Conférence environnement climat Laudato Si' © Vatican Media

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Climat : "nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps"

Discours du pape à la Conférence environnementale du Vatican (Traduction intégrale)

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« Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps », déclare le pape François en évoquant les accords internationaux sur le climat devant les participants à une conférence sur l’environnement, ce 6 juillet 2018, au Vatican.
Le pape a en effet reçu les 300 participants venus à cet événement international organisé pour le 3e anniversaire de l’encyclique Laudato Si’, les 5 et 6 juillet, sur le thème « Sauvegarder notre maison commune et la vie future sur Terre ». Dans son discours, il a souligné « le danger réel de laisser aux générations futures des décombres, des déserts et de la saleté ».
Encourageant à « “écouter avec le cœur” les cris toujours plus angoissants de la terre et de ses pauvres en recherche d’aide et de responsabilité », le pape a invité à « une transformation à un niveau plus profond, c’est-à-dire un changement des cœurs, un changement des consciences ». « En cela les religions, a-t-il ajouté, en particulier les Eglises chrétiennes, ont un rôle-clé à jouer. »
Le pape François a également plaidé pour les peuples de l’Amazonie : « Il est triste de voir les terres des peuples indigènes expropriées et leurs cultures foulées au pied par une attitude de prédateur, par de nouvelles formes de colonialisme, alimentées par la culture du déchet et par le consumérisme ». « Combien pouvons-nous apprendre d’eux ! » a -t-il assuré.
Voici notre traduction du discours prononcé par le pape.
Discours du pape François
Messieurs les cardinaux,
Eminence,
Chers frères et soeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite à tous la bienvenue, à l’occasion de la Conférence internationale convoquée pour le troisième anniversaire de la publication de la Lettre encyclique Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune. Je voudrais saluer de façon spéciale Son Eminence, l’Archevêque Zizioulas, car c’est lui qui a présenté, avec le cardinal Turkson, l’Encyclique, il y a trois ans. Je vous remercie de vous être réunis pour “écouter avec le cœur” les cris toujours plus angoissants de la terre et de ses pauvres en recherche d’aide et de responsabilité, et pour témoigner de la grande urgence d’accueillir l’appel de l’Encyclique à un changement, à une conversion écologique. Vous témoignez de l’engagement qu’on ne peut différer, à agir concrètement pour sauver la Terre et la vie sur elle, en partant de la thèse que “toute chose est liée”, concept-guide de l’Encyclique, à la base de l’écologie intégrale.
Nous pouvons lire aussi dans cette perspective l’appel que François d’Assise reçoit du Seigneur dans la chapelle de San Damiano : “Va, reconstruis ma maison, qui, comme tu le vois, est en ruines”. Aujourd’hui, la “maison commune” qu’est notre planète a aussi un besoin urgent d’être réparée et que soit assuré un avenir durable.
Ces dernières décennies, la communauté scientifique a élaboré en ce sens des évaluations toujours plus soignées. « Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes, comme, de fait, cela arrive déjà périodiquement dans diverses régions » (Enc. Laudato si’, 161). Il y a le danger réel de laisser aux générations futures des décombres, des déserts et de la saleté.
Je souhaite par conséquent que cette préoccupation pour l’état de notre maison commune se traduise par une action organique et concertée d’écologie intégrale. En effet, « l’atténuation des effets de l’actuel déséquilibre dépend de ce que nous ferons dans l’immédiat » (ibid.). L’humanité a les connaissances et les moyens pour collaborer à cet objectif et, avec responsabilité, “cultiver et protéger” la Terre de façon responsable. A ce sujet, il est significatif que votre discussion concerne aussi certains événements-clés de l’année en cours.
Le Sommet COP24 sur le climat, programmé à Katowice (Pologne) en décembre prochain, peut être un jalon sur le chemin tracé par l’Accord de Paris en 2015. Nous savons tous que beaucoup doit être fait pour la mise en pratique de cet Accord. Tous les gouvernants devraient s’efforcer d’honorer les engagements pris à Paris pour éviter les pires conséquences de la crise climatique. « La réduction des gaz à effet de serre exige honnêteté, courage et responsabilité, surtout de la part des pays les plus puissants et les plus polluants » (ibid., 169). Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps dans ce processus.
