quel qu’il soit, car cela signifierait faire violence à sa nature. Tous les êtres humains, sans exception, sont égaux en dignité. Pour la même raison, ces droits concernent toutes les étapes de la vie et tout contexte politique, social, économique ou culturel. Ils forment un ensemble unitaire, qui tend clairement à promouvoir tout aspect du bien de la personne et de la société » (4).

Le profond engagement sur le front du droit à la vie et pour la promotion de la dignité personnelle des femmes ne signifie pas que le Saint-Siège n’ait pas eu une attention globale aux questions liées à la promotion des droits humains. A ce sujet, permettez-moi de m’arrêter sur un aspect qualitatif de l’engagement du Saint-Siège, celui regardant la mise en pratique des droits humains, tant proclamés et tout autant non respectés. En effet, dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 2003 qui rappelait le 40ème anniversaire de l’Encyclique Pacem in terris – Magna Charta de l’Eglise catholique sur les droits humains jaillie du cœur du Pape Jean XXIII – la dénonciation de Jean-Paul II résonnait de façon particulièrement triste et significative : « Nous sommes témoins de l’accroissement d’un écart préoccupant entre une série de nouveaux «droits» promus dans les sociétés technologiquement avancées et des droits humains élémentaires qui ne sont pas encore respectés, surtout dans des situations de sous-développement : je pense, par exemple, au droit à la nourriture, à l’eau potable, au logement, à l’auto-détermination et à l’indépendance. La paix exige que cet écart soit réduit de manière urgente et en définitive supprimé »(5).

b) Action pour la promotion du droit au développement

La seconde ligne d’engagement du Saint-Siège sur la scène internationale réside dans l’effort pour promouvoir le droit au développement. Ce sont surtout les pays les plus pauvres et nécessiteux qui attendent la pleine réalisation de ce droit, en étant conscients que – selon la célèbre définition de l’Encyclique Populorum progressio de Paul VI – « le développement est le nouveau nom de la paix »(6). On sait bien qu’à partir surtout du Concile Vatican II, l’évangélisation, principale mission de l’Eglise, a été toujours été conçue en liaison étroite avec la promotion humaine. Pour réaliser cet objectif, l’Eglise a mobilisé non seulement la multitude indomptée des missionnaires et volontaires à travers le monde, mais aussi l’engagement ciblé du Saint-Siège dans les différentes instances internationales. Il n’est pas possible – et je n’entends pas le faire ici – d’énumérer les initiatives plus importantes dans ce domaine. Je me limiterai à rappeler – comme je l’ai fait au Sommet de Rio et à celui de Johannesburg – que l’intérêt principal du Saint-Siège est de toujours affirmer la centralité de la personne humaine, de la personne en tant que fondement de toutes les politiques de développement humain durable. Dans ces circonstances, j’ai mis l’accent sur la nécessité de considérer les êtres humains, en particulier les pauvres, « comme étant les acteurs de leur propre avenir ». A la Conférence de l’ONU sur le financement au développement, qui s’est tenue à Monterrey, au Mexique, j’avais adressé, au nom du Pape Jean-Paul II, un appel soutenu pour que la communauté internationale s’engage à éliminer la pauvreté du monde, en récupérant les valeurs éthiques dans l’économie et en plaçant la dignité de la personne humaine au cœur du développement. J’avais déclaré alors, mais je pourrais le répéter aujourd’hui à plus forte raison encore : « Le monde d’aujourd’hui est obscurci par une paix fragile et marqué par des promesses non tenues. Trop de personnes vivent une vie sans espérance, avec bien peu de possibilités de réaliser un avenir meilleur pour elles-mêmes, pour leurs enfants et pour les générations futures… La famille des Nations ne peut permettre qu’un autre jour passe sans qu’une vraie tentative ne soit faite pour réaliser ces objectifs, en accomplissant des progrès concrets vers l’éradication de la pauvreté ». Dans son Message pour la Journée mondiale de la Paix 2003, le Pape Jean-Paul II énonçait, parmi les prémisses d’une paix durable, l’attention particulière qui doit être mise dans l’exécution des engagements pris à l’égard des pauvres : « Ne pas tenir des promesses faites et considérées par les pauvres comme d’un intérêt vital serait en effet particulièrement frustrant pour eux. Dans cette perspective, le non-respect des engagements à l’égard des Nations en voie de développement constitue un problème moral sérieux et met encore plus en lumière l’injustice des inégalités qui existent dans le monde »(7).

c) Promotion du droit à la paix et composition des conflits

La troisième ligne caractérisant l’action du Saint-Siège est celle liée à la promotion du droit à la paix. A propos de l’action pacificatrice du Saint-Si
ège, à travers les institutions internationales, pour tout ce qui touche au désarmement, à la non-prolifération et à l’élimination des moyens de destruction de masse, je dois obligatoirement me limiter à en parler seulement brièvement, chacun de ces domaines méritant un discours à lui seul.

