L’univers féminin en Arabie saoudite, sans accusation ni revendication, c’est le thème du film Wadjda de la réalisatrice Haifaa Al-Mansour, auquel Mgr Dario Edoardo Viganò a rendu hommage lors du Siloe Film Festival.
Le préfet du Secrétariat pour la communication a en effet participé à la quatrième édition du festival qui se déroulait en Toscane (Italie), dans le cadre de l’abbaye bénédictine de Siloé, du 20 au 22 juillet 2017.
L’Osservatore Romano en italien daté du 23 juillet rapporte l’intervention de Mgr Viganò, centrée sur le film de la Saoudienne.
Intervention de Mgr Dario Edoardo Viganò
Le Beau vélo de Wadjda
Il y a des femmes, en Europe et en Afrique, en Amérique, en Asie et en Océanie, capables de bien analyser les situations et de proposer ensuite des solutions réalistes. Des femmes tenaces et volontaires, qui savent créer des projets d’intégration et des processus d’inclusion d’ethnies différentes, de minorités culturelles, de différentes appartenances religieuses.
La réalisatrice Haifaa Al-Mansour, par exemple, nous livre son regard sur le Moyen Orient, sur l’islam. Première cinéaste saoudienne, celle-ci a tourné à Ryad le long métrage Le beau vélo vert (ou Wadjda), avec lequel elle s’est imposée sur la scène internationale, obtenant en 2012 le prix interfilm de l’organisation internationale protestante cinéma, au 69° Festival international d’art cinématographique de Venise. Née en 1974, Haifaa Al-Mansour est la fille d’un poète saoudien, Abdul Rahman Mansour ; après des études entre l’Egypte et l’Australie, elle se lance immédiatement dans l’audiovisuel en enquêtant sur les conditions de la femme au Moyen Orient, thème qui renvoie au documentaire Women Without Shadows (2005).
Le Film Wadjda ouvre à Haifaa Al-Mansour la route de l’industrie du cinéma international, portant à l’attention du monde la condition des femmes en Arabie Saoudite à travers l’histoire de la pré-adolescente Wadjda (Waad Mohammed) qui rêve d’avoir un vélo, en l’occurrence d’un vélo vert, qu’elle a vu dans la vitrine d’un magasin près de chez elle. Mais voilà, problème : les filles n’ont pas le droit d’aller en vélo. La petite fille ne peut accepter de se sentir différente de ses propres camarades de jeux, même s’il s’agit de garçons. Alors elle cherche par tous les moyens d’arriver à son objectif ; la solution pourrait être de remporter le concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante la somme utile pour acheter le vélo.
Cette histoire, avec les couleurs pastelles de l’enfance, a pour cadre des dynamiques familiales complexes, des situations problématiques. Dans ces familles, les femmes sont appelées à marcher quelques pas derrière les hommes, à réprimer l’instinct d’une pensée libre. La réalisatrice nous conduit à l’intérieur de la société saoudienne, nous montrant comment elle est structurée, décrivant les espaces réservés tantôt à l’homme tantôt à la femme.
Haifaa Al-Mansour se concentre tout particulièrement sur la femme, raconte les difficultés de l’univers féminin sans prendre de ton accusateur ou revendicateur comme on aurait pu penser.
« J’ai bougé à l’intérieur des règles — a souligné la réalisatrice à l’occasion du Troisième Millennium Film Fest en 2012 — avec toutes les autorisations du cas évitant les attitudes de défi vis-à-vis du système. J’estime que notre devoir à nous, les artistes, est de travailler dans une culture sans interprétation forcée. Chercher à amener le public de notre côté, sans nous radicaliser ».
Haifaa a choisi le cadre d’une histoire innocente de l’enfance, celle donc de la petite Wadjda, qui se retrouve face à des limites, dans sa vie à l’école et à la maison, confrontée aux premières interdictions qui constellent la vie d’une femme. Et à la candeur de l’enfance, au regard d’espérance des jeunes générations, Haifaa Al-Mansour confie un message de confiance : Wadjda ne parviendra pas à obtenir l’argent du concours, ne pourra pas s’acheter un vélo mais le vélo vert lui sera quand même offert.
La petite fille réalisera son rêve de liberté et parité grâce au courage de sa mère — la séquence que nous avons choisi d’approfondir —, qui, malgré les réticences familiales, décidera d’offrir à sa fille le rêve d’un autre monde, le début d’un changement possible.
« Etre femme et cinéaste, comme Haifaa Al-Mansour — écrit Roberto Nepoti — est aussi une transgression sur sa terre ; mais surtout dans un pays qui n’a pas de salles cinématographiques. Du néoréalisme du Voleur de bicyclette au film chinois Ce vélo de Pékin, et aujourd’hui Le beau vélo vert, les deux roues revêtent une valeur symbolique pour raconter une époque à travers le récit d’une vie privée. Haifaa possède un sens aigu de l’observation et le met au service d’un film à observer en détail ».
Le cinéma italien, celui de Vittorio De Sica et Cesare Zavattini, son modèle de narration, a certainement influencé le regard cinématographique de la réalisatrice. « Quand j’ai décidé d’entreprendre sérieusement cette voie — a souligné la cinéaste — j’ai voulu voir les chefs d’œuvre du cinéma. Je ne peux oublier l’impact du néoréalisme italien et d’un film comme Voleur de bicyclette. La force de votre pays m’a beaucoup marqué. Un pays, si désireux de vie malgré les ruines de la guerre dans lesquelles il vivait encore »
Avec une traduction d’Océane Le Gall
Mgr Dario Vigano © Zenit
Cinéma : Mgr Viganò au Siloe Film Festival
L’univers féminin en Arabie saoudite, sans accusation ni revendication