Ces lames anti-migrants et les larmes du pape, parce que "le monde a oublié de pleurer"

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Conférence de presse dans l’avion de Rabat à Rome (6)

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« Le monde a oublié de pleurer », déplore le pape François qui au contraire s’émeut aux larmes lorsque le journaliste espagnol Jordi Evole, lui montre, lors de son interview, des lames enfilées dans les barrières anti-migrants en Espagne – dans les enclaves de Ceuta et Melilla au Maroc -, et un film montrant les blessures infligées: et si cétait mon fils, mon frère?, interroge le pape qui cite ensuite une phrase d’Alexis Tsipras, digne, dit-il, d’un Prix Nobel. Le pape déplore « la cruauté » de certains moyens anti-migrants et des trafiquants d’êtres humains.
Le pape a en effet accordé une interview au programme de l’émission de Jordi Evole, le dimanche de la télévision espagnole « LaSexta », intitulé « Salvados » (« Sauvés »).
A une question de la presse, sur le vol Rabat-Rome, dimanche, 31 mars 2019, le pape a remis sa réflexion dans le contexte: « Avant tout, ce que j’ai dit il y a un moment, les constructeurs de murs, qu’ils soient en barbelés avec des lames ou en béton, deviendront prisonniers des murs qu’ils font. L’histoire le dira. Deuxièmement, Jordi Evole, en faisant l’interview, m’a fait voir une partie de ce film avec les lames. Je te dis sincèrement, ça m’a ému et quand il est parti, j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que ça ne rentre pas dans ma tête ni dans mon cœur, tant de cruauté. Ça ne rentre pas dans ma tête ni dans mon cœur de voir les noyades en Méditerranée ni de faire un pont aux ports. Ça n’entre pas. Cela, ce n’est pas la manière de résoudre le grave problème des migrations. Je comprends qu’un gouvernement, avec ce problème, a une patate chaude dans les mains. Mais il doit le résoudre autrement. Humainement. Quand j’ai vu ce fil avec les lames, cela semblait impossible à croire. »
Et le pape poursuit: « Puis une fois j’ai eu la possibilité de voir un film tourné dans les prisons des réfugiés qui repartent, qui sont renvoyés. Des prisons pas officielles, des prisons de trafiquants de chair, de trafiquants. Si tu veux, je peux te l’envoyer. Mais ils font souffrir! Ils font souffrir. Les femmes et les enfants, ils les vendent. Restent les hommes. Et les tortures qu’on voit filmées là sont incroyables. C’est un film fait en cachette, avec les Services [de renseignement]. Et moi je ne laisse pas entrer. C’est vrai, parce que je n’en ai pas les moyens. Mais il y a d’autres pays, il y a l’humanité de l’Union européenne. On doit parler ! L’Union européenne entière ! Je ne laisse pas entrer. Ou je les laisse se noyer là, ou je les renvoie, sachant que beaucoup d’entre eux tomberont dans les mains de ces trafiquants qui vendront les femmes et les enfants et tueront ou tortureront, pour faire des esclaves avec les hommes. C’est filmé, et à votre disposition. »
Le pape a salué une phrase d’un politicien grec: « Une fois, j’ai parlé avec un gouvernant, un homme que je respecte. Je te donne le nom, Alexis Tsipras. Et parlant de cela, et des accords pour ne pas laisser entrer, il m’a expliqué les difficultés. Mais à la fin il m’a parlé avec le cœur et il a dit cette phrase : «Les droits humains passent avant les accords». Cette phrase mérite le Prix Nobel. »
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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