Lecture: Ap 11, 17; 12, 10.12
1. L’hymne qui vient de retentir descend idéalement du ciel. En effet, l’Apocalypse, qui nous le propose, le relie dans sa première partie (cf. 11, 17-18) aux «vingt-quatre Vieillards qui sont assis devant Dieu» (11, 16) et, dans la deuxième strophe (cf. 12, 10-12), à «une grande voix dans le ciel» (12, 10).
Nous participons ainsi à la représentation grandiose de la cour divine, où Dieu et l’Agneau, c’est-à-dire le Christ, entourés du «conseil de la couronne», sont en train de juger l’histoire humaine dans le bien et dans le mal, montrant cependant également sa fin ultime de salut et de gloire. Les chants qui constellent l’Apocalypse ont précisément la fonction d’illustrer le thème de la seigneurie divine qui régit le cours, souvent déconcertant, des événements humains.
2. A ce propos, le premier passage de l’hymne, placé dans la bouche des vingt-quatre Vieillards qui semblent incarner le peuple de l’élection divine, dans ses deux étapes historiques, les douze tribus d’Israël et les douze apôtres de l’Eglise, est significatif.
A présent, le Seigneur Dieu tout-puissant et éternel «a pris en main son immense puissance pour établir son règne» (cf. 11, 17) et son entrée dans l’histoire a pour but non seulement de bloquer les réactions violentes des rebelles (cf. Ps 2, 1.5) mais surtout d’exalter et de récompenser les justes. Ceux-ci sont définis par une série de termes utilisés pour décrire la physionomie spirituelle des chrétiens. Ils sont les «serviteurs» qui adhèrent à la loi divine avec fidélité; ils sont les «prophètes», dotés de la parole révélée qui interprète et juge l’histoire; ils sont les «saints», consacrés à Dieu et respectueux de son nom, c’est-à-dire prêts à l’adorer et à en suivre la volonté. Parmi eux, il y a des «petits et des grands», une expression chère à l’Auteur de l’Apocalypse (cf. 13, 16; 19, 5.18; 20, 12) pour désigner le peuple de Dieu dans son unité et sa variété.
3. Nous passons ainsi à la deuxième partie de notre Cantique. Après la scène dramatique de la femme enceinte «vêtue de soleil» et du terrible dragon rouge (cf. 12, 1-9), une voix mystérieuse entonne un hymne d’action de grâce et de joie.
La joie provient du fait que Satan, l’antique adversaire, qui dans la cour céleste avait pour rôle d’être «l’accusateur de nos frères» (12, 10), comme nous le voyons dans le Livre de Job (cf. 1, 6-11; 2, 4-5), a été désormais «jeté bas» du ciel et ne possède donc plus un pouvoir aussi grand. Il sait «que ses jours sont comptés» (12, 12), car l’histoire va bientôt connaître un tournant décisif de libération du mal et c’est pourquoi il réagit en «frémissant de colère».
De l’autre côté, le Christ ressuscité se lève, lui dont le sang est principe de salut (cf. 12, 11). Il a reçu du Père un pouvoir royal sur tout l’univers; en lui s’accomplissent «le salut, la force et le royaume de notre Dieu».
A sa victoire sont associés les martyrs chrétiens qui ont choisi la voie de la croix, en ne cédant pas au mal et à sa virulence, mais en se remettant au Père et en s’unissant à la mort du Christ à travers un témoignage de donation et de courage qui les a conduits à «mépriser leur vie jusqu’à mourir» (ibid.). Il nous semble entendre l’écho des paroles du Christ: «Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde, la conservera en vie éternelle» (Jn 12, 25).
4. Les paroles de l’Apocalypse sur ceux qui ont vaincu Satan et le mal «au moyen du sang de l’Agneau» retentissent dans une splendide prière attribuée à Siméon, Catholicos de Séleucie-Ctésiphont en Perse. Avant de mourir en martyr avec beaucoup d’autres de ses compagnons le 17 avril 341, durant les persécutions du roi Châhpuhr II, il adressa au Christ la supplication suivante:
«Seigneur, donne-moi cette couronne: tu sais comme je l’ai désirée parce que je t’ai aimé de toute mon âme et de toute ma vie. Je serai heureux de te voir et tu me donneras le repos… Je veux persévérer héroïquement dans ma vocation, accomplir avec force la tâche qui m’a été confiée et être un exemple pour tout ton peuple de l’Orient… Je recevrai la vie qui ne connaît ni peine, ni préoccupation, ni angoisse, ni persécuteur, ni persécuté, ni oppresseur, ni opprimé, ni tyran, ni victime; là, je ne verrai plus la menace des rois, ni la terreur des préfets; personne qui ne me cite au tribunal et qui m’abaisse toujours plus, personne qui ne m’entraîne et ne m’effraye. Les blessures de mes pieds guériront en toi, ô voie de tous les pèlerins; la lassitude de mes membres trouvera repos en toi, Christ, chrême de nos onctions. En toi, coupe de notre salut, disparaîtra la tristesse de mon cœur; en toi, notre consolation et joie, sècheront les larmes de mes yeux» (A. Hamman, Prière des premiers chrétiens, Milan 1955, pp. 80-81).
Traduction réalisée par Zenit