Outres les Etats, d’autres acteurs sont interpellés : des autorités locales, des groupes de la société civile, des institutions économiques et religieuses peuvent favoriser la culture et la pratique écologique intégrale. Je souhaite que des événements comme, par exemple, le Sommet sur l’action globale pour le climat, en programme du 12 au 14 septembre à San Francisco, offrent des réponses adéquates, avec le soutien de groupes de pression de citoyens dans toutes les parties du monde. Comme nous l’avons affirmé ensemble, avec Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomée, « il ne peut y avoir de solution sincère et durable au défi de la crise écologique et du changement climatique sans une réponse concertée et collective, sans une responsabilité partagée et assumée, sans donner la priorité à la solidarité et au service » (Message pour la Journée de prière pour la préservation de la Création, 1er septembre 2017).
Les institutions financières aussi ont un rôle important à jouer, comme cela part soit du problème soit de sa solution. Il faut un transfert du paradigme financier afin de promouvoir le développement humain intégral. Les Organisations internationales, comme par exemple le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, peuvent favoriser des réformes efficaces pour un développement plus inclusif et durable. L’espérance est que « la finance […] redevienne un instrument visant à une meilleure production de richesses et au développement » (Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate, 65), ainsi qu’à la sauvegarde de l’environnement.
Toutes ces actions présupposent une transformation à un niveau plus profond, c’est-à-dire un changement des cœurs, un changement des consciences. Comme le dit saint Jean-Paul II: « Il faut […] stimuler et soutenir la conversion écologique » (Catéchèses, 17 janvier 2001). Et en cela les religions, en particulier les Eglises chrétiennes, ont un rôle-clé à jouer. La Journée de prière pour la création et les initiatives qui lui sont liées, initiées au sein de l’Eglise orthodoxe, se diffusent dans les communautés chrétiennes de tous les coins du monde.
Enfin, la confrontation et l’engagement pour notre maison commune doit réserver un espace spécial à deux groupes de personnes qui sont en première ligne dans le défi écologique intégral et qui seront au centre des deux prochains Synodes de l’Eglise catholique : les jeunes et les peuples indigènes, particulièrement ceux de l’Amazonie.
D’un côté « les jeunes nous réclament un changement. Ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus » (Laudato si’, 13). Ce sont les jeunes qui devront affronter les conséquences de la crise environnementale et climatique actuelle. C’est pourquoi, la solidarité intergénérationnelle n’est pas « une attitude optionnelle, mais une question fondamentale de justice, puisque la terre que nous recevons appartient aussi à ceux qui viendront » (ibid., 159).
D’un autre côté, « il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles » (ibid., 146). Il est triste de voir les terres des peuples indigènes expropriées et leurs cultures foulées au pied par une attitude de prédateur, par de nouvelles formes de colonialisme, alimentées par la culture du déchet et par le consumérisme (cf. Synode des évêques, Amazonie : nouveaux chemins pour l’Eglise et pour une écologie intégrale, 8 juin 2018). « La terre n’est pas pour ces communautés un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs » (Laudato si’, 146). Combien pouvons-nous apprendre d’eux ! Les vies des peuples indigènes « sont une mémoire vivante de la mission que Dieu a confiée à nous tous : la protection de notre maison commune » (Discours de la rencontre avec les peuples indigènes, Puerto Maldonado, 19 janvier 2018).
Chers frères et sœurs, les défis abondent. J’exprime ma sincère gratitude pour votre travail au service de la sauvegarde de la création et d’un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants. Cela pourrait sembler parfois une entreprise trop ardue, parce qu’ « il y a trop d’intérêts particuliers, et très facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets» (Laudato si’, 54); mais «les êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer» (ibid., 205). S’il vous plaît, continuez à travailler pour un «changement radical à la hauteur des circonstances» (ibid., 171). «L’injustice n’est pas invincible» (ibid., 74).
Que saint François d’Assise continue à nous inspirer et à nous guider sur ce chemin, et que « nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l’espérance » (ibid., 244). Au fond, le fondement de notre espérance repose sur la foi dans la puissance de notre Père céleste. Lui, «qui nous appelle à un engagement généreux, et à tout donner, nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour aller de l’avant. Au cœur de ce monde, le Seigneur de la vie qui nous aime tant, continue d’être présent. Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins. Loué soit-il » (ibid., 245).
Je vous bénis. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
Merci !
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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