L’action pacificatrice du Saint-Siège à travers les institutions internationales se rapporte aux interventions ayant pour but de favoriser la composition des conflits en acte, et la prévention de ceux qui sont possibles. Pour les premiers, je ne peux pas ne pas rappeler ce que Jean-Paul II appelait les « guerres oubliées ». Oubliées, surtout de la part des médias, mais non de l’Eglise, qui a toujours soutenu son engagement de première ligne dans ce domaine, spécialement dans les guerres qui ensanglantent l’Afrique. Un engagement assuré afin de recomposer les fractures sociales qui se trouvent à la base des divers conflits sévissant sur le continent. L’Afrique a un besoin urgent de paix et d’espérance. Un besoin qui exige le soutien ferme de la communauté internationale, non seulement pour faire cesser les guerres en acte, mais pour combattre les causes profondes des conflits afin d’instaurer une paix et un développement durables. Et que dire des interventions continuelles de Jean-Paul II et de Benoît XVI pour la paix au Moyen-Orient ? Face à l’aggravation permanente de la crise dans cette région, le Saint-Siège a réitéré que « sa solution ne pourra jamais être imposée en recourant au terrorisme ou aux conflits armés, pensant que des victoires militaires peuvent être la solution »(8).

Pour ce qui est de la prévention des conflits possibles, l’intervention du Pape Jean XXIII à propos de la crise des missiles à Cuba a, dans le passé, six mois avant la publication de Pacem in terris, constitué une étape importante de l’histoire, alors que le monde se trouvait au bord d’une guerre nucléaire. Et à notre époque, vous avez tous à l’esprit l’action inlassable, au plan du magistère et de la diplomatie, de Jean-Paul II et du Saint-Siège pour éloigner de l’horizon la guerre en Irak. Le fait que la guerre ait éclaté a conduit certains à considérer comme un échec l’action du Pape et du Saint-Siège. Toutefois, le Saint-Père et le Saint-Siège ne le voient pas ainsi : leurs critères de vérification quant à la fécondité de leur action sont tout autres ; en tout premier lieu, le critère de la croix, qui fait dire à saint Paul, dans une confrontation conflictuelle avec le contexte culturel de son époque : « … ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1,25). De toutes façons, il est certain que Jean-Paul II a empêché que la guerre en Irak n’assume les accents troubles et néfastes d’un affrontement entre les religions.

d) L’ordre international

Le Saint-Siège a exprimé de mille façons sa confiance dans la valeur de la Communauté des peuples, confiance qu’elle exprime à travers des relations internationales caractérisées par le respect réciproque et la solidarité commune, et à travers les organismes internationaux qui constituent, pour ainsi dire, l’axe portant de sa vie et de sa vitalité, selon les propositions de Pacem in terris, du bienheureux Jean XXIII pour un Ordre international doté d’une autorité publique mondiale. Malgré des limites innombrables, malgré les fragilités congénitales, et malgré la nécessité de renouvellements et de révisions ne pouvant être prorogés, la Communauté internationale et le multilatéralisme restent un point fortement acquis dans la « philosophie politique » et dans l’activité quotidienne de la diplomatie du Saint-Siège, comme Son Eminence le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’Etat, l’a affirmé récemment à l’Académie pontificale des Sciences sociales lors d’une importante Conférence. Dans cette perspective, si actuelle et décisive pour l’avenir de la Communauté internationale, si l’on considère les difficultés actuelles le Saint-Siège se présente comme un témoin d’espérance invitant la Communauté internationale au courage, et se faisant le porte-parole et l’interprète – au plan moral, politique et culturel international – de l’invitation de Jésus à Pierre : « Duc in altum » (Lc 5,4)(9) : « Communauté internationale, «avance au large !» ». A ce propos, dans la Préface du volume que j’ai mentionné, Des mots qui comptent, le Cardinal Angelo Sodano, prédecesseur du Cardinal Bertone, affirmait avec à propos : « En ce début de millénaire, marqué de terrorisme aveugle et de violence haineuse, l’invitation au courage est d’une brûlante actualité. Nul – et moins que quiconque un diplomate – ne doit désespérer d’un ordre international ouvert à la justice, à la liberté, à la solidarité et à la paix. L’histoire ne nous enseigne pas à nous contenter d’un rôle d’arrière-garde ; bien au contraire, elle nous invite à être des hommes d’avant-garde et d’espérance ».

