Les évêques d'Irlande en visite ad limina © Radio Vatican

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Irlande: entretien avec Mgr Martin, bilan de la visite ad limina

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Protection des enfants, crise des vocations, esprit missionnaire

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Protection des enfants, crise des vocations, attitude missionnaire, ont été au menu des échanges entre les évêques d’Irlande et le pape François, le 20 janvier 2017, au Vatican. Mgr Eamon Martin, archevêque d’Armagh et primat d’Irlande, évoque pour les lecteurs de Zenit cette rencontre qui a eu lieu dans le cadre de leur visite ad limina.

Mgr Martin fait aussi le point sur la situation de l’Irlande, agitée par les débats concernant la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne (Brexit). Tandis que l’Eglise irlandaise – Irlande du Nord comme Irlande – vit de façon unifiée, il exprime sa préoccupation vis-à-vis du spectre du retour des frontières.

Zenit – Excellence, comment s’est passée la rencontre avec le pape ?

Mgr Eamon Martin – Cela a été un moment extraordinaire. Pour beaucoup d’évêques, dont moi, il s’agissait de la première visite ad limina. Le Saint-Père a été très accueillant et désireux de connaître nos expériences pastorales comme évêques en Irlande.

Avez-vous approfondi des sujets en particulier ?

Beaucoup a changé pour nous ces dix dernières années, depuis la visite ad limina avec Benoît XVI, aussi il y avait beaucoup à discuter. Avec le pape François nous avons d’abord parlé des efforts mis en œuvre pour protéger les enfants vulnérables conte les abus. Durant notre visite, a été publié un rapport sur les abus en Irlande du Nord, rédigé par Sir Anthony Hart, qui a servi à nous rappeler qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir en ce sens. Nous avons ensuite abordé le thème des vocations en Irlande et du ministère de nos prêtres et de nos religieux. Nous sommes conscients de la diminution du nombre de prêtres et de la plus grande charge de travail qui s’ensuit. (…) L’Eglise d’Irlande est dans une période de transition qui est aussi une occasion pour nous de sortir en “mode missionnaire”. Cela signifie abandonner le cléricalisme pour promouvoir les charismes des fidèles laïcs, en particulier des femmes.

Avez-vous invité le pape François en Irlande à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles qui se tiendra à Dublin en 2018 ?

Evidemment nous avons discuté de cet événement, en invitant à nouveau le pape François à s’unir à nous à cette occasion. La pastorale familiale reste une priorité pour nous. Pour l’Irlande, la Rencontre mondiale des familles représente plus qu’un événement “ponctuel”. Nous la considérons comme une occasion de grâce, pour célébrer et approfondir les richesses de “l’Evangile de la Famille”.

Avant les élections en Irlande du Nord (2 mars), les évêques ont préparé un document pour les électeurs. Pourquoi ?

Comme évêques, nous avons le devoir de servir les fidèles et d’annoncer l’Evangile. C’est un moment critique pour notre société. Les derniers mois ont révélé que les principes de l’Accord du Vendredi Saint, signé en 1998 (pour mettre fin au conflit nord-irlandais, ndlr), ne sont pas aussi enracinés qu’on aurait pu l’espérer. Il y a eu un retour au langage de la division et il est important que tous dans la communauté s’adressent à nos représentants élus pour les exhorter à ne pas réduire à néant les énormes progrès accomplis. Nous avons tous, les Eglises, la communauté entrepreneuriale, ainsi que les gouvernements britanniques et irlandais, des responsabilités de co-garants de l’Accord du Vendredi Saint et du processus de paix. Nous devons tous éviter l’utilisation d’un langage dur ou énervé ou la tentation de se rejeter mutuellement la responsabilité, plutôt qu’accepter notre responsabilité collective pour le passé, le présent et l’avenir. Nos politiques ont la précieuse vocation de travailler pour le bien commun et d’exercer leur leadership à travers la mise en pratique du compromis.

(…)

Le Brexit peut-il avoir un impact en Irlande ?

L’Irlande, Nord et Sud, se trouve dans un état d’incertitude à cause du Brexit. Nous ne savons pas si le Brexit pourrait avoir un impact social, culturel, politique et économique. Faire partie de l’Europe nous a aidés à regarder nos problèmes de façon moins fermée, insulaire. Malgré les assurances de la Première ministre britannique Theresa May et du Taoiseach d’Irlande (chef du gouvernement, ndlr) Enda Kenny, on a recommencé à discuter des frontières entre le Nord et le Sud de l’Irlande et des restrictions à la circulation des marchandises. Il y a une peur aussi de restrictions à la circulation des personnes. Ce type de nervosité, combiné avec l’incertitude et le manque de confiance dans le gouvernement en Irlande du Nord, peut être un cocktail dangereux. Malheureusement – comme dans toutes les situations de conflit – ce seraient les pauvres, les marginalisés, les défavorisés socialement et économiquement, qui souffriraient le plus et qui seraient les plus vulnérables à la violence et au désespoir. Nous devons l’éviter à tout prix.

Que signifierait le retour des frontières pour l’Eglise ?

Nous sommes sincèrement préoccupés. L’Eglise, comme les méthodistes, les presbytériens et les anglicans, a une organisation unifiée sur toute l’île. La Conférence épiscopale d’Irlande est une. Armagh, qui est mon archidiocèse, est constitué à 60% de personnes situées en Irlande du Nord et de 40% en République d’Irlande. Les frontières les plus dangereuses peuvent s’enraciner dans notre esprit, avec des attitudes d’exclusion à l’égard des migrants, des réfugiés, des personnes d’autres convictions politiques. L’Irlande du Nord est un petit territoire. Mais le passé a montré que la violence en Irlande du Nord peur avoir un impact déstabilisant très au-delà des frontières. J’estime donc que l’Europe, la Grande Bretagne et l’Irlande doivent avoir une responsabilité importante partagée, pour aider à trouver une solution unique pour l’avenir de l’Irlande du Nord.

Traduction d’Anne Kurian

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Federico Cenci

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