Conclusion

Dans ma longue carrière diplomatique, on m’a souvent dit, comme un compliment : « La diplomatie du Saint-Siège est la meilleure ! ». Je ne sais pas ce que cette affirmation a de vrai. Mais, prononcée avec admiration ou bien une pointe de malice, la phrase a besoin d’une explication car, parfois, l’opinion publique qualifie l’activité du diplomate – qu’elle ignore souvent ! – avec des jugements peu flatteurs. Et bien, la diplomatie vaticane a de grands mérites, qui ne lui viennent pas tant de ses capacités typiquement politiques ou diplomatiques, plutôt – et en premier lieu – que de sa capacité, dans les différents contextes nationaux et internationaux, d’attribuer une importance publique et une visibilité prophétique au discours religieux et moral sur le destin des hommes et des femmes, et sur leurs droits fondamentaux. La diplomatie vaticane a écrit l’une des pages les plus significatives et importantes de l’histoire de l’Eglise contemporaine, dans la perspective évangélique du dialogue éthique et culturel avec le monde moderne fortement voulu par le Concile Vatican II, avec la Constitution pastorale Gaudium et spes, dialogue que le Magistère des Souverains Pontifes a continué d’encourager et d’ajourner à travers la proposition de la doctrine sociale. Même si je ne suis plus un diplomate, je sens qu’il est de mon devoir de rendre hommage à la diplomatie du Saint-Siège, qui a été, et qui continuera d’être, au sein de la grande famille des Nations, un « témoin authentique de la dignité de l’homme » ; et, relativement à cette mission, on ne se lassera jamais de rechercher le consensus des Nations de bonne volonté sur les grands thèmes de la justice et de la paix.

Et pour finir – last but not least ! : le secret d’une bonne réussite de l’action de l’Eglise sur la scène internationale également, on le trouve dans le prière. Dans un de ses Discours au Corps diplomatique, se référant à la paix, Jean-Paul II rappelait : « Certains diplomates se demanderont peut-être : en quoi la prière pour la paix fera-t-elle progresser la paix ? C’est que la paix est tout d’abord un don de Dieu. C’est Dieu qui la fonde (…). C’est lui qui inscrit dans la conscience de l’homme des lois qui l’obligent à respecter la vie et la personne de son prochain ; il ne cesse d’appeler l’homme à la paix (…). Il veut une cohabitation des hommes (…). Il les aide aussi intérieurement à réaliser la paix ou à la retrouver, par son Esprit Saint »(10). L’Eglise et le Saint-Siège peuvent exercer leur rôle de promotion de l’homme et de ses droits fondamentaux, de la paix et du développement d’autant plus efficacement qu’ils se concentrent avec plus de décision sur ce qui est leur : l’ouverture à Dieu, l’enseignement d’une fraternité universelle et la promotion d’une culture de solidarité (11). C’est dans cette perspective que le Saint-Siège est engagé pour réaliser son action, plus nécessaire aujourd’hui que jamais, en étant soutenu par l’espérance contre tou
te espérance (cf. Rm 4,18).

:::::::__
1. Gaudium et spes, n° 76.
2. JEAN-PAUL II, Discours au Corps diplomatique, 12 janvier 1981, nos 9 et 10.
Pacem in terris, n° 9.
3. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 1999, 1er janvier 1999, n° 3.
4. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2003, 1er janvier 2003, n° 5.
5. PAUL VI, Lettre encyclique Populorum progressio, nos 76-80.
6. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2003, 1er janvier 2003, n° 8.
7. JEAN-PAUL II, Discours au Corps diplomatique près le Saint-Siège, 13 janvier 2003, n° 4.
8. Lettre apostolique à la fin du grand Jubilé de l’An 2000, Novo millennio ineunte, n° 1.
9. JEAN-PAUL II, Discours au Corps diplomatique</i>, 10 janvier 1987, n° 4.
10. Cf. Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2003, n° 9. Le texte du Saint-Père se réfère directement à la religion en générale, mais il est applicable a fiortiori à la religion catholique et à l’Eglise.

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ZENIT Staff

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